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..............................................L’Etat condamné pour inaction contre les rodéos sauvages............................................Un collectif d’habitants de Marseille a saisi la justice et obtenu 10000 euros de préjudice. Le juge a reconnu que la préfecture n’avait pas pris toutes les mesures nécessaires à l’éradication du phénomène.
Les rodéos sauvages ont transformé le quartier du Verduron en un enfer bruyant, avec des engins s’immisçant à grande vitesse dans la circulation .
Source:Le Parisien.
On les croise sur la roue arrière, en quad ou à moto. Sur les boulevards des quartiers nord de Marseille, la scène est banale. Dans la périphérie de la deuxième ville de France, c'est le quartier du Verduron que les amateurs de sensations fortes ont choisi d'investir comme terrain de jeu.
Là, entre bitume, cités difficiles et petite zone pavillonnaire, les jeunes de 16 à 25 ans pratiquent, seul ou en groupe, le rodéo urbain. Ce quartier autrefois décrit comme « verdoyant et à l'ambiance calme » par les agences immobilières, a longtemps été un havre de paix pour ses quelque 2000 habitants. Mais tout a changé en 2012 avec l'arrivée des rodéos sauvages qui l'ont transformé en un enfer bruyant, rythmé par les hurlements nasillards des engins jouant dangereusement à s'immiscer à grande vitesse dans la circulation.
« Au début, ce n'était que le matin et seulement pendant le week-end. Ensuite, c'était tous les soirs entre avril et septembre. Désormais, c'est tout le temps, de 11 heures à la tombée de la nuit », résume Nathalie Lafon, dont l'habitation est pourtant située à plus de 300 m des rues qui servent de théâtre à ces pratiques illicites.
Après de nombreux et vains courriers jusqu'au plus haut niveau de l'Etat, les habitants exaspérés se sont regroupés en collectif et ont initié une action en justice. Et cette dernière vient de pointer la responsabilité de l'Etat et de le condamner à un peu plus de 10000 euros de dommages et intérêts.
« Une première en France, mais ce n'est qu'une étape »:
Dans son arrêt rendu le 3 août, le tribunal administratif de Marseille note que le préfet de police des Bouches-du-Rhône a pris des « mesures insuffisantes pour restaurer la tranquillité publique dans ces lieux concernés par le déroulement régulier de rodéos motorisés ». Ce qui, souligne le juge, constitue bel et bien une « faute de la part de l'Etat » susceptible d'engager sa responsabilité dans un secteur pourtant jugé prioritaire par les autorités.
« Votre secteur sera prioritaire dans la mise en oeuvre de la loi contre les rodéos », avait ainsi pris soin d'écrire de sa main le préfet de police dans un courrier adressé en septembre 2018 à la présidente du collectif Vivre au Verduron.
« Cette décision de justice est sans doute une première en France, mais ce n'est qu'une étape », précise Nathalie Lafon, qui est à l'origine de la procédure. Pour tous les habitants, c'est surtout une première reconnaissance du préjudice subi. L'instruction a clairement démontré l'existence de ces rodéos urbains sur plusieurs axes routiers du quartier, avec leurs lots de nuisances sonores « jusqu'à plusieurs rues au-dessus des infrastructures routières ».
Un premier pas certes encourageant, mais pas une finalité pour les premiers concernés. « Bien sûr cette décision nous réconforte, mais elle ne règle en rien le problème des nuisances », estime encore Nathalie Lafon. « Concrètement, on est toujours dans l'impasse. Cela montre simplement que la pression sur l'Etat ne peut venir que des victimes ».
Jusqu'à cinq ans de prison et 75000 euros d'amende:
Durant la période de confinement liée au Covid-19, les incidents liés aux rodéos urbains se sont multipliés en France, obligeant le gouvernement à intensifier la lutte contre ces pratiques illégales. L'arsenal juridique a été durci avec des condamnations pouvant aller jusqu'à cinq ans de prison et 75 000 euros d'amende. Sans oublier la possible confiscation d'engins au coût souvent prohibitif.
Juste avant l'été, 45 motos ont été ainsi saisies en infraction dans les quartiers nord de Marseille. « Mais le plus souvent, on rend la moto à son propriétaire qui n'est pas le conducteur dans la majorité des cas. Dans les cités, ces engins seraient ainsi loués pour éviter une éventuelle confiscation par la police », ajoute Nathalie Lafon.
La peur des représailles:
Une répression ciblée qui a néanmoins contraint les délinquants à se réorganiser. « Les adeptes de ces rodéos sont désormais plus prudents. Ils sortent un peu moins et surtout moins longtemps pour éviter de se faire trop vite repérer et interpeller. Mais le bruit est toujours insupportable, on reste dans un trouble anormal. »
Au point que certains habitants du quartier ont fait le choix de partir, comme ce riverain qui vivait depuis plus de 40 ans dans la maison léguée par sa grand-mère. D'autres envisagent de le faire mais n'en parlent pas car la peur, notamment de représailles, a pris le pas sur l'exaspération.
Le succès d'une pétition en ligne, qui avait en quelques jours recueilli près de 200 signatures, est désormais bien lointain. Seuls subsistent encore sur des réseaux sociaux les témoignages régulièrement filmés de ces rodéos urbains.
« Plein d'amis me disent d'arrêter, de prendre du recul, mais je suis obligée de m'exposer pour faire connaître la situation », lâche avec amertume Nathalie Lafon. « Ce n'est pas un choix mais quelque chose de douloureux que je vis comme une énorme injustice car je ne demande qu'à vivre sereinement dans mon quartier et cela n'est pas possible pour de mauvaises raisons. » Et elle aussi parfois songe à partir pour d'autres horizons…
https://www.leparisien.fr/faits-divers/ ... 370051.php