Toulouse: à deux doigts de pied de l'émeute...
Posté : 04 octobre 2012 20:00
Cette fois-ci , le scandale ne vient pas d'un journal satirique mais d'un simple hommage artistique à l'islam réalisé par un musulman aussi pacifiste que sincère dans sa démarche!.
«Blasphématoire» ? Encore… L’œuvre du Marocain Mounir Fatmi, présentée dans le cadre du festival d’art contemporain du Printemps de septembre à Toulouse, a déclenché la colère des musulmans, «choqués» de voir des passants arpenter des sourates du Coran projetées au sol. Retour sur les faits…
Mardi soir, l’affaire a failli tourner au vinaigre lors du déclenchement inopiné de l’installation vidéo Technologia. Projetées sur le sol du Pont-Neuf, les images de versets du Coran tourbillonnants au centre de cercles inspirés des «rotoreliefs» de Marcel Duchamp, ont été perçues comme une provocation par un petit groupe de jeunes en vadrouille. Hors du dispositif de médiation censée l’empêcher, la vue des passants foulant du pied les paroles du prophète Mahomet a illico mis le feu aux poudres.
«Héritage». «J’ai appelé les jeunes de mon quartier pour les prévenir», raconte une fille, témoin de la scène. Une demi-heure plus tard un groupe de 80 personnes, parmi lesquels des jeunes habitants des cités toulousaines, se rassemblaient spontanément sur le Pont-Neuf, tandis qu’une dizaine de cars de police prenaient position pour contenir les éventuels débordements.
C’est dans cette ambiance qu’une femme aurait été giflée pour avoir marché sur les caractères arabes projetés au sol. «Elle a mangé une claque pour avoir refusé de passer à côté», confirme un peu crûment un témoin de la scène.
Le débranchement de l’installation et l’intervention d’un imam présent sur les lieux ont réussit à ramener le calme. «On a évité le pire…», raconte Mokhtar el-Meddah, imam de la mosquée de la Faourette, dans le quartier du Mirail. «Jamais je n’aurais pensé que cela puisse se produire, s’émeut Mounir Fatmi. Cette installation, hommage à mon héritage arabo-musulman, qui est achetée et présentée par le musée d’art contemporain de Doha au Qatar, n’avait jamais posé de problèmes jusqu’ici», ajoute l’artiste.
Du côté des musulmans de Toulouse, la tension est montée d’un cran après l’appel à manifester lancé hier sur les réseaux sociaux et les portables. Branle-bas de combat à la préfecture et à la mairie de Toulouse. Une délégation de représentants de la communauté musulmane était reçue, hier en début d’après-midi, par l’adjointe aux affaires culturelles, Vincentella de Comarmond. Au terme de la réunion de crise, cette dernière annonçait le retrait de l’installation du programme du Printemps de septembre, décision prise par l’artiste : «Les conditions d’exposition de ma pièce n’étant pas réunies, je préfère la suspendre», a commenté Mounir Fatmi sous la pression.
Autocensure. «Dans le contexte actuel hypersensible, c’est mieux ainsi», réagissait dans le même sens de l’autocensure l’historien d’art et directeur artistique du Printemps de septembre, Paul Ardenne. Ajoutant, sibyllin : «Il est toujours bon de constater que la liberté d’expression se jauge à l’échelle des réalités.»
Libération
03/09/12