Une psychiatre condamnée à cause de son patient
Posté : 18 décembre 2012 15:39
Danièle Canarelli a été condamnée à un an de prison avec sursis pour homicide involontaire.
À la barre, Danièle Canarelli avait expliqué que ce patient, véritable "énigme", lui avait posé "un problème de diagnostic", du fait de l'absence de symptômes malgré sa dangerosité avérée. © ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP
Voilà une décision qui pourrait faire jurisprudence. La psychiatre poursuivie pour homicide involontaire après le meurtre commis par l'un de ses patients a été condamnée à un an de prison avec sursis. La cour a suivi les réquisitions du parquet général. À l'audience, Danièle Canarelli, 58 ans, médecin à l'hôpital marseillais Édouard-Toulouse, avait réfuté toute négligence dans le suivi de Joël Gaillard, de son hospitalisation en 2000 à sa fugue le 19 février 2004. Vingt jours après, l'homme avait assassiné à Gap, à coups de hachette, le compagnon octogénaire de sa grand-mère, Germain Trabuc. Un meurtre pour lequel cet homme de 43 ans, atteint d'une psychose schizophrénique à forme "paranoïde", a été jugé irresponsable pénalement.
Après ce non-lieu, Michel Trabuc, un des fils de la victime, avait engagé une action contre l'État et contre l'hôpital, condamné en 2009 pour défaut de surveillance. Il avait également porté plainte contre tous ceux qui avaient pu faire preuve de négligence. "Un non-lieu, c'est comme si ça ne s'était pas passé, je veux avoir des explications", explique-t-il, estimant que cet "individu dangereux aurait dû être suivi plus sérieusement au vu de son passé."
Rassurer la profession
Dans la salle, de nombreux soignants étaient venus apporter leur soutien à leur collègue, s'inquiétant de l'issue du procès. "Si elle est amenée à trinquer, la prise en charge des patients va complètement changer", redoutaient des infirmières. L'académie de médecine avait aussi souligné la difficulté d'évaluer la "dangerosité criminologique", mettant en garde contre "l'utopie du risque zéro".
Tour à tour, le président du tribunal, les parties civiles et le procureur avaient pris soin de rassurer la profession. "Il ne s'agit pas ici pour la justice de faire le procès de la psychiatrie, absolument pas. Il ne s'agit pas de chercher des poux dans la tête de cette corporation, ici ce n'est pas la psychiatrie qu'on met en cause, c'est Mme Canarelli", avait insisté le représentant du ministère public, Emmanuel Merlin. Et d'évoquer "l'aveuglement" d'une prévenue ne cessant d'aller à l'encontre des avis "uniformes" rendus par neuf psychiatres qui préconisaient d'hospitaliser Joël Gaillard dans une structure plus contraignante. En choisissant de lui accorder fin 2003 une sortie à l'essai de longue durée, "séduite" par le comportement "roublard" de son patient, malgré son "crescendo dramatique dans la violence", elle a commis "une faute professionnelle devenue pénale", avait estimé l'avocat général.
Énigme
"Il n'y a pas qu'une fautive", avait reconnu l'avocat des parties civiles, Me Gérard Chemla, soulignant que "la plainte visait aussi l'ensemble des autorités qui avaient montré des défaillances". "Pour autant, la multiplicité des fautes ne fait pas disparaître celle de Mme Canarelli qui n'a jamais pris la dimension de la pathologie du patient. On est dans la chronique d'une mort annoncée", avait-il estimé.
À la barre, la psychiatre avait expliqué que ce patient, véritable "énigme", lui avait posé "un problème de diagnostic", du fait de l'absence de symptômes et malgré sa dangerosité avérée. Pour son avocat, Me Sylvain Pontier, ce procès a mis en lumière "une méconnaissance de la réalité de la psychiatrie hospitalière et la persistance d'un certain nombre d'images d'Épinal". "Il faut bien que ces personnes soient soignées, on n'est pas dans un système carcéral", avait-il lancé. D'ailleurs le patient meurtrier est actuellement "traité à l'hôpital de la Conception, s'est depuis marié, a eu au moins un enfant et bénéficie de sorties d'essai".
LePoint.fr le 18/12/2012 15:00
À la barre, Danièle Canarelli avait expliqué que ce patient, véritable "énigme", lui avait posé "un problème de diagnostic", du fait de l'absence de symptômes malgré sa dangerosité avérée. © ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP
Voilà une décision qui pourrait faire jurisprudence. La psychiatre poursuivie pour homicide involontaire après le meurtre commis par l'un de ses patients a été condamnée à un an de prison avec sursis. La cour a suivi les réquisitions du parquet général. À l'audience, Danièle Canarelli, 58 ans, médecin à l'hôpital marseillais Édouard-Toulouse, avait réfuté toute négligence dans le suivi de Joël Gaillard, de son hospitalisation en 2000 à sa fugue le 19 février 2004. Vingt jours après, l'homme avait assassiné à Gap, à coups de hachette, le compagnon octogénaire de sa grand-mère, Germain Trabuc. Un meurtre pour lequel cet homme de 43 ans, atteint d'une psychose schizophrénique à forme "paranoïde", a été jugé irresponsable pénalement.
Après ce non-lieu, Michel Trabuc, un des fils de la victime, avait engagé une action contre l'État et contre l'hôpital, condamné en 2009 pour défaut de surveillance. Il avait également porté plainte contre tous ceux qui avaient pu faire preuve de négligence. "Un non-lieu, c'est comme si ça ne s'était pas passé, je veux avoir des explications", explique-t-il, estimant que cet "individu dangereux aurait dû être suivi plus sérieusement au vu de son passé."
Rassurer la profession
Dans la salle, de nombreux soignants étaient venus apporter leur soutien à leur collègue, s'inquiétant de l'issue du procès. "Si elle est amenée à trinquer, la prise en charge des patients va complètement changer", redoutaient des infirmières. L'académie de médecine avait aussi souligné la difficulté d'évaluer la "dangerosité criminologique", mettant en garde contre "l'utopie du risque zéro".
Tour à tour, le président du tribunal, les parties civiles et le procureur avaient pris soin de rassurer la profession. "Il ne s'agit pas ici pour la justice de faire le procès de la psychiatrie, absolument pas. Il ne s'agit pas de chercher des poux dans la tête de cette corporation, ici ce n'est pas la psychiatrie qu'on met en cause, c'est Mme Canarelli", avait insisté le représentant du ministère public, Emmanuel Merlin. Et d'évoquer "l'aveuglement" d'une prévenue ne cessant d'aller à l'encontre des avis "uniformes" rendus par neuf psychiatres qui préconisaient d'hospitaliser Joël Gaillard dans une structure plus contraignante. En choisissant de lui accorder fin 2003 une sortie à l'essai de longue durée, "séduite" par le comportement "roublard" de son patient, malgré son "crescendo dramatique dans la violence", elle a commis "une faute professionnelle devenue pénale", avait estimé l'avocat général.
Énigme
"Il n'y a pas qu'une fautive", avait reconnu l'avocat des parties civiles, Me Gérard Chemla, soulignant que "la plainte visait aussi l'ensemble des autorités qui avaient montré des défaillances". "Pour autant, la multiplicité des fautes ne fait pas disparaître celle de Mme Canarelli qui n'a jamais pris la dimension de la pathologie du patient. On est dans la chronique d'une mort annoncée", avait-il estimé.
À la barre, la psychiatre avait expliqué que ce patient, véritable "énigme", lui avait posé "un problème de diagnostic", du fait de l'absence de symptômes et malgré sa dangerosité avérée. Pour son avocat, Me Sylvain Pontier, ce procès a mis en lumière "une méconnaissance de la réalité de la psychiatrie hospitalière et la persistance d'un certain nombre d'images d'Épinal". "Il faut bien que ces personnes soient soignées, on n'est pas dans un système carcéral", avait-il lancé. D'ailleurs le patient meurtrier est actuellement "traité à l'hôpital de la Conception, s'est depuis marié, a eu au moins un enfant et bénéficie de sorties d'essai".
LePoint.fr le 18/12/2012 15:00