Un Musée d’histoire de France à la sauce Sarkozy ?
Posté : 16 octobre 2010 18:50
Faut-il une « maison d’histoire de France », conformément au souhait présidentiel ? Réunis jeudi soir 15 octobre sous les lambris de l’hôtel Soubise, aux Archives nationales, site sur lequel le président à jeté son dévolu, un collectif d’historiens a, sans équivoque, répondu par la négative. « Nous demandons la suspension du projet », a ainsi solennellement indiqué l’historien Nicolas Offenstadt en conclusion d’une rencontre qui a réuni près de deux cents personnes venus écouter les grands pontes de la discipline dans des Archives occupées nuit et jour depuis presqu’un mois.
Un musée pour quoi faire ? Se sont demandé Arlette Farge, Michèle Riot-Sarcey ou encore Daniel Roche.
Les Français ont-il tant besoin d’un lieu qui synthétise – fige – leur « roman national » ? « Évidemment, un projet de musée, a priori c’est sympathique, a expliqué Nicolas Offenstadt, co-auteur de Comment Nicolas Sarkozy écrit l’histoire de France [1]. Reste que le musée appelé de ses vœux par Nicolas Sarkozy, « enchâssé dans un discours idéologique », se construit sous de douteux auspices a rappelé l’historien : « Dans la lettre de mission d’Eric Besson il est dit qu’il devra promouvoir notre identité nationale et à ce titre prendra part à la mise ne place du musée d’histoire de France ». Selon l’un des rapports qui préfigure le musée il s’agirait d’un lieu capable de restituer, ni plus ni moins que « l’âme de la France »…
Tour à tour les historiens ont relevé les incongruités du projet. « L’histoire n’est pas un donné, quelque chose qui se regarde sur un mur, elle est plurielle, contradictoire et conflictuelle. Cela ne se met pas en musée », a pour de son côté défendu Michèle Riot-Sarcey.
La question de la localisation du musée aux Archives a soulevé également toutes les inquiétudes quant à l’avenir de l’institution. « Je suis ici pour défendre un service public », a affirmé Daniel Roche. Le ton est grave. Mais pas toujours. A une intervenante qui s’interroge sur la personnalité qui prendra la tête du musée Sarkozy, une voix dans la salle hurle « Bernard Tapie », déclenchant l’hilarité générale.
Reste que le débat passionnant et parfois houleux – un représentant de l’association de préfiguration du Musée ayant plutôt courageusement défendu son projet – avait bien failli être annulé en catastrophe. Le directeur des archives, Hervé Lemoine n’ayant pas autorisé la rencontre. « Il a menacé de nous envoyer les CRS », raconte Wladimir Susanj, secrétaire de la section CGT des Archives. Mais bon, avec les lycéens en furie, les flash-ball étaient sans doute occupés ailleurs…