C'est comme pour le reste. Tout le monde veut une meilleure gestion et des économies...mais chez les autres..Sur le papier, c'était le bon sens même. Pour ses promoteurs, c'était l'évidence. Dans les sondages, c'était acquis. C'est pourtant l'inverse qui s'est produit dans les urnes : le référendum organisé, le 7 avril, auprès des Alsaciens pour fusionner en une seule collectivité les deux conseils généraux et le conseil régional d'Alsace s'est soldé par un échec cuisant.
Cette réforme devait remplir deux conditions : recueillir, dans chacun des deux départements, au moins la moitié des suffrages exprimés et le quart des inscrits. Aucune des deux n'a été atteinte. Dans le Haut-Rhin, 56 % des votants ont rejeté ce projet ; dans le Bas-Rhin, moins de 23 % des inscrits l'ont approuvé. Philippe Richert, président (UMP) de la région et principal avocat de cette consultation, n'a pas caché un "sentiment de grand gâchis".
On le comprend. Il voulait faire de l'Alsace un laboratoire exemplaire. La fusion devait permettre de simplifier le trop fameux "millefeuille" administratif français qui empile – de façon courtelinesque et coûteuse – communes, intercommunalités, métropoles, départements et régions. Elle devait donc favoriser les économies d'échelle, une rationalisation des moyens, des investissements et des politiques. Elle avait enfin l'ambition de renforcer la visibilité européenne de l'Alsace, à l'image des puissants Länder allemands voisins.
Les électeurs ont fait capoter le projet. Tout y a contribué : la hantise, du côté de Colmar ou de Mulhouse, d'être éclipsé par Strasbourg ; la crainte de perdre en proximité ce qu'on était supposé gagner en cohérence ; le sentiment, après d'infinies tractations entre élus de tout poil, que l'on risquait de remplacer le millefeuille par une usine à gaz, avec une assemblée délibérative à Strasbourg et un conseil exécutif à Colmar. Sans compter les hésitations des socialistes devant un projet porté par la droite locale et une forte mobilisation du Front national contre "l'Europe antinationale des régions" et du Front de gauche contre "la France à plusieurs vitesses".
Deux enseignements peuvent être tirés de cette affaire à la Clochemerle. D'une part, la démonstration est faite, une nouvelle fois, qu'il y a loin de la coupe aux lèvres quand on veut moderniser l'organisation territoriale française. Depuis des lustres, tout le monde s'y est cassé les dents, chaque collectivité locale organisant la fronde pour défendre son pré carré, ses prérogatives et ses clientèles. L'initiative locale, comme en Alsace, n'y réussit pas mieux que l'initiative nationale. Alors que le gouvernement présente, le 10 avril, un projet de loi de décentralisation déjà fort mal-en-point, l'avertissement est clair.
D'autre part, au moment où les imaginations s'échauffent pour répondre au scandale Cahuzac par un référendum sur la moralisation de la vie politique, le vote des Alsaciens témoigne des risques de ce type de consultation populaire : plutôt que l'occasion de trancher une question importante, les électeurs y trouvent d'abord l'occasion d'y exprimer leurs inquiétudes et leurs rejets. Il est plus que probable que cela donnera, si nécessaire, matière à réflexion à l'Elysée.
Honnêtement je pensais que ça passerait.