Le point G et le mythe tenace de l'orgasme vaginal
Posté : 06 mai 2012 17:57
Ce qui se cache derrière cette recherche absolue: la peur d'un féminisme défini comme des femmes n'ayant plus besoin des hommes.
Entre le récent barouf pour savoir si, oui ou non, les ménagères des classes moyennes et supérieures sont réellement les créatures les plus merveilleuses du monde et cette énième histoire relayée un peu partout qui «prouverait» l'existence du point G sur la base de faits scientifiquement fragiles, je commence à me demander si notre culture n'aurait pas un gros problème.
Certes, l’idéal pré-féministe voulant que la femme soit un appendice de l'homme, que sa vocation soit d'être à son service et allant jusqu'à orienter son plaisir sexuel autour de la pénétration n'est peut-être plus la norme, mais ce fantasme a encore la vie dure.
Non pas qu'il soit interdit de ressentir votre point G et de vouloir vous amuser avec, bien entendu! Les preuves scientifiques ne sont pas concluantes. Peut-être qu'il existe, peut-être qu'il n'existe pas, ou peut-être que certaines femmes en ont un et que d'autres n'en n'ont pas. Tout est possible.
Ce que nous savons, par contre, c'est que de nombreuses femmes aiment stimuler ce point et qu'elles peuvent parfaitement continuer à le faire et à en tirer du plaisir. Bien sûr, la plupart des témoignages les plus précis dont nous disposons sur le point G sapent effectivement le fantasme sexiste pour qui la femme ne peut jouir qu'en faisant des choses impliquant directement le pénis, vu qu'en général, vous devez vous servir de doigts ou d'accessoires pour y arriver.
Mais je doute que la fascination qu'exerce le point G soit seulement lié au désir des femmes de jouir de plusieurs façons. La plupart des gens ne connaissent pas les subtiles méthodes digitales permettant de l'atteindre, et pensent simplement qu'il est lié à l'insaisissable «orgasme vaginal» pour qui la jouissance féminine est directement liée à la pénétration.
L'excellent article de Debby Herbenick, dans le Daily Beast, montre bien comment le point G est considéré dans l'imaginaire collectif comme un objet tourné vers la pénétration, que ce soit par la photo illustrant ce papier (un couple en plein ébat), ou par la question que les journalistes posent souvent à Herbenick: «quelle est la meilleure position pour jouir du point G?»
La réponse, pour ce que j'en ai compris, consiste à dire «aucune position, mais un geste qui n'est pas une position sexuelle à proprement parler», et c'est enquiquinant. Car cette histoire ne fait pas appel à notre fantasme collectif où la pénétration est une fin en soi et un absolu sexuel. Cette histoire nous renvoie à une décevante réalité où, pour jouir, les femmes pourraient avoir besoin d'autre chose que d'un simple mouvement de va-et-vient.
A une époque où Dan Savage fait office de gourou américain de l'amour, où les boutiques de sex toys fleurissent à tous les coins de rue et où les magazines masculins publient des hymnes à la gloire du cunnilingus, il est étrange d'observer la persistance de cette obsession culturelle à trouver le bouton magique qui obligera toutes les femmes à jouir uniquement de la pénétration, en évitant de les faire passer pour sexuellement insuffisantes. (Ce que soulignent les auteurs de la dernière étude en date quand ils précisent que leur découverte permettra «l’amélioration de la fonction sexuelle féminine», comme si l'actuel modèle clitoridien était tout simplement insuffisant et avait besoin d'être amendé).
Dans un sens, je suis aussi obligée de me demander s'il s'agit vraiment et uniquement de sexe, ou si toutes ces histoires à dormir debout ne sont qu'une énième manifestation de peurs culturelles où le féminisme serait défini en gros comme des femmes n'ayant plus besoin des hommes.
Amanda Marcotte
Traduit par Peggy Sastre