La Chine intransigeante face à Obama
Posté : 19 février 2010 09:28
Ne rien céder. Sur aucun tableau, ni sur Internet ni au Tibet. Telle est la nouvelle ligne des dirigeants chinois. Durant trente ans, depuis le tournant majeur imposé par Deng Xiao Ping, en 1979, la Chine n'avait cessé de croître, tout en maintenant profil bas sur le plan diplomatique. Manifestement, cette phase est révolue. Le sommet de Copenhague en a été, probablement, le tournant. À un auditeur qui lui demandait tout récemment, à Munich, lors de la traditionnelle conférence sur la sécurité, pourquoi Pékin réagissait cette fois si vivement aux ventes d'armes américaines à Taiwan, le ministre chinois des Affaires étrangères a eu cette réponse : « Nous nous sentons forts. » Aveu éloquent.
Grisés par la croissance économique et la montée en puissance de leur pays gigantesque, les dirigeants chinois affichent une intransigeance sur tous les fronts. Ils ne se contentent plus de protester comme par le passé, ou de déléguer les mesures de rétorsion. Ils les assument. La semaine dernière, la Chine a annoncé qu'elle imposerait des sanctions aux entreprises américaines qui vendront des armes à Taïwan. Sur le dossier iranien, elle menace explicitement d'obstruction au conseil de sécurité des Nations Unies, où sa voix est décisive pour l'adoption de nouvelles sanctions contre Téhéran.
C'est dans ce contexte que s'inscrivait, hier, la discrète visite, à la Maison Blanche, du dalaï-lama. En octobre dernier, Barack Obama avait préféré reporter cette entrevue pour ne pas froisser Pékin, à la veille de sa première visite dans l'empire du milieu. Pour paraphraser le fameux mot de Churchill sur la guerre et le déshonneur, Obama n'avait eu alors ni la rencontre avec le chef spirituel des Tibétains ni, pour autant, la moindre ouverture chinoise en matière monétaire ou de droits de l'homme. La leçon a été retenue à Washington. Pour les dirigeants chinois actuels, l'ouverture d'Obama était essentiellement une faiblesse.
La question tibétaine revêt, en fait, un double enjeu. Le premier est immédiat : il s'agit pour Pékin de maintenir la pression sur cette région qui menace toujours d'affaiblir le pouvoir central, et de servir d'exemple à d'autres séparatismes. À cet égard, la visite en Chine, la semaine dernière, d'une délégation du gouvernement du voisin Népal marque un changement de stratégie notable. La frontière népalaise a toujours été un peu poreuse, permettant des contacts discrets entre le Tibet, Katmandou où résident plus de nombreux Tibétains, et l'Inde où s'est exilé le dalaï-lama. Le tour de vis, là aussi, est enclenché. Le contrôle de cette frontière va être renforcé.
L'autre enjeu est d'ordre symbolique vis-à-vis de l'Occident. L'intransigeance chinoise sur ce sujet, dont la France avait fait les frais en 2008 avant de renouer laborieusement le fil du dialogue, est maintenant dirigée contre les États-Unis. À l'heure où les contentieux s'accumulent entre Pékin et Washington, tous les prétextes sont bons pour faire monter les enchères.
Dans le même temps, la Chine commence à céder ses bons du Trésor américains, pour réduire sa dépendance de créancier. Tel un bon élève trop zélé, Pékin ne semble vouloir rater économiquement aucun train. Le pouvoir joue sur deux tableaux pour s'imposer à l'extérieur et éteindre toute revendication intérieure : la croissance et le regain de nationalisme. Le raidissement diplomatique auquel nous assistons en est l'expression. Comme si l'arrogance venait de traverser le Pacifique.