Neuf mois seulement après avoir repris une affaire qui marche à Fouvent-Saint-Andoche (Haute-Saône), Audrey et Brahim jettent l’éponge.
...Découragé par des menaces et des insultes à caractère raciste, le couple de restaurateurs a décidé de fermer. Depuis, habitants et élus se mobilisent pour tenter de les faire changer d’avis.
Source:Ouest-France.
Pneus crevés, provocations, menaces...
Les attaques racistes dont Audrey et Brahim sont la cible depuis leur installation dans le village de Fouvent-Saint-Andoche (Haute-Saône) ont fini par avoir raison de leur motivation et de leur détermination. Neuf mois après l'ouverture, le couple de restaurateur a décidé de fermer son établissement et d’aller voir ailleurs.
Dans le village de 215 âmes, cette victoire de l’intolérance ne passe pas.
"On va finir tout seul dans nos patelins":
Les propriétaires du bar-restaurant "Le Vannon" s’apprêtent à renoncer à une affaire qui marche. En quelques mois seulement, leur établissement s’était fait un nom et une place dans un secteur rural à mi-chemin entre Dijon et Vesoul.
"Nous faisons de 40 à 50 couverts par jour. Les habitants du village sont contents de venir au restaurant sans faire 15 ou 20 kilomètres de route. Nous avons organisé des concerts qui ont attiré plus de monde que le nombre d’habitants dans le village. Ça marche vraiment bien !", confie Brahim – qui ne souhaite pas communiquer son nom – à France 3 Bourgogne Franche-Comté.
Renoncer à une activité qui marche dans un secteur rural en quête de vitalité, c’est un non sens aux yeux du maire de la commune, Alain Aubry : "On se décarcasse pour faire vivre nos communes rurales. J’ai mis en place un marché un dimanche par mois, par exemple… Le 14 juillet ou le marché de Noël, c’est avec Audrey et Brahim qu’on met ça en place. Je suis écœuré, dégoûté. On va finir tout seul dans nos patelins."
Neuf mois de harcèlement raciste:
La rentabilité de l’établissement n’aura pas suffi à convaincre le jeune couple de rester. Pendant neuf mois, il aura fait face à une série de provocations et d’intimidations : appels téléphoniques malveillants, pneus crevés, insultes...
Plainte et main courante ont été déposées à la gendarmerie, mais sans effet à ce jour. "Les gendarmes nous ont pris au sérieux. Ils nous ont dit que les gens n’étaient pas dangereux, qu’il ne fallait pas s’inquiéter", explique Brahim.
Les restaurateurs ont fait part de leur décision en cette fin septembre: Partir,sans fracas.
"On est d’un naturel discret. Nous, notre but, c’est de monter notre affaire et de travailler pour nous. C’est tout. On veut juste travailler. On n’a pas de souci avec les habitants de Fouvent. C’est un bon village. On n’en veut à personne", assure Brahim. "Je me suis toujours vu comme français. Je suis né en France, mes parents sont nés en France aussi", ajoute-t-il.
Habitants et élus se mobilisent:
Cette fermeture pour racisme – puisque c’est bien de cela qu’il s’agit – ne passe pas du tout dans le village. Le 24 septembre dernier, un rassemblement de soutien était organisé à l’initiative des habitants. Les élus multiplient les prises de parole pour dénoncer les intimidations racistes, et convaincre les restaurateurs de rester.
"Quelques individus, une poignée de c…, enfin, d’imbéciles, sont à l’origine de ces comportements. Certains ne supportent pas ceux qui sont, non pas seulement étrangers ou considérés comme tels, mais même extérieurs à nos villages", s’emporte le maire.
"Notre territoire n’est pas raciste, insiste Dimitri Doussot, le président de la Communauté de communes des environs. C’est dramatique, déjà pour ce jeune couple. C’est dramatique aussi en termes d’images pour notre territoire. Ces comportements salissent tout le monde.(...) Je me suis déplacé hier pour les rencontrer. Audrey m’a expliqué qu’ils avaient pris sur eux pour ne pas faire trop de bruit. Elle montrait une grande dignité. Elle tentait même de comprendre, presque d’excuser ces comportements racistes. J’aurais aimé qu’ils en parlent plus tôt, qu’on puisse agir pour eux. Cette affaire, franchement, je trouve ça dégueulasse !"
Le préfet et le député RN interviennent:
Le retentissement est tel, que le préfet de Haute-Saône s’est saisi de l’affaire. Michel Vilbois s’est déplacé "pour rencontrer les gérants, leur apporter son soutien et tenter de les faire changer d’avis", fait savoir la Préfecture.
Le député Rassemblement National de la 1ere circonscription de Haute-Saône se joint à l’indignation générale : "Le racisme, ce n’est pas une opinion politique, mais un délit", rappelle Antoine Villedieu.
Jugeant l’affaire "inadmissible", le député vient au soutien du couple :
"L’histoire me touche car Brahim n’a rien demandé. Il est français. On a besoin de gens comme Audrey et Brahim dans nos territoires : Ils entreprennent, ils investissent, ils font vivre nos communes. Dans cette affaire, ils sont victimes et les victimes ne doivent pas s’adapter à leurs bourreaux."
Habitants, élus, préfet... En dépit des nombreux témoignages de soutien, le jeune couple de restaurateurs semble avoir pris sa décision. Comme si ces quelques jours de mobilisation ne suffisaient pas à effacer neuf mois de harcèlement raciste.
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