Aux puces de Saint-Ouen,les dealeurs font payer "leur" parking.
Posté : 03 août 2020 12:11
Depuis plusieurs semaines, un parking sauvage et payant a été créé à deux pas de l’entrée des marchés, dans la cité des Boute-en-Train (Seine-Saint-Denis). Le stationnement coûte 10 euros.
Les inscriptions des dealers dirigeant les visiteurs vers le parking sauvage ont été effacées à la demande de la ville.
https://www.leparisien.fr/faits-divers/ ... 362578.php
Les inscriptions des dealers dirigeant les visiteurs vers le parking sauvage ont été effacées à la demande de la ville.
Source:Le Parisien.
A l'entrée de la rue des Rosiers, l'emblématique artère des puces de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), de grandes flèches peintes au sol et sur des panneaux de signalisation souhaitaient la bienvenue au visiteur, en anglais dans le texte :
« Welcolm ! (sic) ». Les inscriptions ont été effacées en toute fin de semaine par la ville. Elles guidaient les touristes vers un parking où l'on peut se garer pour la modique somme de « 10 euros pour 12 heures » dans l'un des quartiers les plus touristiques du Grand Paris.
Un tarif qui était marqué à la main sur une camionnette, au bout d'une ruelle menant aux deux tours de la cité des Boute-en-Train, enclavées dans les marchés d'antiquaires et connue pour être un haut lieu du trafic de stupéfiants dans la commune.
Si le fléchage a disparu, l'aire de stationnement existe toujours. Derrière les poubelles alignées en guise de rempart, ce parking sauvage payant a été aménagé tout récemment sur les espaces extérieurs de la cité. « Après le confinement », disent certains puciers. « Il y a trois semaines », estiment d'autres marchands.
La zone de stationnement illégale est également accessible depuis la rue Paul-Bert, par une autre allée. Poubelles et encombrants jetés en vrac en défendent aussi l'entrée, remplaçant les barrières privatives volontairement cassées ces dernières années. A l'ombre des arbres, de jeunes gens du quartier s'apprêtent à manger dehors sur des tables et chaises de jardin.
«Ok, mais les 10 euros, on les donne à qui ?»:
« Vous voulez quoi ? », demande l'un d'eux à des passants qui s'avancent dans la cité pour rattraper la rue des Rosiers.
....« Rien, on n'est pas là pour acheter du shit, on veut juste couper et aller de l'autre côté, parce qu'on s'est garés très loin, il n'y a pas de places. Et d'ailleurs, on peut stationner ici ? »
Le jeune homme répond aussitôt : « Vous ne pouvez pas passer par là, ce n'est pas possible. Mais si vous voulez y mettre votre voiture, c'est 10 euros. »
....Petite hésitation, puis relance : « Ok, mais les 10 euros, on les donne à qui ? »
Réponse du jeune homme : « A moi. »
....Nouveau temps de réflexion et nouvelles questions : « Et pour 10 euros, on peut rester combien de temps ? Qui nous dit que le véhicule ne sera pas vandalisé ? »
Là encore, l'interlocuteur est rassurant : « Autant de temps que vous voulez et il n'y aura aucun problème. »
Le « patron » du parking reste ferme, il n'est en revanche pas possible de traverser ou d'entrer à pied. Pour ressortir, il renvoie les passants vers une sente piétonne surveillée par un guetteur affalé dans un siège.
Dans les couloirs de l'hôtel de ville, il ne fait aucun doute que ce sont « des trafiquants des Boute-en-Train » qui assurent la surveillance de ce parking illégal. Le dossier est arrivé sur la table du nouveau maire (PS), Karim Bouamrane, qui l'a abordé lors du dernier conseil municipal, le 27 juillet. Son objectif :
« Mieux prévenir l'occupation de l'espace public », explique l'édile, qui a rencontré le lendemain le responsable de la Semiso, le bailleur assurant la gestion des logements de la cité.
« Plusieurs mesures sont lancées par la ville pour régler ce problème, précise son 2e adjoint, Adel Ziane, délégué notamment à l'Aménagement. D'abord, le nettoyage de toutes les inscriptions mentionnant la présence d'un parking sauvage. Ensuite, la mise en place d'un gardiennage, avec la présence d'un agent de sécurité en journée, les samedis et dimanches. » L'élu annonce également un « renforcement des patrouilles de police nationale et de police municipale », à la demande de la ville.
«Cette cité, c'est un vrai fléau»:
Difficile d'évaluer l'attractivité de ce parking auprès des visiteurs des Puces, tant l'enclave est rendue peu engageante par les dealers. Même si l'idée, improbable, peut faire écho dans ce secteur où les touristes et professionnels se pressent par milliers, et où trouver une place de stationnement relève de l'exploit.
En tout cas, elle exaspère les antiquaires qui sont près de 1200 à travailler au sein des différents marchés. « C'est une confiscation de l'espace commun puisque des habitants font payer et se mettent l'argent dans la poche », juge un pucier.
D'autres installés au marché Dauphine s'indignent : « C'est scandaleux. Personne parmi nous n'y va. Cette cité, c'est un vrai fléau. » Et il est vrai que ces cinq dernières années, les « Boute » se sont considérablement dégradés. L'ancienne municipalité (UDI) ne souhaitait plus relouer les logements laissés libres par les locataires.
« Il n'y aura pas de relogement aux Boute-en-Train. Les conditions ne sont pas réunies pour assurer une qualité de vie décente aux habitants », annonçait l'ancien maire William Delannoy en 2018.
Du quartier s'échappe une impression de grand abandon. Les seules présences visibles sont celles des guetteurs. Une manne pour les trafiquants qui ont verrouillé les lieux. « C'est un territoire de deal ! » s'exclame d'ailleurs avec agressivité un homme au passant qui serait trop curieux.
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