La Cour des comptes ne voit pas la dette publique diminuer avant 2021.
Source:Les Echos.
La saison budgétaire est ouverte, et le gouvernement est censé préciser début juillet ses ambitions en matière de déficit pour l'année 2020. Mais la Cour des comptes ne se fait pas d'illusion, et considère que les objectifs présentés en avril dernier paraissent d'ores et déjà périmés. Dans leur rapport annuel sur la « situation et les perspectives des finances publiques » présenté ce mardi, les magistrats financiers parlent d'une « trajectoire fragilisée dès 2020 par les décisions annoncées à l'issue du grand débat » et « d'un redressement des finances publiques repoussé au-delà de 2020 et très incertain ». Ainsi la Cour doute sérieusement que l'exécutif réduise le déficit (hors éléments exceptionnels) en 2020, alors qu'il avait promis une baisse à 2 % du PIB.
Pour arriver à ces conclusions, les sages de la rue Cambon ont cherché à tirer les conséquences du ralentissement (relatif) de la croissance et surtout de la crise des « gilets jaunes » sur les finances publiques. Pour 2019, les choses semblent relativement maîtrisées. « La prévision de déficit public est plausible, quoiqu'affectée d'un risque de dépassement modéré », est-il écrit dans le rapport.
Le coup de pouce des taux bas:
Après avoir lâché 11 milliards d'euros en décembre dernier pour apaiser la colère sociale, l'exécutif avait annoncé que le déficit 2019 s'établirait finalement à 3,1 % de PIB , ce qui semble « atteignable » pour la Cour. D'autant que les niveaux toujours très bas des taux d'intérêt pourraient permettre de diminuer la charge d'intérêt de 500 millions dès cette année . Seul bémol, le « risque important qu'il n'y ait en définitive aucune amélioration » du déficit structurel (hors effets de la conjoncture), alors que l'exécutif promet un léger mieux de 0,1 point de PIB.
C'est toutefois surtout pour l'année prochaine et les suivantes que les choses se compliquent. Les conclusions qu'a tirées le gouvernement du grand débat national donnent des sueurs froides à la Cour des comptes. « Leur prise en compte pourrait conduire à dégrader la prévision de solde pour 2020 », est-il écrit.
Flou sur les économies:
La réindexation des petites pensions et la baisse de l'impôt sur le revenu pour les classes moyennes coûtent déjà 6,5 milliards d'euros. « L'absence de fermeture d'hôpital et d'école d'ici 2022 devrait également accroître les contraintes sur la dépense », estiment les magistrats financiers. Ces derniers pointent aussi le fait que les cotisations sociales pourraient être diminuées de 500 millions, si jamais les employeurs profitaient de la reconduction de la « prime Macron » pour la substituer à d'autres formes de rémunération.
En face de cela, les mesures d'économies se font encore attendre . « Compte tenu de l'ampleur des mesures annoncées, il paraît peu probable qu'elles puissent être compensées intégralement sur l'exercice 2020 », juge la Cour, qui table sur « une dégradation des soldes effectif et structurel de 0,1 à 0,3 point de PIB » par rapport aux prévisions. Cela renverrait le déficit à un niveau compris entre 2,1 % et 2,3 % en 2020, au-dessus de l'objectif de 2 % affiché en avril dernier par le gouvernement.
Quasi-stabilité du déficit:
Certes, celui-ci pourra toujours faire valoir que ça reste quoi qu'il arrive beaucoup mieux que le niveau de 2019 (3,1 %). Mais cette amélioration est en trompe l'oeil. La transformation du CICE en baisse de charges pérenne obère de façon exceptionnelle les comptes publics cette année, de 0,8 à 0,9 point de PIB. Sans lui, on serait donc plutôt entre 2,2 % et 2,3 % de déficit en 2019… Soit quasiment le même niveau que celui anticipé en 2020 par la Cour.
La suite du quinquennat est également regardée avec inquiétude. La Cour note que les prévisions réalisées en avril par Bercy jusqu'en 2022 se basaient sur « une réduction des ambitions en matière de maîtrise des dépenses primaires, en partie compensées par un allégement de la charge d'intérêts prévue ».
Mais ces ambitions, même réduites, sont censées se concrétiser en 2021 et 2022, juste avant les élections, ce qui a de quoi faire naître quelques doutes. En outre, les mesures tirées du grand débat continueront de peser après 2020, à hauteur de 0,4 point à 0,7 point de PIB. Il faut aussi mentionner « des risques importants sur certaines dépenses de l'Etat », comme le versement au budget européen, les dépenses en infrastructures de transport ou les investissements pour les JO.
Pas de baisse de la dette en 2020:
Au final, la Cour ne voit pas la dette publique diminuer avant 2021, alors que les prévisions de Bercy du printemps avançaient un début de baisse en 2020. C'est nettement moins ambitieux que ce que prévoient les autres pays de la zone euro. « Cette divergence accrue entre la France et ses partenaires pourrait entraîner une dégradation de la qualité perçue par les investisseurs de la signature de la France », avancent les magistrats financiers, qui jugent qu'il « serait imprudent de compter sur ».
https://www.lesechos.fr/economie-france ... 20-1032106