et si c'était Le Drian à Matignon ?
Posté : 01 mars 2014 11:43
par tisiphoné
encore un, qui a placé son passable de fils, non?? :roll:On ne parle pas beaucoup du ministre de la Défense pour le poste de Premier ministre... Et pourtant, ses atouts sont très nombreux.
Jean-Yves Le Drian, c'est d'abord ce qu'en termes de cinématographie on appelle "une gueule". Des rides, un front dégarni, un visage buriné par la vie, la vraie vie, celle des gens fiers et bosseurs de sa Bretagne natale. "Il est laid, mais il est beau", résume Rachida Dati, en observatrice amusée du ballet des "matignonables"...
Toujours en termes cinématographiques, Le Drian, c'est aussi un "emploi" : des épaules qui peuvent supporter une charge ministérielle aussi lourde que la défense d'un pays sans caprice, sans faute, sans couac. Le Drian, c'est l'homme avec qui François Hollande est parti à la guerre, au sens propre comme au sens figuré. Quand personne ne croyait en lui, Le Drian était là avec quelques-uns... François Hollande a failli l'oublier lors de la constitution de son gouvernement avant que François Rebsamen n'intervienne et ne lui rappelle que, même dans un gouvernement conçu comme une boule à facettes de cette gauche composite, le président aurait besoin d'alliés sûrs. Le maire de Dijon ne s'était pas trompé...
Atout numéro 1 : sa fidélité à Hollande
Discret, le ministre de la Défense demeure l'une des cartes maîtresses de François Hollande en cas de remaniement. Atout numéro 1 : sa fidélité et la confiance qu'il inspire. De ce point de vue, c'est un avantage considérable par rapport aux autres prétendants. Manuel Valls serait un rival potentiel et certains estiment que, sitôt nommé, la presse s'empresserait d'en faire son favori pour l'Élysée, rejouant ainsi le duel Balladur-Chirac des années 1990. Un président tombé à 21 % de "bonnes opinions" dans notre baromètre Ipsos peut-il se permettre, sans risque, de nommer à Matignon un Valls qui le toise de 30 points ?
À 66 ans, Jean-Yves Le Drian ne peut être soupçonné de viser une plus haute marche que Matignon. C'est aussi l'avantage d'un Laurent Fabius, 67 ans, ou d'un Claude Bartolone, 62 ans, dont les carrières sont faites. Certes, la compétence de Laurent Fabius est indiscutable. Mais le fait qu'il soit déjà passé par la case Matignon il y a 28 ans peut aussi se retourner contre lui. Cela voudrait dire qu'en 30 ans le PS aurait été incapable de générer un nouveau talent. Les éléphants auraient vraiment la vie longue...
Le Drian en fil direct avec Hollande
La loyauté de Fabius n'est pas non plus à remettre en cause : il assure son rôle de chef de la diplomatie dans une loyauté parfaite et totale vis-à-vis du président de la République. Mais les rivalités passées furent très vives... Et Hollande peut-il admettre de nommer à Matignon, pour le seconder directement, un homme qui le traitait de "fraise des bois" ainsi que Nicolas Sarkozy le lui rappelait cruellement lors d'un débat ? Quant à Claude Bartolone, s'il inspire le respect pour sa capacité à mener des combats et à rassembler la gauche sans déplaire au CAC 40, il inspire au chef de l'État ce zeste de méfiance qui lui vaudra toujours d'être considéré comme dangereux. En outre, Bartolone, libre comme l'air, ne serait pas du genre à avaler le bol de couleuvres que le président prépare à son Premier ministre matin, midi et soir...
Si bien que l'hypothèse Le Drian présente de nombreux avantages. D'autant que le personnage dispose d'une autorité naturelle dont Jean-Marc Ayrault, hélas, ne dispose pas. Depuis l'hôtel de Brienne, Le Drian a très vite compris que Matignon était une machine à empêcher de décider. Il s'est donc très vite émancipé de ce rouage pour travailler directement en fil direct avec le chef de l'État. S'il est un domaine où Hollande est apparu tranchant, rapide et clair, c'est bien celui des opérations militaires. La fluidité de la relation Le Drian-Hollande n'y est pas pour rien... On se dit qu'appliqué aux affaires générales du pays, l'exécutif gagnerait en efficacité. Et c'est tout le défi de ce remaniement murmuré, puisqu'il n'est pas question de changer de cap : priorité à l'emploi, adoption du pacte de responsabilité, loi de décentralisation et coupes dans les dépenses publiques.
Un chrétien de gauche aux reins solides
Le Drian et Hollande sont entrés en compagnonnage au début des années 1980. C'est avec celui qui fut maire de Lorient de 1981 à 1998 que François Hollande avait lancé, au sein du PS, le mouvement des "transcourants" en 1985 afin de dépasser la compétition des écuries présidentielles qui n'ont cessé de miner la vie du parti. Le Drian fut le fondateur du club Sémaphore. À la demande de Hollande, ce think tank se mit au service de Ségolène Royal en 2007. Lorsque le couple Hollande-Royal se sépare, Le Drian n'est jamais très loin pour donner des coups de main, écouter les plaintes, héberger parfois son ami François.
Son militantisme de jeunesse est forgé aux racines de la gauche chrétienne. Une tradition dans cette terre bretonne ; son père (magasinier automobile) et sa mère se sont d'ailleurs connus à la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC). Comme François Hollande, la personnalité de François Mitterrand joue un rôle dans son enrôlement partisan en 1974. Trois ans plus tard, aux municipales de 1977 à Lorient, il entre au conseil municipal et, l'année suivante, il gagne la législative à l'âge de 30 ans. Il siège treize ans durant avant de rejoindre le gouvernement Cresson au secrétariat d'État à la Mer. Durant son bref passage (mai 1991-avril 1992), il ne laisse que peu de souvenirs en dépit d'une réforme courageuse du statut des dockers. Le Drian et son ministre de tutelle, Paul Quilès, font face à une longue grève...
Comme de nombreux députés PS, il fait partie des élus balayés aux législatives de 1993. Il retrouve cependant l'Assemblée nationale dès 1997, avec la dissolution prononcée par Jacques Chirac. Mais c'est sur la Bretagne qu'il étend son règne à la tête du conseil régional, de 2004 à 2012. Les solidarités bretonnes sont fortes et dépassent les clivages partisans. Un homme aussi rude que Patrick Le Lay, illustre Breton et patron de TF1, ne jurait que par Le Drian, c'est dire ! Les contacts du ministre de la Défense avec les élus de terrain au moment où le PS va subir quelques cuisantes défaites dans les villes seront sûrement un dernier atout apprécié au Château...
