Hollande fait de l'auto-satisfaction à Tokyo
Posté : 08 juin 2013 17:34
Mariage pour tous, politique familiale, anglais à l'université... Au dernier jour de la visite présidentielle au Japon, François Hollande continue à vanter les réformes de son gouvernement.
Il a même réussi à caser le mariage pour tous ! Samedi à Tokyo, au dernier jour de sa visite d’Etat au Japon, François Hollande n’a pas lésiné sur la promotion des réformes portant son sceau depuis un an, très «VRP» de lui-même. Dans les discours officiels, le président se borne à parler de ce «redressement dans la compétitivité» qu’il veut administrer à la France mais en plus petit comité, c’est autre chose. En fin de journée, les Français de Tokyo tendent l’oreille pour l’entendre dans les jardins de l’ambassadeur. Le chef de l’Etat termine par un hommage aux Français qui n’ont pas quitté le Japon (ou qui sont revenus y vivre) après Fukushima. «Il est vrai que beaucoup d’entre vous ont un conjoint ou une conjointe japonais, reconnaît-il. Enfin vous savez aujourd’hui, nous, nous ne distinguons plus», se marre le chef de l’Etat. La petite foule fait de même et applaudit à tout rompre.
Blagounettes
A l’heure où le Japon et la France entendent doubler le nombre d’étudiants entre les deux pays, François Hollande a surtout multiplié les allusions à la récente loi sur l’enseignement supérieur. Dont l’article 2 prévoit de multiplier les cours dispensés en anglais dans les universités françaises, ce qui a provoqué une bataille rangée fin mai à l’Assemblée. Quasiment à chaque étape de son séjour, le chef de l’Etat a apporté son soutien à la ministre Geneviève Fioraso. «Pendant les débats parlementaires, il m’a appelée pour me dire : "tiens bon"», sourit-elle a posteriori. Hollande, qui n’a jamais pipé mot sur le sujet en France, se fait prolixe à 10 000 kilomètres de Paris. «Nous avons une conception ouverte de la francophonie, pas frileuse. Nous ne disons pas : "cachez cet anglais que je ne saurai voir"», assure-t-il à l’Institut français. Car à l’entendre, l’anglais ne serait qu’un hameçon : des cours en langue de Shakespeare pour attirer les cerveaux qui, une fois installés en France, se mettraient à celle de Molière. C’est pas gagné mais qu’importe : les non francophones, «on ne va quand même pas leur faire payer ce péché toute leur vie», insiste encore Hollande, repassé en mode blaguounettes à l’ambassade.
Pendant tout son voyage, on l’a bombardé de questions sur les recettes économiques japonaises qu’il pourrait importer en France. A plusieurs reprises, le président et sa délégation ont inversé l’équation, vantant la politique familiale de la France, son taux de natalité et l’intégration des femmes dans le marché du travail. Vendredi soir au dîner d’Etat, le Premier ministre Japonais Shinzo Abe en a même fait l’éloge à sa voisine de table, Aurélie Filippetti, qui en est restée coite. «Il dit qu’il va annoncer la création de 500 000 places de crèches», rapporte la ministre de la Culture. «Il y a une leçon que nous pouvons livrer au monde : nous avons toujours réussi à concilier la politique familiale et l’emploi des femmes», renchérit Hollande samedi lors d’une rencontre avec des étudiants tokyoïtes. Angela Merkel et l’Allemagne en prennent pour leur grade au passage : «Ils vont être obligés de créer aussi des places de crèche.»
Buvez des pommes
Le Président est beaucoup moins disert sur la réforme des retraites à venir. Le rapport Moreau doit être rendu vendredi prochain à Jean-Marc Ayrault mais ses principales propositions ont déjà fuité dans la presse. «Il va mettre tout sur la table pour que les négociations puissent s’engager entre partenaires sociaux, prévient-il. Le gouvernement fera ses choix ensuite.»
Dans les jardins de l’institut, dessiné par l’architecte Junjo Sakakura, grand promoteur de Le Corbusier dans l’archipel, une jeune chef d’entreprise a réussi à faire goûter à François Hollande le jus de pommes bio qu’elle veut lancer sur le marché. «J’ai eu un prédécesseur qui disait : "Mangez des pommes". Moi je les bois», cabotine Hollande. Un doctorant en robotique toulousain exilé à Tokyo lui demande ce qui pourrait vraiment le pousser à revenir en France, lui à qui le Japon promet des «perspectives de salaires et de carrière très très bonnes». Le président parle filières de recherche, conventions collectives et… douceur de vivre. Mais avant de le quitter son interlocuteur lui glisse : «Vous ne m’avez pas parlé des impôts, je vous en remercie !»