Comment être sûr d'avoir raison...
Posté : 18 mai 2013 20:57
Le fait que quelqu’un ait raison devrait-il entraîner la fin du dialogue ? Ou ne peut-on toujours trouver le moyen de mettre en question cette belle certitude ?
On ne peut se contenter d’affirmer, il faut aussi les donner, ces raisons d’affirmer. Or ces raisons elles-mêmes peuvent être soumises à des épreuves. Au point qu’on peut parfois se demander si les preuves ne sont pas elles-mêmes plus faibles que l’évidence de départ, à condition qu’elle soit énoncée clairement.
Nous verrons d’abord qu’il est indispensable d’être sûr de soi et donc dans ce domaine d’être sûr d’avoir raison quand on aime, ou quand on s’engage. Mais le risque est le fanatisme. Dans le domaine de la théorie bien souvent nos engagements ne sont fondés que sur l’habitude, et lutter contre les préjugés demande plus que l’observation. Cependant pour finir nous dirons que le doute lui-même peut être mis en question.
Dans le domaine de sentiments et des engagements, il y a urgence, et il y a urgence à être sûr de soi. Car ici dire « J’ai raison » porte sur nous-même, sur notre propre fiabilité. Cela vaut aussi pour la foi religieuse : en tant que croyant je suis témoin, et je tire mon autorité de moi-même. La preuve que j’ai raison, c’est alors l’ensemble de ma vie, qui doit avoir été toujours exemplaire (ou avoir connu une conversion exemplaire).
Vis-à-vis de moi-même aussi, je dois être sûr de moi quand je dis « Je t’aime », car cela vaut engagement, pour la vie parfois. Ma fiabilité est là ma stabilité, ma « fidélité », et aussi mon courage, je parie sur moi et sur l’avenir. Certes, l’avenir n’est écrit nulle part, mais justement il ne sera ce que je désire que si je suis sûr d’avoir raison, car alors je me battrai pour que ce que je crois soit ce qui est réel, ou ce qui deviendra réel grâce à mon action, ou à ma persuasion de l’autre. L’amour est ici en somme une prophétie auto-réalisatrice.
Donc, dans le domaine de la subjectivité et de l’action, il est permis d’être sûr d’avoir raison, lorsqu’il s’agit d’avoir un engagement sérieux, car là le doute se confondrait avec la lâcheté. Il faut ici du courage et de la résolution.
Cependant, on voit bien que lorsqu’il s’agit non plus seulement de moi, mais du monde qui m’entoure, la prudence est de mise. La prudence est cette vertu, chez Aristote, qui permet de mettre un peu de sagesse et de stabilité dans un monde qui change tout le temps. Ce qui était vrai un jour ne l’est plus le lendemain, parce que le monde a changé entretemps. Il faut donc sans cesse réviser nos jugements. Tout doit être sans cesse remis en question. Rien n’est sûr dans ce monde parce que « nous ne nous baignons jamais deux fois dans le même fleuve. Donc une certitude qui serait « fondée » sur l’expérience courrait le risque de n’être fondée que sur l’habitude et non sur la science, comme le souligne Hume au 18e siècle à propos des supposées « lois de cause et d’effet ».
Cependant, il ne faut pas tomber pour autant dans l’immoralité. Mon action est moralement bonne si mon intention était bonne, même si les conséquences pour la suite sont malheureuses. Inversement, vouloir manipuler les gens et les faits pour obtenir des événements futurs en eux-mêmes moralement désirables peut conduire à mal agir, à user de mauvais moyens. Cet opportunisme est pire que les projets qui ratent.
Là encore, il faut être sûr de soi et sûr de ses intentions dans un monde où pourtant bien souvent rien n’est sûr par ailleurs.
III Certains pourraient croire que le doute est bien plus raisonnable que la certitude, mais il faut comprendre qu’il n’y a pas de validité universelle du doute.
Un doute interminable quand l’urgence nous presse serait de l’irrésolution, voire la lâcheté de qui ne veut pas choisir, ni exercer sa liberté et son jugement. Prendre des risques peut être généreux pour les autres. Il ne s’agit pas là d’être sûr d’avoir raison, puisque souvent l’on n’a pas eu le temps de faire une enquête suffisamment longue pour agir totalement en connaissance de cause. Mais il s’agit de faire comme si l’on était sûr.
D’autre part, il est de coutume de mettre en garde contre le fanatisme. Mais il y a un fanatisme du doute, décourageant de tout « enchantement » du monde et de tout enthousiasme. Aimer, c’est refuser de douter de l’autre si l’on n’a pas encore de solides raisons de douter. C’est parier d’abord, avant les preuves qui viendront ensuite grâce à ce pari originel, et ne peuvent venir jamais que s’il y a ce pari originel. Et si concernant la foi, croire en Dieu par exemple c’est croire sans preuves, il peut y avoir une vraie démarche intellectuelle dans le démontage des raisons de douter. Alors, en réalité il n’est pas permis de … douter, si l’on n’a pas de bonnes raisons de douter.
En conclusion, s'interroger plutôt sur les enjeux de l’incertitude afin de donner de bonnes raisons de tenir à nos certitudes. Dans le domaine des sentiments amoureux et de l’engagement, conjugal mais aussi politique, le courage consiste à être sûr de soi et fiable, ce qui fait que nous aurons peut-être finalement raison parce que nous sommes sûrs et que nous agissons avec résolution selon cette certitude. Certes, le monde lui-même déjoue souvent par son instabilité nos prévisions les plus fondées, mais là encore, la prudence nécessaire nous conduit à être au moins sûrs de nos intentions et de nos bonnes raisons. En fin de compte c’est souvent le doute qui conduit à la catastrophe, car à force de toujours craindre le fanatisme, on ne s’engage plus, on soupçonne tout et tous, et l’on détruit donc tout progrès ...
On ne peut se contenter d’affirmer, il faut aussi les donner, ces raisons d’affirmer. Or ces raisons elles-mêmes peuvent être soumises à des épreuves. Au point qu’on peut parfois se demander si les preuves ne sont pas elles-mêmes plus faibles que l’évidence de départ, à condition qu’elle soit énoncée clairement.
Nous verrons d’abord qu’il est indispensable d’être sûr de soi et donc dans ce domaine d’être sûr d’avoir raison quand on aime, ou quand on s’engage. Mais le risque est le fanatisme. Dans le domaine de la théorie bien souvent nos engagements ne sont fondés que sur l’habitude, et lutter contre les préjugés demande plus que l’observation. Cependant pour finir nous dirons que le doute lui-même peut être mis en question.
Dans le domaine de sentiments et des engagements, il y a urgence, et il y a urgence à être sûr de soi. Car ici dire « J’ai raison » porte sur nous-même, sur notre propre fiabilité. Cela vaut aussi pour la foi religieuse : en tant que croyant je suis témoin, et je tire mon autorité de moi-même. La preuve que j’ai raison, c’est alors l’ensemble de ma vie, qui doit avoir été toujours exemplaire (ou avoir connu une conversion exemplaire).
Vis-à-vis de moi-même aussi, je dois être sûr de moi quand je dis « Je t’aime », car cela vaut engagement, pour la vie parfois. Ma fiabilité est là ma stabilité, ma « fidélité », et aussi mon courage, je parie sur moi et sur l’avenir. Certes, l’avenir n’est écrit nulle part, mais justement il ne sera ce que je désire que si je suis sûr d’avoir raison, car alors je me battrai pour que ce que je crois soit ce qui est réel, ou ce qui deviendra réel grâce à mon action, ou à ma persuasion de l’autre. L’amour est ici en somme une prophétie auto-réalisatrice.
Donc, dans le domaine de la subjectivité et de l’action, il est permis d’être sûr d’avoir raison, lorsqu’il s’agit d’avoir un engagement sérieux, car là le doute se confondrait avec la lâcheté. Il faut ici du courage et de la résolution.
Cependant, on voit bien que lorsqu’il s’agit non plus seulement de moi, mais du monde qui m’entoure, la prudence est de mise. La prudence est cette vertu, chez Aristote, qui permet de mettre un peu de sagesse et de stabilité dans un monde qui change tout le temps. Ce qui était vrai un jour ne l’est plus le lendemain, parce que le monde a changé entretemps. Il faut donc sans cesse réviser nos jugements. Tout doit être sans cesse remis en question. Rien n’est sûr dans ce monde parce que « nous ne nous baignons jamais deux fois dans le même fleuve. Donc une certitude qui serait « fondée » sur l’expérience courrait le risque de n’être fondée que sur l’habitude et non sur la science, comme le souligne Hume au 18e siècle à propos des supposées « lois de cause et d’effet ».
Cependant, il ne faut pas tomber pour autant dans l’immoralité. Mon action est moralement bonne si mon intention était bonne, même si les conséquences pour la suite sont malheureuses. Inversement, vouloir manipuler les gens et les faits pour obtenir des événements futurs en eux-mêmes moralement désirables peut conduire à mal agir, à user de mauvais moyens. Cet opportunisme est pire que les projets qui ratent.
Là encore, il faut être sûr de soi et sûr de ses intentions dans un monde où pourtant bien souvent rien n’est sûr par ailleurs.
III Certains pourraient croire que le doute est bien plus raisonnable que la certitude, mais il faut comprendre qu’il n’y a pas de validité universelle du doute.
Un doute interminable quand l’urgence nous presse serait de l’irrésolution, voire la lâcheté de qui ne veut pas choisir, ni exercer sa liberté et son jugement. Prendre des risques peut être généreux pour les autres. Il ne s’agit pas là d’être sûr d’avoir raison, puisque souvent l’on n’a pas eu le temps de faire une enquête suffisamment longue pour agir totalement en connaissance de cause. Mais il s’agit de faire comme si l’on était sûr.
D’autre part, il est de coutume de mettre en garde contre le fanatisme. Mais il y a un fanatisme du doute, décourageant de tout « enchantement » du monde et de tout enthousiasme. Aimer, c’est refuser de douter de l’autre si l’on n’a pas encore de solides raisons de douter. C’est parier d’abord, avant les preuves qui viendront ensuite grâce à ce pari originel, et ne peuvent venir jamais que s’il y a ce pari originel. Et si concernant la foi, croire en Dieu par exemple c’est croire sans preuves, il peut y avoir une vraie démarche intellectuelle dans le démontage des raisons de douter. Alors, en réalité il n’est pas permis de … douter, si l’on n’a pas de bonnes raisons de douter.
En conclusion, s'interroger plutôt sur les enjeux de l’incertitude afin de donner de bonnes raisons de tenir à nos certitudes. Dans le domaine des sentiments amoureux et de l’engagement, conjugal mais aussi politique, le courage consiste à être sûr de soi et fiable, ce qui fait que nous aurons peut-être finalement raison parce que nous sommes sûrs et que nous agissons avec résolution selon cette certitude. Certes, le monde lui-même déjoue souvent par son instabilité nos prévisions les plus fondées, mais là encore, la prudence nécessaire nous conduit à être au moins sûrs de nos intentions et de nos bonnes raisons. En fin de compte c’est souvent le doute qui conduit à la catastrophe, car à force de toujours craindre le fanatisme, on ne s’engage plus, on soupçonne tout et tous, et l’on détruit donc tout progrès ...