contre le cumul des mandats : le plus tard sera le mieux !
Posté : 19 février 2013 09:46
Pour Hervé Gattegno, la seule urgence, c'est de sortir de ce débat qui fleure la démagogie et d'arrêter d'en donner une vision faussée.
La question du cumul des mandats continue de diviser les socialistes : la majorité veut que la réforme s'applique dès 2014 pour les municipales, le gouvernement est moins pressé. Votre parti pris : pour limiter le cumul, le plus tard sera le mieux. Pourquoi dites-vous cela ?
La seule urgence, c'est de sortir ce débat de la démagogie. Le présenter comme la lutte de la modernité démocratique contre les abus de l'oligarchie, c'est en donner une vision faussée. Les abolitionnistes du cumul surfent sur le rejet des élites en présentant les élus comme des privilégiés ; les partisans du cumul attisent la rivalité Paris-province en plaidant pour "l'enracinement local". Ces deux positions (ni totalement fausses ni entièrement sincères), laissent de côté le coeur du sujet : comment avoir de bons élus, motivés, compétents et responsables - des élus qui cumulent les qualités plutôt qu'un système qui cumule les inconvénients. La loi sur le cumul n'y répond pas.
Donc pour vous, la limitation du cumul peut être positive à condition qu'elle s'inscrive dans une réforme d'ensemble ?
Oui mais on n'en prend pas le chemin. On passe plus de temps à déboulonner la statue des élus qu'à concevoir un statut de l'élu. On veut qu'un maire se consacre à sa commune, soit ; mais peu de Français savent combien leur maire est payé - 826 euros par mois dans une ville de moins de 10 000 habitants, 5 500 euros dans les villes de plus de 100 000 habitants (sauf Paris, Lyon et Marseille : 8 500 euros). Comparez à des chefs d'entreprise : à ce niveau de responsabilité, ces montants ne sont pas mirobolants. Souvent, le cumul permet aux élus d'augmenter leurs revenus. Si on l'interdit, il faut améliorer leur traitement - sans quoi il y aura vite une crise des vocations. Mais si la question est posée comme cela, la réforme va soulever beaucoup moins d'enthousiasme...
D'accord, mais est-ce qu'un élu qui a deux mandats peut correctement exercer deux fonctions ?
C'est l'une des questions cruciales..., mais elle n'a pas de réponse automatique. Les partisans du cumul ont décrété que non. Mais Mitterrand, Chirac, Sarkozy et Hollande ont été de grands cumulards sans passer pour des tire-au-flanc. De fait, il existe des cumulards performants et de simples députés qu'on ne voit jamais à l'Assemblée - et des sénateurs qui roupillent... Aucun système ne l'empêchera. Pour en revenir à l'argent, si on proscrit le cumul des mandats, un maire peut garder un emploi, ce qui l'éloigne quand même de sa mairie. Ou alors on favorise les retraités, qui n'auront pas ce problème. Mais alors qu'on ne dise pas que la réforme est faite pour favoriser le renouvellement !
En définitive, vous êtes plutôt partisan d'attendre. Apparemment, c'est aussi l'avis de François Hollande...
Pas forcément pour les mêmes raisons : attendre est utile si c'est pour étoffer la réforme. Pour renouveler le personnel politique, encadrer le cumul ne suffit pas : il vaudrait mieux fixer un âge limite, un nombre maximum de mandats, en raccourcir la durée... Et surtout supprimer des sièges dans les collectivités (601 000 élus en France, record mondial !). Pour aller jusque-là, il faudrait du courage... et une majorité au Parlement - il n'y a ni l'un ni l'autre en magasin. Cela dit, on peut aussi penser que c'est au citoyen de choisir ses élus - et force est de constater qu'en toute connaissance de cause, les Français votent très souvent pour des cumulards.