Fake news sur Brigitte Macron, nouvelle munition des Russes…
Posté : 22 mars 2025 19:00
J'parie qu'ici certains y croient.
Des journalistes proches de Trump et de Poutine joignent leurs forces pour propager l’absurde rumeur «Brigitte Macron est un homme». Un complotisme d’Etat qui vise à affaiblir les Européens et change la donne.
Jadis était la guerre hybride menée par la Russie contre les puissances européennes, et notamment contre la France. Nul ne connaissait exactement son périmètre ni ses modalités exactes (mains rouges et étoiles bleues peintes sur les murs, cyberattaques contre des hôpitaux, fake news répandues sur les canaux les plus improbables), mais l’avantage de l’enveloppe «guerre hybride», c’est qu’on pouvait y glisser tout et n’importe quoi.
Ce n’est sans doute pas la Russie qui a lancé l’absurde rumeur «Brigitte Macron est née homme», mais c’est typiquement l’enduit propre à cimenter une belle et bonne guerre hybride. A fortiori en ce moment géopolitique où la France tente de mobiliser les pays européens volontaires pour venir en aide à l’Ukraine. La semaine dernière, la chaîne publique Rossiya 1 diffusait une «enquête» d’une quinzaine de minutes, consacrée au président français. Agité, belliciste, narcissique, déraisonnablement tactile, promu en France par les médias des milliardaires, tout y passait, jusqu’à aborder «la rumeur». Pourquoi Macron s’agite-t-il ainsi ? Pour faire diversion aux soupçons qui pèsent sur Brigitte, pardi !
S’adossant aux circonstances – exactes – de la rencontre d’un lycéen de 14 ans et demi et de sa professeure de théâtre de 39 ans – différence d’âge située «aux frontières de la pédophilie» –, s’agglomérant à l’obsession russe pour les «ministres gay» du gouvernement français et à quelques images de Philippe Katerine à la cérémonie d’ouverture des JO de Paris, la «rumeur Brigitte» s’intègre dans la fresque russe d’un pays, et d’un continent, décadents moralement, corrompus par les déviances sexuelles.
La rumeur sous les habits du «free speech»
Rien de nouveau en ce début d’année ? Rien de nouveau, sauf que la «rumeur Brigitte» ne s’est pas seulement envolée vers l’Est, mais a aussi franchi l’Atlantique, où elle s’est déguisée sous les habits du «free speech». L’ex-journaliste de Fox News Tucker Carlson s’en affirme, lui aussi, intimement convaincu, dans un dialogue podcasté avec un autre ex de Fox News, Clayton Morris, et diffusé le 14 mars. Et c’est du lourd : Carlson le tient de l’influenceuse vedette Candace Owens (cinq millions d’abonnés sur Instagram), «personne la plus sympa que j’ai jamais rencontrée», et esprit fort qui ne croit ni à l’homme sur la Lune ni à la réalité des expérimentations médicales dans les camps nazis. Carlson : «Emmanuel Macron était un enfant, et cet homme l’a pris sous son aile et détourné, en usurpant l’identité de quelqu’un d’autre.» Morris : «D’ailleurs sur la photo officielle, on voit un livre pédophile derrière lui.» Carlson, stupéfait : «Quoi ?» Morris, changeant de sujet : «187 000 enfants du Guatemala acheminés aux Etats-Unis pour alimenter l’esclavage sexuel.» Et retour sans transition au motif. Morris : «Et quand vous avez des gens comme Brigitte Macron qui sont, genre, des prédateurs d’enfants, cela fait sens. Ils sont protégés.» S’il a été éjecté de Fox News pour cause de diffamation à l’égard des machines à voter lors de l’élection de Biden en 2020, Carlson n’en a pas moins interviewé Trump et Poutine. Si les mots ont un sens, c’est un influent journaliste officieux du pouvoir.
Comme toujours, à l’origine des rumeurs délirantes, se trouvent des manips, des intoxications, des approximations des pouvoirs mis en cause. Ainsi, quand il s’agit, dans les années 2015 de «vendre» à l’opinion française un inconnu nommé Emmanuel Macron, ses spin doctors l’affectèrent-ils d’une différence d’âge de vingt ans avec son épouse (alors que cette différence est en réalité de vingt-cinq ans). Petit mensonge, gros mensonge ? Ainsi, il est exact que Emmanuel Macron a fait figurer sur son portrait officiel, à côté des Mémoires de guerre de Charles de Gaulle et du Rouge et le Noir de Stendhal, les Nourritures terrestres d’André Gide, lequel n’a jamais caché ses pratiques qu’on qualifierait aujourd’hui de «pédocriminelles».
Combien d’Américains, informés de la rumeur, sont aujourd’hui persuadés que l’épouse du président français est une personne transgenre ? Peu importe. L’important, c’est que les pouvoirs russe et américain joignent leurs forces pour propager cette fake news mondiale. Ces deux armées hybrides ont fait leur jonction au-dessus de la tête de ces gêneurs d’Européens, avec leurs lois, leurs droits de l’homme, et leurs instances de régulation du «free speech». Et avec la bénédiction de leurs gouvernements : de même que les brutalités nazies enfiévraient l’Allemagne bien avant la prise de pouvoir par Hitler en 1933, le complotisme made in US n’a pas attendu pour s’épanouir le 20 janvier 2025. Mais sa mutation en complotisme d’Etat change la donne. Lutter contre cette intoxication mondiale, ce n’est pas protéger Emmanuel et Brigitte Macron. C’est protéger la vérité, cette éternelle victime de guerre.
https://www.liberation.fr/idees-et-deba ... B6NCVGG5I/
Des journalistes proches de Trump et de Poutine joignent leurs forces pour propager l’absurde rumeur «Brigitte Macron est un homme». Un complotisme d’Etat qui vise à affaiblir les Européens et change la donne.
Jadis était la guerre hybride menée par la Russie contre les puissances européennes, et notamment contre la France. Nul ne connaissait exactement son périmètre ni ses modalités exactes (mains rouges et étoiles bleues peintes sur les murs, cyberattaques contre des hôpitaux, fake news répandues sur les canaux les plus improbables), mais l’avantage de l’enveloppe «guerre hybride», c’est qu’on pouvait y glisser tout et n’importe quoi.
Ce n’est sans doute pas la Russie qui a lancé l’absurde rumeur «Brigitte Macron est née homme», mais c’est typiquement l’enduit propre à cimenter une belle et bonne guerre hybride. A fortiori en ce moment géopolitique où la France tente de mobiliser les pays européens volontaires pour venir en aide à l’Ukraine. La semaine dernière, la chaîne publique Rossiya 1 diffusait une «enquête» d’une quinzaine de minutes, consacrée au président français. Agité, belliciste, narcissique, déraisonnablement tactile, promu en France par les médias des milliardaires, tout y passait, jusqu’à aborder «la rumeur». Pourquoi Macron s’agite-t-il ainsi ? Pour faire diversion aux soupçons qui pèsent sur Brigitte, pardi !
S’adossant aux circonstances – exactes – de la rencontre d’un lycéen de 14 ans et demi et de sa professeure de théâtre de 39 ans – différence d’âge située «aux frontières de la pédophilie» –, s’agglomérant à l’obsession russe pour les «ministres gay» du gouvernement français et à quelques images de Philippe Katerine à la cérémonie d’ouverture des JO de Paris, la «rumeur Brigitte» s’intègre dans la fresque russe d’un pays, et d’un continent, décadents moralement, corrompus par les déviances sexuelles.
La rumeur sous les habits du «free speech»
Rien de nouveau en ce début d’année ? Rien de nouveau, sauf que la «rumeur Brigitte» ne s’est pas seulement envolée vers l’Est, mais a aussi franchi l’Atlantique, où elle s’est déguisée sous les habits du «free speech». L’ex-journaliste de Fox News Tucker Carlson s’en affirme, lui aussi, intimement convaincu, dans un dialogue podcasté avec un autre ex de Fox News, Clayton Morris, et diffusé le 14 mars. Et c’est du lourd : Carlson le tient de l’influenceuse vedette Candace Owens (cinq millions d’abonnés sur Instagram), «personne la plus sympa que j’ai jamais rencontrée», et esprit fort qui ne croit ni à l’homme sur la Lune ni à la réalité des expérimentations médicales dans les camps nazis. Carlson : «Emmanuel Macron était un enfant, et cet homme l’a pris sous son aile et détourné, en usurpant l’identité de quelqu’un d’autre.» Morris : «D’ailleurs sur la photo officielle, on voit un livre pédophile derrière lui.» Carlson, stupéfait : «Quoi ?» Morris, changeant de sujet : «187 000 enfants du Guatemala acheminés aux Etats-Unis pour alimenter l’esclavage sexuel.» Et retour sans transition au motif. Morris : «Et quand vous avez des gens comme Brigitte Macron qui sont, genre, des prédateurs d’enfants, cela fait sens. Ils sont protégés.» S’il a été éjecté de Fox News pour cause de diffamation à l’égard des machines à voter lors de l’élection de Biden en 2020, Carlson n’en a pas moins interviewé Trump et Poutine. Si les mots ont un sens, c’est un influent journaliste officieux du pouvoir.
Comme toujours, à l’origine des rumeurs délirantes, se trouvent des manips, des intoxications, des approximations des pouvoirs mis en cause. Ainsi, quand il s’agit, dans les années 2015 de «vendre» à l’opinion française un inconnu nommé Emmanuel Macron, ses spin doctors l’affectèrent-ils d’une différence d’âge de vingt ans avec son épouse (alors que cette différence est en réalité de vingt-cinq ans). Petit mensonge, gros mensonge ? Ainsi, il est exact que Emmanuel Macron a fait figurer sur son portrait officiel, à côté des Mémoires de guerre de Charles de Gaulle et du Rouge et le Noir de Stendhal, les Nourritures terrestres d’André Gide, lequel n’a jamais caché ses pratiques qu’on qualifierait aujourd’hui de «pédocriminelles».
Combien d’Américains, informés de la rumeur, sont aujourd’hui persuadés que l’épouse du président français est une personne transgenre ? Peu importe. L’important, c’est que les pouvoirs russe et américain joignent leurs forces pour propager cette fake news mondiale. Ces deux armées hybrides ont fait leur jonction au-dessus de la tête de ces gêneurs d’Européens, avec leurs lois, leurs droits de l’homme, et leurs instances de régulation du «free speech». Et avec la bénédiction de leurs gouvernements : de même que les brutalités nazies enfiévraient l’Allemagne bien avant la prise de pouvoir par Hitler en 1933, le complotisme made in US n’a pas attendu pour s’épanouir le 20 janvier 2025. Mais sa mutation en complotisme d’Etat change la donne. Lutter contre cette intoxication mondiale, ce n’est pas protéger Emmanuel et Brigitte Macron. C’est protéger la vérité, cette éternelle victime de guerre.
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