145 000 euros de revenus, 13 euros d’impôt
Posté : 05 octobre 2010 08:25
Depuis des mois, le gouvernement annonce la couleur. Confronté à un déficit public record en 2010, il a juré de s’attaquer massivement aux 468 niches fiscales qui grèvent ses recettes d’environ 75 milliards d’euros. En réalité, son coup de rabot général ne visera que 22 niches, pour lui rapporter 460 millions d’euros (lire ci-contre) dans le budget 2011. Avec l’aide d’un conseiller en gestion de patrimoine, Libération s’est livré à un exercice grandeur nature d’optimisation fiscale en réduisant à néant ou presque - et le plus légalement du monde - l’impôt sur le revenu 2011 d’un ménage fictif appartenant aux 1% des Français les plus riches. Démonstration.
La quarantaine, monsieur et madame Niche ont deux enfants de 12 et 5 ans et vivent à Montrouge, en banlieue parisienne, dans un grand pavillon acquis en 2006. Monsieur est un journaliste arrivé au sommet de l’échelle, travaillant dans une grande chaîne de télévision et rédacteur en chef du magazine d’actualité phare. Il gagne 75 000 euros de salaire annuel. Cadre supérieur dans la pub, madame touche pour sa part un très confortable salaire de 70 000 euros par an. Soit à eux deux, des revenus de 145 000 euros.
Impôt à payer : 23 580 euros
Un abattement
Lié à la nature de l’activité, l’abattement permet à monsieur, en raison de son métier de journaliste professionnel titulaire de la carte de presse, de commencer par déduire 7 650 euros de son revenu imposable au titre «d’allocation pour frais d’emploi». Cet abattement aboutit à une baisse significative de son imposition parce qu’il impacte surtout l’avant-dernière tranche marginale, à 30%. Bingo !
Reste à payer : 20 636 euros
Deux réductions de base imposable
Prévoyants, monsieur et madame Niche ont décidé de compléter leur retraite et versent 2 500 euros par an chacun sur un contrat épargne-retraite. Soit 5 000 euros, déductibles à 100% dans le calcul de leur base imposable. Ils ont réalisé des travaux de peinture pour un montant de 2 000 euros dans l’appartement dont ils sont nus-propriétaires, la mère de madame ayant gardé l’usufruit. Là aussi, la déduction est intégrale.
Reste à payer : 19 414 euros
Onze réductions d’impôt
Grâce à un saupoudrage très large de petits investissements dans diverses niches fiscales, ils vont pouvoir diviser encore par deux leur imposition. Ils font d’abord un «don à des personnes en difficulté» en versant 510 euros à une association d’aide à l’insertion, ce qui leur procure une réduction d’impôt de 383 euros. Les dons qu’ils font aux ONG Greenpeace (1 000 euros) et Médecins sans frontières (1 500 euros) leur apportent 1 650 euros de réduction. D’un montant de 302 euros, la cotisation syndicale de monsieur au SNJ, Syndicat national des journalistes, minore leur imposition de 198 euros supplémentaires. Très attachés à la Corse où ils passent leurs vacances, ils y ont investi 2 000 euros dans un fonds d’investissement de proximité (FIP) afin de soutenir l’économie locale : 1 000 euros de réduction.
Ils soutiennent aussi la rénovation du patrimoine et ont acquis, 100% à crédit, un studio dans un immeuble classé du centre historique de La Rochelle. Les travaux qu’ils y ont effectués pour 13 000 euros leur minorent leur imposition de 3 900 euros au titre de la loi Malraux. Le père de monsieur a trimé toute sa vie sur des chalutiers, et c’est la raison pour laquelle ils ont souscrit pour 1 400 euros de Sofipêche ouvrant droit à 400 euros de réduction. Même soutien à la production cinématographique française avec les 2 000 euros placés en Sofica, retenus pour 960 euros. Grâce aux 1 000 euros qu’ils ont placés pour aider au développement d’entreprises innovantes (FCPI), nouvelle ristourne de 250 euros. Dans le même genre, ils ont également donné 1 000 euros à un copain chômeur qui monte son entreprise : 250 euros. Pour diversifier encore leur défiscalisation, ils ont mis 1 000 euros dans une société civile de placement immobilier éligible à la loi Scellier. 44 euros de pris ! La présence de leur fils au collège leur a enfin permis d’économiser 61 euros de plus. C’était fastidieux, mais voilà qu’ils ont encore diminué de 9 096 euros leur imposition.
Reste encore à payer 10 318 euros
Cinq crédits d’impôt
Les 1 500 euros d’équipements installés dans leur pavillon pour y recevoir la mère handicapée de monsieur leur en donnent 375 euros. Le remplacement pour 2 000 euros des vieilles fenêtres du pavillon par des doubles vitrages super-isolants 500. Il y a aussi les frais de garde de la petite qui apportent une ristourne de 1 150 euros. Monsieur et madame Niche s’en donnent enfin à cœur joie avec la super-niche des emplois de salariés à domicile. Une véritable PME puisqu’ils font appel à une femme de ménage trois fois par semaine, un prof de piano, un autre de maths pour leur fils et un dernier de yoga pour tous les deux le samedi : 14 000 euros de dépenses annuelles et 7 000 euros de crédit d’impôt.
On n’oublie rien ? Si, la déduction de 3 000 euros d’intérêts d’emprunt sur le crédit contracté pour l’achat du pavillon : 1 280 euros «d’imputation». En tout, monsieur et madame Niche ont dépensé et-ou investi pour près de 40 000 euros, ce qui leur a donné le droit de retrancher environ 20 000 euros de leur feuille d’impôt.
reste à payer... 13 euros !