1 million de casiers judicaires d'employés de l'EN vérifiés.
Posté : 20 janvier 2018 05:41
Après deux ans de travail, la vérification des casiers judiciaires d’un million de personnes travaillant dans l’Éducation nationale a permis d’écarter des établissements scolaires 26 fonctionnaires condamnés pour des faits sur mineurs.
« Notre exigence, c’est la protection des élèves mineurs et donc la fermeté absolue. » Ce vendredi, le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer, a ainsi justifié la mise à l’écart immédiate de 26 fonctionnaires d’établissements scolaires, enseignants, CPE ou agents de cantine, dont le ministère a été informé d’antécédents judiciaires liés à la pédophilie. Une intransigeance réclamée depuis des années par les parents d’élèves et qu’un immense travail de vérification des casiers judiciaires a enfin été rendu possible. Retour sur les rouages et les résultats de cette grande enquête avec Édouard Geffray, le directeur général des ressources humaines de l’Education nationale.
Le déclic de Villefontaine:
C’est après l’affaire dite de Villefontaine (Rhône-Alpes) que la ministre de l’Education Najat Vallaud-Belkacem et la ministre de la Justice Christiane Taubira ont annoncé ce grand chantier en 2015. Cette année-là, le directeur de l’école maternelle de cette banlieue de Lyon est mis en examen pour des viols sur ses très jeunes élèves. L’enquête révèle qu’il a déjà été condamné en 2008 pour recel d’images pornographiques, mais qu’il a pu continuer à exercer son métier.
L’Education nationale n’avait en effet jamais été informée de cette condamnation. Confrontées à la révélation de plusieurs cas similaires, les deux ministres décident de créer des outils pour que l’information circule mieux entre la Justice et l’Education. Elles vont notamment donner un cadre légal pour permettre un grand audit du personnel existant, et faire le ménage.
Création du cadre légal:
En 2015, la loi permet déjà, de façon très restreinte, de consulter le casier judiciaire pour des embauches dans la fonction publique, c’est-à-dire pour le « flux ». Mais impossible à ce stade de passer au crible le passé du « stock », les agents déjà en place. Pour mettre en place la grande enquête voulue par les ministres, il faut donc d’abord créer un cadre légal. En mai 2015, Christiane Taubira et Najat Vallaud-Belkacem présentent le projet de loi dite de Villefontaine et précisent qu’il fera l’objet d’une procédure accélérée, dès le 1er juin.
Le texte oblige la Justice à transmettre à l’administration concernée les condamnations des agents publics. Par ailleurs, ce grand audit de la situation dans l’Education nationale nécessite une autorisation de la Cnil, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, au titre du droit à la vie privée. Cette dernière émet d’ailleurs des recommandations pour limiter le nombre de personnes ayant accès aux casiers judiciaires des agents.
Deux ans de traitement
Validée par la Cnil et définie par un arrêté en janvier 2016, l’enquête du « stock » d’agents dure deux ans, pendant lesquels un dispositif inédit est mis en place pour permettre la transmission et le traitement d’environ un million de dossiers. Dans un premier temps, l’Education nationale établit la liste de son personnel travaillant auprès des mineurs. « Tous ceux qui sont rémunérés directement par le ministère », nous explique-t-on du côté du cabinet de Jean-Michel Blanquer. Autrement dit, cela exclut les prestataires.
A partir de cette liste d’un million de personnes, une vérification automatique, par informatique, est faite de chacun de leur « bulletin 2 » de casier judiciaire - celui qui contient la plupart des condamnations et décisions de justice hors contravention, déchéance d’autorité parentale ou encore condamnation avant majorité. Une recherche de chaque nom est également faite dans le FIJAISV (Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes). Seuls les dossiers comprenant des mentions de faits graves, dont ceux liés à des mineurs, ressortent de cette moulinette informatique. Ils sont isolés et traités par des vrais agents.
Mise à l’écart et radiations:
A ce stade, 98 % du million de dossiers ont été traités, nous précise le cabinet de Jean-Michel Blanquer. Les 2 % restants « sont des cas plus compliqués » qui nécessitent une recherche d’informations approfondie. Parmi les dossiers traités, 83 ont révélé une ou plusieurs condamnations pour faits graves, dont 26 pour des faits sur mineurs. « C’est-à-dire pour consultation ou détention d’images pédopornographiques, atteinte sexuelle sur mineurs ou violences sur mineurs », détaille le directeur général des ressources humaines Édouard Geffray. Avant même qu’une décision ne soit prise sur leur sort, « tous les agents dont le dossier contenait des condamnations liées aux mineurs ont été suspendus afin qu’ils ne soient plus en contact avec des enfants », insiste bien le DRH. Leur cas a ensuite été étudié au regard de la gravité des faits, de leur ancienneté et de leurs évaluations dans l’administration.
« La majorité a été radiée, c’est-à-dire totalement écartée et n’est plus payée, et une minorité sont encore en cours de procédure », précise Édouard Geffray. Tous les titulaires n’ont donc pas encore été radiés mais l’Education nationale a déjà mis fin aux contrats de tous les contractuels concernés.
Des référents Justice dans chaque académie
Pour faciliter la transmission des dossiers et le suivi du traitement, la coopération entre le ministère de la Justice et celui de l’Education a été renforcée à l’occasion de ce grand chantier. Un référent de justice a été affecté à chacune des 30 académies de l’Education nationale et des référents chargés de l’éducation ont été intégrés aux parquets. Ce système, qui permet également de signaler les élèves mis en cause dans des affaires judiciaires au-delà des agressions sexuelles, doit perdurer pour assurer le suivi de la transmission des dossiers dans le cadre de la loi lancée par Najat Vallaud-Belkacem et Christiane Taubira. Autrement dit, après l’analyse et le « nettoyage » du « stock », l’attention est portée sur un resserrement des filets pour le « flux ».
Signalement automatique des agents condamnés
Désormais en effet, la loi relative à l’information de l’administration par l’autorité judiciaire et à la protection des mineurs a permis de systématiser le signalement des condamnations des agents. « Par exemple, si un enseignant est inquiété dans une affaire de viol sur mineur, le parquet, qui a connaissance de sa profession, contacte immédiatement le référent de l’académie dont il dépend », détaille Édouard Geffray. S’il s’agit d’une affaire sexuelle ou sur mineur, l’agent est suspendu en attendant la décision de justice et une procédure disciplinaire est lancée. « Il n’a donc plus de contact avec les enfants en attendant d’être jugé », insiste encore le DRH de l’Education nationale, qui explique pourquoi ce principe a priori révolutionnaire n’a pas été mis en place avant : « La technique ne le permettait pas, certaines condamnations étant faites sur papier. Et cette fois, du personnel a été dédié à cette transmission. » Selon lui, les effets se font déjà sentir.
Source:Le Parisien.
« Notre exigence, c’est la protection des élèves mineurs et donc la fermeté absolue. » Ce vendredi, le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer, a ainsi justifié la mise à l’écart immédiate de 26 fonctionnaires d’établissements scolaires, enseignants, CPE ou agents de cantine, dont le ministère a été informé d’antécédents judiciaires liés à la pédophilie. Une intransigeance réclamée depuis des années par les parents d’élèves et qu’un immense travail de vérification des casiers judiciaires a enfin été rendu possible. Retour sur les rouages et les résultats de cette grande enquête avec Édouard Geffray, le directeur général des ressources humaines de l’Education nationale.
Le déclic de Villefontaine:
C’est après l’affaire dite de Villefontaine (Rhône-Alpes) que la ministre de l’Education Najat Vallaud-Belkacem et la ministre de la Justice Christiane Taubira ont annoncé ce grand chantier en 2015. Cette année-là, le directeur de l’école maternelle de cette banlieue de Lyon est mis en examen pour des viols sur ses très jeunes élèves. L’enquête révèle qu’il a déjà été condamné en 2008 pour recel d’images pornographiques, mais qu’il a pu continuer à exercer son métier.
L’Education nationale n’avait en effet jamais été informée de cette condamnation. Confrontées à la révélation de plusieurs cas similaires, les deux ministres décident de créer des outils pour que l’information circule mieux entre la Justice et l’Education. Elles vont notamment donner un cadre légal pour permettre un grand audit du personnel existant, et faire le ménage.
Création du cadre légal:
En 2015, la loi permet déjà, de façon très restreinte, de consulter le casier judiciaire pour des embauches dans la fonction publique, c’est-à-dire pour le « flux ». Mais impossible à ce stade de passer au crible le passé du « stock », les agents déjà en place. Pour mettre en place la grande enquête voulue par les ministres, il faut donc d’abord créer un cadre légal. En mai 2015, Christiane Taubira et Najat Vallaud-Belkacem présentent le projet de loi dite de Villefontaine et précisent qu’il fera l’objet d’une procédure accélérée, dès le 1er juin.
Le texte oblige la Justice à transmettre à l’administration concernée les condamnations des agents publics. Par ailleurs, ce grand audit de la situation dans l’Education nationale nécessite une autorisation de la Cnil, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, au titre du droit à la vie privée. Cette dernière émet d’ailleurs des recommandations pour limiter le nombre de personnes ayant accès aux casiers judiciaires des agents.
Deux ans de traitement
Validée par la Cnil et définie par un arrêté en janvier 2016, l’enquête du « stock » d’agents dure deux ans, pendant lesquels un dispositif inédit est mis en place pour permettre la transmission et le traitement d’environ un million de dossiers. Dans un premier temps, l’Education nationale établit la liste de son personnel travaillant auprès des mineurs. « Tous ceux qui sont rémunérés directement par le ministère », nous explique-t-on du côté du cabinet de Jean-Michel Blanquer. Autrement dit, cela exclut les prestataires.
A partir de cette liste d’un million de personnes, une vérification automatique, par informatique, est faite de chacun de leur « bulletin 2 » de casier judiciaire - celui qui contient la plupart des condamnations et décisions de justice hors contravention, déchéance d’autorité parentale ou encore condamnation avant majorité. Une recherche de chaque nom est également faite dans le FIJAISV (Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes). Seuls les dossiers comprenant des mentions de faits graves, dont ceux liés à des mineurs, ressortent de cette moulinette informatique. Ils sont isolés et traités par des vrais agents.
Mise à l’écart et radiations:
A ce stade, 98 % du million de dossiers ont été traités, nous précise le cabinet de Jean-Michel Blanquer. Les 2 % restants « sont des cas plus compliqués » qui nécessitent une recherche d’informations approfondie. Parmi les dossiers traités, 83 ont révélé une ou plusieurs condamnations pour faits graves, dont 26 pour des faits sur mineurs. « C’est-à-dire pour consultation ou détention d’images pédopornographiques, atteinte sexuelle sur mineurs ou violences sur mineurs », détaille le directeur général des ressources humaines Édouard Geffray. Avant même qu’une décision ne soit prise sur leur sort, « tous les agents dont le dossier contenait des condamnations liées aux mineurs ont été suspendus afin qu’ils ne soient plus en contact avec des enfants », insiste bien le DRH. Leur cas a ensuite été étudié au regard de la gravité des faits, de leur ancienneté et de leurs évaluations dans l’administration.
« La majorité a été radiée, c’est-à-dire totalement écartée et n’est plus payée, et une minorité sont encore en cours de procédure », précise Édouard Geffray. Tous les titulaires n’ont donc pas encore été radiés mais l’Education nationale a déjà mis fin aux contrats de tous les contractuels concernés.
Des référents Justice dans chaque académie
Pour faciliter la transmission des dossiers et le suivi du traitement, la coopération entre le ministère de la Justice et celui de l’Education a été renforcée à l’occasion de ce grand chantier. Un référent de justice a été affecté à chacune des 30 académies de l’Education nationale et des référents chargés de l’éducation ont été intégrés aux parquets. Ce système, qui permet également de signaler les élèves mis en cause dans des affaires judiciaires au-delà des agressions sexuelles, doit perdurer pour assurer le suivi de la transmission des dossiers dans le cadre de la loi lancée par Najat Vallaud-Belkacem et Christiane Taubira. Autrement dit, après l’analyse et le « nettoyage » du « stock », l’attention est portée sur un resserrement des filets pour le « flux ».
Signalement automatique des agents condamnés
Désormais en effet, la loi relative à l’information de l’administration par l’autorité judiciaire et à la protection des mineurs a permis de systématiser le signalement des condamnations des agents. « Par exemple, si un enseignant est inquiété dans une affaire de viol sur mineur, le parquet, qui a connaissance de sa profession, contacte immédiatement le référent de l’académie dont il dépend », détaille Édouard Geffray. S’il s’agit d’une affaire sexuelle ou sur mineur, l’agent est suspendu en attendant la décision de justice et une procédure disciplinaire est lancée. « Il n’a donc plus de contact avec les enfants en attendant d’être jugé », insiste encore le DRH de l’Education nationale, qui explique pourquoi ce principe a priori révolutionnaire n’a pas été mis en place avant : « La technique ne le permettait pas, certaines condamnations étant faites sur papier. Et cette fois, du personnel a été dédié à cette transmission. » Selon lui, les effets se font déjà sentir.
Source:Le Parisien.