Prostitution : Faut-il sanctionner les clients ?
Posté : 18 septembre 2013 12:15
http://www.bfmtv.com/societe/prostituti ... 04488.htmlProstitution: que pourrait changer la réforme de la loi?
Alors qu'un rapport, prélude à une proposition de loi sur la prostitution a été été examiné ce mardi par le groupe PS à l'Assemblée nationale, les travailleurs du sexe ont manifesté contre la pénalisation des prostituées et de leurs clients.
La prostitution est toujours dans la ligne de mire du gouvernement. Un rapport d'information parlementaire rendu public mardi prélude à une prochaine proposition de loi, préconise de sanctionner le recours à la prostitution et d'abroger dans le même temps le délit de racolage public à l'encontre des prostituées.
Dans ce rapport, adopté mardi par la Délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, la député PS Maud Olivier entend notamment "rendre notre territoire dissuasif pour les réseaux de proxénétisme et de traite" et "dissuader le client de pérenniser les situations de violence que son comportement crée et entretient".
Mais son contenu est loin de faire l'unanimité chez les travailleurs du sexe, qui ont manifesté mardi à 16h30 devant l'Assemblée contre la pénalisation des prostituées et de leurs clients, à l'appel du STRASS (Syndicat du travail sexuel). BFMTV.com fait le point sur la loi française et sur le nouveau texte.
> La situation actuelle
La loi du 18 mars 2003 sur la sécurité intérieure punissait de deux mois d'emprisonnement et de 3.750 euros d'amende, le racolage, c'est à dire "le fait, par tout moyen, y compris par une attitude même passive, de procéder publiquement au racolage d'autrui en vue de l'inciter à des relations sexuelles, en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération". Cette loi a été abrogée par le Sénat, sous l'impulsion de la sénatrice EELV Esther Benbassa, en mars 2013.
Mais le délit de racolage n'est pas totalement supprimé, puisqu'il n'a pas été aboli par les députés. "La répression s'est calmée, après avoir été très forte, les trois-quatres premières années après 2003, précise la sociologue Françoise Gil* à BFMTV.com. Mais aujourd'hui, la situation est très floue, très ambigüe et très hypocrite".
> Que contient la proposition de loi?
Dès juin 2012, Najat Vallaud-Belkacem avait affiché sa volonté de vouloir éradiquer la prostitution. La ministre du Droit des femmes a annoncé fin mars 2013 qu'une proposition de loi sur la prostitution et la traite des êtres humains devrait voir le jour "d'ici l'automne". C'était là un des engagements de campagne de François Hollande.
Le rapport présenté mardi par Maud Olivier, qui fait au total 40 recommandations, "se traduira par le dépôt d'une proposition de loi", précise la député.
Il prévoit de nouvelles mesures de lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains. Serait notamment sanctionné "le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir des relations de nature sexuelles d'une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération", mais également en échange de l'utilisation, de l'acquisition ou de la promesse d'un logement, une "rémunération" souvent constatée par les associations d'aide aux prostituées.
Maud Olivier propose également la création d'une peine complémentaire, "un stage de sensibilisation aux conditions d'exercice de la prostitution", sur le modèle des stage de sensibilisation à la sécurité routière.
> Pourquoi ce texte est-il critiqué?
Selon Françoise Gil, la proposition de loi fait l'amalgame entre toutes les formes de prostitution et ne s'attaque pas suffisamment au proxénétisme. Et précise: "si on veut lutter contre la prostitution, il n'y a qu'une chose qui est condamnable, c'est le proxénétisme, la contrainte exercée par des mafieux ou par qui que ce soit. Tant qu'on fait l'amalgame sur les gens contraints et les gens libres, on n'en sortira pas".
Par ailleurs, pénaliser les clients est selon la sociologue, "une ingérence très grave dans la vie des gens". "On pourrait éventuellement envisager de s'intéresser aux clients de prostituées de réseaux, mais dans le but comme on le fait en Allemagne de repérer des situations de contrainte et de pouvoir agir. Là c'est une mesure globale et sans nuance qui risque d'être mise en place", regrette-t-elle.
Sur le terrain les conséquences risquent également d'être "catastrophiques pour les femmes". Le texte prévoit en effet un plan de réinsertion pour les prostituées. Mais compte-tenu de la situation économique en France et du niveau de chômage, "est-ce qu'on va trouver des emplois pour toutes ces personnes, et quels emplois, quelles formations?" s'interroge Françoise Gil.
Cela risque également d'encombrer les tribunaux. Surtout, cela n'empêchera les réseaux de continuer à agir. "Aujourd'hui à Paris, les proxénètes et les mafieux achètent des appartements ou les louent et gardent les filles à l'intérieur, ça, ça va fleurir. Les femmes libres ont, elles, peur d'être rackettées par les proxénètes." Un phénomène déjà observé après la loi sur la sécurité intérieure. "Il y a eu recrudescence d'actes délictueux de la part d'hommes qui voulaient profiter de la situation", rapporte Françoise Gil.
Enfin, selon Diana, porte-parole du Strass (Syndicat du travail sexuel), cela va modifier la façon de travailler des prostituées, qui seront "obligées de se cacher". "Cette loi va mettre en danger la vie des prostituées", conclut-elle.
http://www.lefigaro.fr/actualite-france ... s-1999.phpEn Suède, la prostitution de rue a baissé de moitié depuis 1999
Au royaume scandinave, premier pays européen à avoir criminalisé la demande et non l'offre de prostitution, les amendes sont lourdes, proportionnelles au salaire du client. Les peines de prison peuvent atteindre un an.
En Suède, cela fait bientôt quinze ans que les clients de prostituées sont pénalisés. Depuis 1999, ce ne sont pas les prostituées, mais les torskar («ratés» ou «morues» en argot) qui sont appréhendés. Et pour les Suédois, le bilan est largement positif: selon un rapport publié en 2011 pour le gouvernement, la prostitution de rue a baissé de moitié. 1 800 affaires ont été recensées les dix premières années. Près de 300 condamnations ont été prononcées, des amendes en général inférieures à 2000 euros, proportionnelles aux revenus du client. En 2011, la loi a encore été durcie: les condamnations peuvent aller jusqu'à un an de prison. Mais aucun torskar n'a encore été incarcéré.
Une partie des prostituées dans la clandestinité
Grâce à la loi, se félicitent les Suédois, c'est surtout la mentalité qui a évolué: en 1996, seul un tiers de la population se déclarait favorable à la pénalisation des clients. En 2008, ils étaient plus des deux tiers. Aucun indice ne laisse accroire un regain de violences. «Selon les prostituées, il y en a même beaucoup moins qu'à l'étranger, souligne Simon Häggström, chef de la brigade antiprostitution de Stockholm. Car elles savent qu'au moindre problème, elles peuvent nous appeler.» En outre, la loi aurait, selon la police, canalisé la criminalité organisée… qui préfère s'installer dans les pays voisins.
Selon une étude de 2008, il y aurait en Suède quelque 300 personnes se prostituant dans les rues, et 350 par l'intermédiaire d'Internet. C'est quatre fois moins qu'en 1995. Et surtout dix fois moins qu'au Danemark voisin, où la prostitution est légale. Certes, comme le martèlent ses détracteurs, cette loi a sans doute fait basculer une partie des prostituées dans la clandestinité. La prostitution est également passée sur Internet. «On ne peut pas dire que c'est un effet pervers de la loi: aujourd'hui, tout le monde est connecté!, lance un policier. Si un client peut trouver une escort girl sur Internet, nous aussi…»
La Norvège et l'Islande ont suivi l'exemple de leur voisin scandinave. Quant à la Suisse, l'un des rares pays à admettre la prostitution dès 16 ans, elle vient aussi de décider de pénaliser les clients, mais seulement ceux qui ont recours aux services d'adolescents de 16 ou 17 ans. Ces clients seront passibles d'une peine de prison de trois ans maximum.
La pénalisation des clients de prostitués, c'est un peu un serpent de mer depuis la loi sur le racolage passif. Pourtant j'ai l'impression que cette fois ci, ça pourrait bien être la bonne, qu'il va vraiment se passer quelquechose.
Et honnêtement, je sais pas trop quoi penser d'une telle initiative...