Source:Le Figaro.
L’intense lobbying mené par le géant pétrolier Total auprès des parlementaires pourrait finir par porter ses fruits mais commence être contesté.
Les députés ont adopté ce jeudi, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2020, un amendement réintégrant l’huile de palme dans la liste des biocarburants, permettant ainsi à l’entreprise française de bénéficier d’une ristourne fiscale. Si elle est définitivement adoptée, cette mesure, qui doit encore être examinée par le Sénat, annulerait une décision votée fin 2018, contre laquelle bataillait le groupe depuis des mois. Les parlementaires avaient alors supprimé un avantage fiscal pour les carburants à base d’huile de palme.
Mais certains députés s’offusquent de «cette marche arrière», à l’image de Matthieu Orphelin (ex-LREM), proche de Nicolas Hulot, qui évoque un vote effectué «en catimini». «La France doit rester à l’avant-garde de la lutte contre la déforestation.» Le député demande ainsi «une nouvelle délibération» et ce, «dès aujourd’hui, avant la fin de l’examen du PLF (projet de loi de finances, NDLR) en première lecture à l’Assemblée nationale». Jeudi, «l’amendement est passé en deux secondes» avec «avis défavorable du rapporteur général, favorable du gouvernement, sans aucun débat! C’est une erreur à rattraper en deuxième lecture», a estimé de son côté la «marcheuse» Bénédicte Peyrol sur Twitter. Le député LREM et candidat à la mairie de Paris Cédric Villani a déploré que la majorité envoie ainsi des «signaux contradictoires» sur le thème environnemental. Or, «c’est un devoir d’avoir une attitude claire et ferme face à ces enjeux écologiques majeurs», a-t-il exhorté sur LCI.
«A ce stade, ce n’est pas prévu» de revoter sur cette mesure, a indiqué le ministère de l’Action et des Comptes publics. La commission des Finances de l’Assemblée doit se réunir à la mi-journée sur ce point, le rapporteur général Joël Giraud (LREM) ayant demandé une nouvelle délibération. Ce dernier avait réagi dans la nuit de jeudi à vendredi, «Si le groupe me le demande, je réclamerai une deuxième délibération».
Depuis le vote au Sénat, Patrick Pouyanné, le patron de Total, n’avait cessé depuis de marteler que ce revirement menaçait la rentabilité de sa bioraffinerie de La Mède (Bouches-du-Rhône), qui a démarré cet été et dont l’approvisionnement s’effectue pour près de la moitié avec de l’huile de palme.
Le groupe français estime que la fin de la niche fiscale, prévue pour début 2020, grèverait de 70 à 80 millions d’euros par an les comptes de cette usine, qui emploie directement 250 personnes. Le groupe s’était pourtant vu infliger un camouflet cinglant, le mois dernier, lorsque le Conseil constitutionnel avait rejeté son recours contre la fin de l’avantage fiscal. Patrick Pouyanné a multiplié les mises en garde cette année, prévenant que son entreprise n’avait «pas vocation à faire tourner des usines à perte». Puis évoquant en septembre devant les députés la possibilité d’exporter la production de La Mède vers l’Allemagne. Ses arguments ont visiblement convaincu, au grand dam des écologistes, qui n’ont pas de mots assez durs contre la culture de l’huile de palme, qui accélère la déforestation en Asie du Sud-Est.
L’Assemblée a soutenu une mesure défendue par des élus MoDem, LREM et LR des Bouches-du-Rhône en faveur d’un report à 2026 de la sortie de l’huile de palme des biocarburants. L’amendement, qui a reçu un avis favorable du gouvernement et défavorable du rapporteur général Joël Giraud (LREM), n’a pas été défendu au micro en séance et n’a pas fait l’objet d’un débat.
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