Avocats de profession, les deux personnalités politiques ont longtemps multiplié les déclarations sur l’indépendance de la justice, l’exemplarité des politiques ou contre les aménagements de peines. Jusqu’au moment où ils sont eux-mêmes condamnés.
Pour mémoire :
1981 : Nicolas Sarkozy obtient un certificat d’aptitude à la profession d’avocat.
1992 : Marine Le Pen prête serment et s’inscrit au barreau de Paris.
7 janvier 2009 : Déclaration de Nicolas Sarkozy, président de la République, sur les réformes présentes et futures dans le domaine de la justice : «D’abord, je veux dire ma totale confiance dans la justice de notre pays. Qu’on m’entende bien. Il ne s’agit pas là de la figure de style obligée, de celui qui, ayant affaire à elle, adopte cette posture prudente et vaguement hypocrite. J’ai réellement confiance dans la justice.»
14 janvier 2012 : Programme de Marine Le Pen, candidate du Front national à l’élection présidentielle de 2012 : «La pratique du pouvoir au plus haut niveau doit être exemplaire et inciter l’ensemble du corps politique et administratif à un usage parcimonieux de l’argent public, notamment via une distinction très nette entre l’usage privé des facilités liées aux fonctions politiques ou administratives, qui doit être facturé au centime près, et leur usage professionnel. La loi prévoirait des sanctions pénales accrues en cas de non-respect de ces obligations.»
26 janvier 2012 : Déclaration de Nicolas Sarkozy, président de la République, sur les réformes en matière judiciaire : «La justice est totalement et complètement indépendante, j’ai veillé à ce qu’il en soit ainsi. La révision constitutionnelle de 2008 a donné une autonomie totale au Conseil supérieur de la magistrature. Je suis le chef de l’Etat qui a mis un terme à soixante-cinq années de présidence, par le président de la République, de l’instance la plus importante de la magistrature ! Ceux qui se préoccupent tant de l’indépendance n’étaient donc pas choqués de voir le président de la République, quand il était l’un de leurs amis, présider le Conseil supérieur de la magistrature ? Ça, ça n’était pas une indépendance totale, ça ne posait pas de problème… J’ai mis un terme à cette situation.»
21 avril 2022 : Déclaration de Marine Le Pen, candidate du Rassemblement national à l’élection présidentielle : «Dans le domaine de la justice, les Français ont le sentiment que c’est devenu le laxisme le plus total… Il faut arrêter avec les aménagements de peine… Les aménagements de peine, moi, j’ai été avocate, pour les délinquants, c’est considéré comme l’impunité totale. Si la peine, c’est porter un bracelet, aller au commissariat pour pointer, etc. C’est comme si on ne faisait rien, moi, je crois qu’il faut revenir à la certitude de la peine, c’est mieux.»
Violation de l’Etat de droit
31 mars 2025 : Après neuf ans d’enquête et de nombreux recours formés par les avocats du RN, Marine Le Pen est condamnée à quatre ans de prison dont deux fermes (qui seraient effectués sous bracelet électronique) et cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire, dans l’affaire des assistants parlementaires européens du Front national.
31 mars 2025 à 20 heures : Déclaration de Marine Le Pen sur le plateau du journal de TF1 : «Des juges ont mis en place des pratiques qu’on croyait réservées à des régimes autoritaires… L’Etat de droit a été totalement violé par la décision qui a été rendue.»
1er avril 2025 : Suite à des menaces de mort publiées sur les réseaux sociaux, Bénédicte de Perthuis, la magistrate qui a prononcé la condamnation de Marine Le Pen, est sous protection policière et son domicile est placé sous surveillance.
25 septembre 2025 : Après douze ans d’enquête et de nombreux recours, Nicolas Sarkozy est condamné à cinq ans de prison pour «association de malfaiteurs». A la sortie du tribunal, il déclare à propos des juges : «La haine n’a décidément aucune limite… Ceux qui me haïssent à ce point pensent m’humilier, ce qu’ils ont humilié, aujourd’hui, c’est la France.» Son avocat fait appel, l’ex-président est présumé innocent, mais l’exécution provisoire implique son incarcération.
26 septembre 2025 : Nathalie Gavarino, la magistrate qui a condamné l’ex-président de la République est placée sous protection policière suite à des menaces de mort et à la divulgation de données personnelles.
En résumé, pendant que chacun est très occupé à se demander si Nicolas Sarkozy lira le Comte de Monte-Cristo en une ou plusieurs fois, ou si Marine Le Pen prendra ou non un second chat dans l’hypothèse où elle serait inéligible, des juges sont condamnés à vivre sous protection policière comme s’ils traitaient de dossiers terroristes ou mafieux. Ne serait-ce pas ça la véritable violation de l’Etat de droit ?
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