Corvo a écrit : ↑06 avril 2025 07:42
Charité bien ordonnée...
Inéligibilité de Marine Le Pen : où en sont les affaires d’assistants parlementaires qui visent Bayrou et Mélenchon ?
Les leaders du Modem et de La France insoumise sont eux aussi concernés par des affaires judiciaires liées aux «irrégularités» autour de leurs assistants parlementaires européens.
Un jugement politique. Sur TF1 le soir du 31 mars, Marine Le Pen a justifié sa lourde condamnation pour détournement de fonds publics européens (quatre ans de prison, dont deux ferme, 100 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire – donc immédiate), qu’elle a inscrite dans une répression plus large de l’opposition politique en France. «Comme par hasard, toute l’opposition se fait reprocher la même chose. M. Bayrou, qui était, à l’époque, dans l’opposition. Nous-mêmes, qui sommes dans l’opposition. Et M. Mélenchon, qui était dans l’opposition», défend-elle. De fait, la leader du Rassemblement national (RN) n’est pas la seule engluée dans des affaires impliquant des assistants parlementaires européens.
«Abus de confiance» du Modem
C’est d’abord le cas de l’actuel locataire de Matignon, François Bayrou, qui n’en a pas fini avec la justice sur ce dossier. Tout commence en 2017. Alors que son parti était déjà visé par des investigations, une eurodéputée du Front national, Sophie Montel, mène une série de signalements à la justice à propos de présumés emplois fictifs au Parlement européen. En mars, elle dénonce des députés européens du Modem et en juillet, certains élus du Parti de gauche, dont Jean-Luc Mélenchon.
Au sujet du Modem, le parquet de Paris ouvre en juin 2017 une enquête préliminaire pour «abus de confiance» et «recel» de ce délit. Contrairement à ce qu’affirme Marine Le Pen, François Bayrou est alors membre de la majorité et démissionne de ses fonctions de ministre de la Justice dans le premier gouvernement d’Edouard Philippe à cause de cette affaire. Deux autres ministres du Modem démissionnent également : Marielle de Sarnez, ministre des Affaires européennes, et Sylvie Goulard, ministre des Armées.
En parallèle, l’Office européen de lutte antifraude (Olaf) mène une enquête administrative et ordonne à deux anciens députés européens du Modem, Jean-Luc Bennahmias et Nathalie Griesbeck, de rembourser respectivement 45 000 et 100 000 euros au Parlement européen. En 2019, les auditions et perquisitions conduisent à la mise en examen de quatorze députés, assistants parlementaires et cadres du parti, dont François Bayrou pour «complicité de détournement de fonds publics».
Octobre 2023. François Bayrou se retrouve sur le banc des accusés, jugé en correctionnelle aux côtés de dix autres cadres du Modem. Le parti centriste et son ancêtre, l’UDF, comparaissent également en tant que personnes morales. Au cœur du dossier : onze contrats d’assistants parlementaires, conclus entre 2005 et 2014, qui auraient indûment coûté près de 300 000 euros au Parlement européen, qui s’est constitué partie civile. A titre de comparaison, Marine Le Pen et son parti ont été condamnés pour 46 contrats entre 2004 et 2016, correspondant à un total de 4,4 millions d’euros.
Bayrou relaxé
En février 2024, le tribunal tranche et prononce finalement la relaxe pour François Bayrou «au bénéfice du doute». Le tribunal a estimé comme «très probable» qu’un cadre et les deux trésoriers aient «agi avec l’autorisation de François Bayrou et à tout le moins en l’informant de leurs agissements», tout en précisant qu’il n’était «pas rapporté la preuve de cette autorisation ou de cette information».
Une peine plus clémente que les réquisitions du parquet, qui réclamait trente mois de prison avec sursis, 70 000 euros d’amende et trois ans d’inéligibilité avec sursis. Des réquisitions elles-mêmes bien en dessous de celles visant Marine Le Pen : cinq ans de prison, dont deux ferme, 300 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité avec exécution immédiate.
En revanche, l’UDF et le Modem ont été condamnés respectivement à 100 000 et 300 000 euros d’amende ferme. L’ancien trésorier et cinq anciens eurodéputés du Modem pour des peines allant de dix à dix-huit mois de prison avec sursis assortis d’amendes allant de 10 000 à 50 000 euros, ainsi que de deux ans d’inéligibilité avec sursis.
Le tribunal a ainsi reconnu l’illégalité de la pratique du Modem consistant à faire bénéficier certains de leurs collaborateurs de deux contrats à temps partiel, l’un pour le parti et l’autre au service d’un député européen pour lequel ils ne travaillaient pas réellement. «Une double tromperie, aux dépens du Parlement européen et des électeurs», selon le tribunal, qui reconnaît néanmoins que ces détournements n’ont pas été systématiques et qu’ils concernaient peu de contrats.
A l’inverse, donc, du système des doubles contrats mis en place par le RN, tel que révélé par l’enquête judiciaire.
Reste que quelques jours après le jugement de l’affaire du Modem, le parquet a fait appel :
un deuxième procès pour tous les prévenus aura donc lieu, bien que les dates ne soient pas encore fixées. Comme un échange de bons procédés, Marine Le Pen s’était réjouie de la relaxe de François Bayrou, tandis que l’actuel Premier ministre s’est dit «troublé par l’énoncé du jugement», de sa principale opposante.
Des «manquements» de Jean-Luc Mélenchon
Du côté de Jean-Luc Mélenchon et de son ancien parti, le Parti de gauche, une enquête administrative de l’Olaf avait été lancée dès les premiers signalements de 2017.
Le rapport final, daté de mars 2021 et révélé par Libération, conclut à des «manquements» et des «irrégularités» concernant l’activité de deux assistants parlementaires, auditionnés entre 2019 et 2020, sur la vingtaine ayant travaillé pour l’ex-député européen Mélenchon.
Alors que ces derniers doivent résider «à titre principal» à Bruxelles, ils vivaient à Montreuil ou à Paris, tout en se faisant verser l’indemnité de dépaysement, soit 16 % de leurs indemnités.
Au total, l’Olaf estime le coût de ces manquements à un peu plus de 500 000 euros pour le Parlement européen, un préjudice supérieur à celui constaté dans l’affaire du Modem.
Concernant l’enquête judiciaire, elle piétine. Après l’ouverture d’une enquête préliminaire par le parquet de Paris en juillet 2017, puis d’une information judiciaire en novembre 2018,
une première pause est liée au départ d’un magistrat et son remplacement, suivie d’une autre pause pour permettre le passage de la campagne présidentielle de 2022, deux anciens assistants parlementaires ont été placés en mai 2022 sous le statut de témoin assisté. «Nous bénéficions dans ce dossier du statut de témoin assisté, un statut intermédiaire indiquant qu’il n’existe aucun indice grave et concordant à l’encontre de mes clients», avait réagi leur avocate, Jade Dousselin, également avocate de Jean-Luc Mélenchon.
Quant à ce dernier, bien qu’il ait été entendu par la police en 2018, il n’a pas encore été auditionné par la nouvelle juge d’instruction.
Sur X, le leader de La France insoumise, s’est, à l’instar de François Bayrou, montré défavorable à la décision des juges concernant la peine d’inéligibilité immédiate de Marine Le Pen, estimant que «la décision de destituer un élu devrait revenir au peuple».
https://www.liberation.fr/checknews/ine ... NHLKY7K3M/