L'illétrisme: cause nationale pour ne plus être tabou
Posté : 17 janvier 2011 19:34
Le Comité pour l'orientation de l'emploi vient de demander à ce que l'illettrisme soit une grande cause nationale. Sa présidente, Marie-Claire Carrere-Gee, fait le point sur la situation.
Dans votre dernier rapport, vous proposez de faire de l'illettrisme une grande cause nationale. Est-ce un problème si répandu que cela ?
L'illettrisme chez les salariés est un sujet tabou et pourtant bien plus répandu que ce qu'on imagine. En France, 3 millions de personnes âgées de 18 à 65 ans ne savent pas lire et écrire et contrairement aux idées reçues, 57% d'entre eux ont un emploi. Ce sont des personnes qui ont été à l'école en France mais soit ils en sont sortis sans savoir lire, soit ils ont oublié à force de ne pas pratiquer. Ces salariés restent très vulnérables. Ils travaillent généralement dans des emplois non-qualifiés de l'industrie ou des services. Le problème aujourd'hui, c'est que le marché du travail est de plus en plus sélectif et que même dans les emplois non-qualifiés, l'usage de la lecture et de l'écriture est très important. Les ouvriers doivent par exemple faire du reporting, des comptes-rendus, s'adapter à des changements de technologie, avec des manuels à consulter et à comprendre. Chaque année, le problème s'aggrave: le nombre de personnes qui suivent des formations pour s'en sortir est moins important que le nombre de jeunes en situation d'illettrisme qui arrivent sur le marché du travail. Il est donc nécessaire d'agir vite et fort pour lutter efficacement.
Quelle est la situation de ces salariés illettrés aujourd'hui?
L'illettrisme est aujourd'hui vécu comme une honte et un échec pour de nombreux salariés. Ils dissimulent leur problème, par exemple en apprenant par coeur des procédures ou invoquant un oubli de lunettes lorsqu'ils doivent lire une notice. Ils craignent de perdre leur emploi si leur "secret" est découvert. Ce sont pourtant des gens qui sont souvent qualifiés dans leur secteur d'activité. La réaction des entreprises face à ce phénomène est très variable. Cela dépend de la sensibilisation des chefs d'entreprise, des DRH ou des managers. Certains secteurs, comme par exemple la propreté ou le BTP, confrontés à ce problème depuis longtemps ont d'ores et déjà mis des formations en place. Mais cela reste aujourd'hui minoritaire.
Que faire pour lutter efficacement contre ce phénomène?
Nous souhaitons que l'acquisition et l'entretien de la lecture et de l'écriture deviennent un droit effectif pour chaque citoyen. Il existe des organismes de formation pour les adultes illettrés mais il est nécessaire de les faire connaître. Nous souhaitons mener une grande campagne pour sensibiliser non seulement les personnes illettrées mais également les DRH, les médecins du travail et les agents de Pôle Emploi afin qu'ils les oriente au mieux. Il est nécessaire que ce problème sorte de l'ombre : c'est un enjeu de cohésion sociale mais aussi de compétitivité économique.