L'insécurité, l'échec de Sarkozy
Posté : 24 février 2010 13:44
A l'Intérieur puis à l'Elysée, le président a fait de ce dossier un étalon de sa politique. Or, ni les efforts déployés ni certains succès ne sont parvenus à enrayer les tendances lourdes de la violence. Du discours aux résultats, analyse d'un bilan qui interpelle aussi la gauche.
Violences scolaires
Ce qu'il a dit: "Ce qui s'est passé à Gagny doit nous servir de leçon. [...] Les établissements scolaires doivent être sanctuarisés." (18 mars 2009, en visite en Seine-Saint-Denis)
Ce qu'il a fait:Une semaine après l'intrusion d'une vingtaine de jeunes encagoulés au lycée professionnel Jean-Baptiste-Clément, Nicolas Sarkozy frappe fort. Du commissariat local, entouré de Xavier Darcos, alors ministre de l'Education nationale, et de Michèle Alliot-Marie, ministre de l'Intérieur, le président présente son plan de protection scolaire et de lutte contre les bandes. "L'impunité ne sera jamais la politique du gouvernement. [...]. On n'est pas décidés à accepter qu'il y ait un autre événement de cette nature", déclare-t-il.
Près d'un an après, les mots ont été suivis d'actes. Mais pas encore de résultats. Les outils sont là: les équipes mobiles de sécurité (EMS) doivent être installées partout d'ici au 30 mars; les diagnostics de sécurité ont été établis dans les 184 établissements les plus exposés; les policiers et gendarmes référents ont été relancés; les proviseurs sont formés à la gestion de crise. Il n'empêche: l'actualité des dernières semaines en région parisienne, entre le jeune Hakim, poignardé au Kremlin-Bicêtre, et l'élève attaqué au cutter à Thiais, donne à ces mesures un aspect bien dérisoire. Deux chantiers majeurs doivent surtout être engagés: la récolte de données statistiques fiables, afin d'évaluer la violence, et l'éducation à la citoyenneté des élèves les plus difficiles. Un travail de longue haleine, pas vraiment en accord avec le temps du politique.
Laurence Debril
Incendies de voitures
Il a dit: "Il faut mettre fin à la détestable habitude de brûler des voitures à Strasbourg. Maintenant, il faut que ça cesse." 24 octobre 2002, visite en Alsace).
Il a fait: Cette déclaration vient à la suite d'émeutes (44 véhicules incendiées, 3 pompiers blessés) dans la capitale alsacienne. Le ministre de l'Intérieur, qui promet le remplacement des véhicules et l'indemnisation des propriétaires, annonce des renforts, afin "d'aller chercher les délinquants où ils se trouvent". "Il faut qu'on leur mène la guerre", ajoute-t-il. Huit ans plus tard, ce type de violence perdure. Surtout à Strasbourg, lors de la nuit du Nouvel An: en 2009, une soixantaine de voitures ont été brûlées, pour 70 en 2008.
Pascal Ceaux
Hooliganisme
Il a dit: "Nous voulons débarrasser nos stades des voyous, qui n'ont rien à y faire. " (19 octobre 2005, à l'Assemblée nationale).
Il a fait: Cette déclaration d'intention de Nicolas Sarkozy a été précédée, et suivie, par beaucoup d'autres propos concernant la violence dans le football. Si des mesures ont été prises (multiplication des interdictions de stade, création d'une Division nationale de lutte contre le hooliganisme...), l'échec est patent et a donné lieu, récemment, à une passe d'armes entre le ministère de la Justice et celui de l'Intérieur. Ces derniers mois, de graves incidents ont impliqué des Niçois, des Stéphanois, des Marseillais, des Parisiens. Le président de la République, supporter du PSG, n'a jamais eu raison des hooligans du club de la capitale, dont les meneurs sont pourtant connus de la police.
Philippe Broussard
Sentiment d'insécurité
Il a dit: "Je le dis sans ambages: je suis fier de ces résultats. Je suis fier que les Français se sentent davantage en sécurité [et] que la peur, dans notre pays, ait reculé." (11 janvier 2007, au ministère de l'Intérieur)
Il a fait:Difficile d'évaluer un "sentiment", d'autant que les enquêtes dites de "victimation", auprès des ménages n'existaient pas en 2002. Les plus récentes montrent que la fréquence du sentiment d'insécurité a progressé en 2009 (10,6% des personnes interrogées disent y être confrontées), mais sans atteindre le niveau de 2007 (11%). Principaux concernés: les femmes et les jeunes. Les personnes âgées se déclarent moins inquiètes que les autres.
Eric Pelletier
Sources : le point.Hortefeux en première ligne
Bien calé dans son fauteuil de ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux n'en démord pas. "Il y aura autant d'initiatives qu'il y aura de problèmes, affirme-t-il. La marque du sarkozysme, c'est l'anticipation, la réactivité et la culture du résultat." "Critiquer le nombre de lois est une stupidité, poursuit-il, car la délinquance ne cesse d'évoluer, il faut donc s'adapter."
Brice Hortefeux, hermétique aux critiques le concernant, défend sans ciller le bilan des huit dernières années. "Lorsque nous sommes arrivés, en 2002, la délinquance avait augmenté de 14% pendant les cinq années du gouvernement de Lionel Jospin. Avec nous, elle a diminué de 14,5%." Les violences aux personnes font exception, en hausse continue depuis 1996. "Mais depuis quatre mois, dit le ministre, nous sommes parvenus à inverser la tendance."
Fidèle du chef de l'Etat, il revendique un "soutien total" de l'Elysée. Un soutien nécessaire lorsque les temps deviennent difficiles, minés par les violences scolaires et la polémique sur la garde à vue. Le ministre se dit prêt à une réforme de cette pierre angulaire de la procédure à la française. "J'y mets trois conditions: Ne pas faire des policiers et des gendarmes des boucs émissaires; ne pas aboutir à une victoire des avocats et des juges sur les policiers et les gendarmes; enfin, que les modifications retenues ne perturbent pas l'enquête. Ma priorité, c'est la défense des victimes."