Vroum Vroum toujours bien ancré dans les burnes et les petites cervelles! Le monde a changé et va encore changer ...en pire, et eux ils la jouent toujours à la Bullitt année 60.
C'est pas gagné. Vive la Suède
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2. Des gains d’efficacité significatifs et des économies pour les automobilistes
L’impact direct d’un ralentissement de la vitesse sur autoroute de 130 à 110 km/h correspond à une économie de carburants de 16 % par kilomètre parcouru.
Ces gains d’efficacité sont particulièrement importants en comparaison des gains de l’ordre de 1 %/an obtenus ces dernières années par le renouvellement progressif du parc automobile.
Comme la mesure n’a pas toujours bonne presse auprès d’une partie des automobilistes, on en oublierait presque qu’elle leur permet de faire des économies ! Et que ces 16 % de gains pour les portions et automobilistes qui passeraient de 130 à 110 km/h, sont loin d’être négligeables pour des trajets de longue distance.
Contrairement à un certain nombre d’autres mesures qui visent à réduire la place de la voiture ou ses impacts environnementaux (taxe carbone, péages, coût du stationnement, etc.), la mesure permet de réduire le coût de la mobilité pour les usagers de la voiture et ne risque donc pas de créer de précarité énergétique dans sa mise en œuvre.
3. Des incitations à réduire les kilomètres en voiture
Au-delà des impacts directs de la mesure sur l’efficacité énergétique, il y a également des effets indirects positifs sur d’autres leviers de décarbonation. A commencer par la modération de la demande de transport et le report modal.
Historiquement, nous n’avons pas profité de l’accélération des mobilités pour réduire nos temps de déplacement, mais plutôt pour aller plus loin. L’inverse est également vrai : si on ralentit les mobilités, cela fournit une incitation à limiter les distances parcourues.
Ce phénomène a déjà été observé, puisque la mise en place des radars à partir de 2003 a eu un impact probablement très significatif dans la réduction des trafics en voiture sur cette période [3].
Historiquement en France, l’évolution des vitesses a fortement conditionné les distances parcourues, qui sont elles-mêmes influencé les émissions Historiquement en France, l’évolution des vitesses a fortement conditionné les distances parcourues, qui ont elles-mêmes influencé les émissions (thèse, voir page 223)
Aussi, en réduisant la vitesse de la voiture, cela donne une incitation au report modal vers le train ou l’autocar (limité à 100 km/h), dont il est en comparaison très coûteux ou très difficile d’augmenter la vitesse commerciale. Bien sûr, il est important en parallèle de limiter aussi le trafic aérien pour éviter que le report se fasse sur ce mode.
4. Le ralentissement à 110 km/h encourage les véhicules plus sobres
Si la réduction des vitesses a des effets directs sur les consommations énergétiques des véhicules, elle pourrait avoir également des effets indirects positifs à l’avenir, en incitant à la sobriété des véhicules.
En effet, la vitesse alimente certains cercles vicieux jouant sur la hausse du poids des véhicules. Notamment parce que la vitesse demande des puissances plus importantes des moteurs, entraînant le poids de ces moteurs à la hausse. Aussi les vitesses plus élevées nécessitent des protections et des équipements de sécurité plus importants. Ces hausses de poids peuvent jouer sur le volume des véhicules et limiter leur aérodynamisme, limitant l’efficacité énergétique des véhicules. Voilà de quoi nécessiter des moteurs plus puissants, alimentant à nouveau les cercles vicieux précédents.
Représentation schématique des cercles vicieux alimentant les hausses de vitesse, de puissance et de poids des véhicules
Une limitation à 110 km/h en France permettrait au contraire de faciliter des cercles vertueux dans le sens inverse, encourageant à produire et vendre des véhicules plus sobres en termes de poids, de puissance et de vitesse maximale. Ce serait d’autant plus le cas si la limitation des vitesses était portée au niveau européen, en intégrant des incitations à la sobriété ou des normes (comme la vitesse maximale des véhicules, pourquoi vendre des voitures qui peuvent rouler à 176 km/h ?) dans les réglementations européennes sur les véhicules neufs.
5. C’est aussi pertinent pour les véhicules électriques
On pourrait penser que l’intérêt est moindre pour les véhicules électriques, moins émetteurs de CO2 à l’usage. Et pourtant, les baisses de consommations d’énergie d’un passage de 130 à 110 km/h sont de 24 % pour les voitures électriques, davantage encore que pour le parc actuel de véhicules thermiques (-16 %). Aussi certains cercles vertueux liés à la réduction de la vitesse, tels qu’évoqués ci-dessus, sont également valables pour les véhicules électriques. Et les baisses de consommations d’énergie peuvent être avantageuses par deux moyens.
Option 1 : à capacité de batterie équivalente, elles peuvent permettre d’augmenter l’autonomie et le nombre de kilomètres parcourus sans recharge. Au passage, les moindres arrêts pour recharger le véhicule sur les longs trajets permettront éventuellement d’éviter des temps de recharge, mettant en évidence un arbitrage entre vitesse de circulation et temps de pause pour limiter le temps de parcours total.
Option 2 : pour conserver une même distance d’autonomie, le véhicule peut se contenter d’une batterie plus petite. Étant donné qu’une partie importante des coûts environnementaux et financiers des véhicules électriques se situent sur la batterie, c’est un potentiel intéressant pour faciliter un développement vertueux de l’électrique.
6. Le 110 km/h a des co-bénéfices sur d’autres externalités des transports
La réduction de vitesse a aussi des avantages sur d’autres externalités (ou impacts) des transports.
Il s’agit en particulier de la réduction de la pollution atmosphérique et de la pollution sonore, cette dernière étant essentiellement le fait des bruits aérodynamiques pour de telles vitesses. Il s’agit aussi de la réduction de la congestion, car on rejoint et renforce d’autant plus une zone congestionnée que la vitesse pour la rejoindre est importante.
Un autre avantage auquel on peut penser concerne l’accidentologie, bien que les autoroutes ne soient pas les routes les plus accidentogènes. Aussi cette baisse s’inscrit dans un mouvement global de baisse de vitesse sur les routes, dont le 30 km/h en agglomération (qui pourrait être renforcé actuellement pour sécuriser les modes actifs) ou le récent passage à 80 km/h hors agglomération, limitation d’autant plus facile à respecter en sortant d’autoroutes à 110 qu’à 130 km/h.
Si certains de ces avantages sur les autoroutes peuvent être en partie compensés par des impacts légèrement supérieurs sur d’autres réseaux par des reports d’itinéraires, ça ne serait pas de nature à les annuler au global.
7. Une mesure plus acceptable que le 80 km/h ?
Passons désormais aux principales objections qui sont opposées au 110 km/h et à son acceptabilité.
En comparaison à la mesure des 80 km/h sur les routes hors agglomérations (à double-sens, sans séparateur central, pour être précis), le 110 km/h sur les autoroutes concerne beaucoup moins les trajets du quotidien, ou en tous cas c’est le cas pour une fraction de la population bien plus faible.
Aussi les autoroutes sont davantage utilisées pour des trajets de longue distance, de vacances ou loisirs, plus exceptionnels et donc moins structurants dans la vie quotidienne. Enfin, on sait que ces trajets de longue distance sont bien plus importants chez les personnes les plus aisées, ainsi la mesure s’appliquera essentiellement pour ces ménages, évitant ainsi les accusations d’injustice sociale.
Voilà qui peut faciliter l’acceptabilité du 110 km/h, et qui avait probablement poussé la Convention Citoyenne pour le Climat à finalement retenir cette proposition après d’intenses débats, à peine deux ans après la mise en œuvre du 80 km/h.
8. Le contexte de crise rend la mesure plus acceptable
Malgré les éléments ci-dessus, l’acceptabilité de la mesure était ces dernières années assez limitée, probablement en partie par des doutes sur ses avantages environnementaux. Fin 2021, le baromètre de l’ADEME montrait que 42 % de la population la considérait souhaitable.
Mais le contexte de la guerre en Ukraine, l’urgence qui en découle à réduire nos consommations rapidement ainsi que la hausse des prix du pétrole changent assurément la donne, rendant ce genre d’effort plus acceptable. Ce n’est d’ailleurs pas étonnant si les limitations de vitesse de 90, 110 et 130 km/h sur les routes françaises ont été mises en place suite au 1er choc pétrolier.
110km/h sur l’autoroute : on y pensait déjà en 1979 !
De la même manière aujourd’hui, il y a urgence à mettre en œuvre toutes les mesures qui permettent de réduire les consommations de pétrole, en particulier celles qui ont des effets à court terme.
Aussi il faut que ces mesures s’appliquent à l’ensemble de la population et non pas aux seuls ménages les moins fortunés qui s’appliqueront probablement pour partie déjà la baisse de vitesse, une des principales stratégies lors des hausses de prix des carburants, sans remise en cause forte des comportements (comme exprimé en 2008).
9. Des effets négatifs faibles sur les pratiques de mobilité
Ce qui précède indique que le ralentissement des vitesses ou encore l’écoconduite peut naturellement faire partie des stratégies d’adaptation face à des prix du pétrole en hausse, car elles impliquent des changements de comportements de mobilité limités, pour toutes les personnes qui n’ont pas la possibilité de sortir de manière plus forte de la dépendance au pétrole (en télétravaillant, en utilisant le vélo, les transports en commun, ou encore en passant au véhicule électrique).
Si l’effet le plus évident et le plus fort concerne l’allongement des temps de parcours, les impacts deviennent significatifs seulement pour des trajets de plusieurs centaines de kilomètres, qui sont des trajets relativement rares (les déplacements de plus de 80 km sont estimés à 1,6 % des déplacements en voiture seulement).
Aussi, si l’effet théorique est un surplus de temps de transport de 18 % pour une distance donnée (ou +8 à 9 minutes pour 100 km), les temps de trajet sont en réalité bien moins impactés, d’autant plus si la partie hors autoroute est élevée, mais aussi parce que la vitesse actuellement pratiquée sur autoroute est de 118 km/h en moyenne, que cela fluidifie la circulation, que les longs trajets sont aussi marqués par des pauses, des ralentissements, etc. Les tests en condition réelle ont tendance à confirmer ces impacts bien moindres qu’escompté sur les temps de parcours.
10. De nombreux pays sous les 130 km/h
Si l’évocation des limitations de vitesse dans d’autres pays amène généralement à rappeler le cas particulier de l’Allemagne et ses autoroutes sans limitation de vitesse, il s’agit en réalité que d’une partie du réseau, et les pays qui sont au-dessus de 130 km/h font plutôt exception (seules la Bulgarie et la Pologne dans l’UE, qui sont à 140 km/h).
Si de nombreux pays d’Europe centrale limitent aussi leurs autoroutes à 130 km/h, 9 pays se situent en-dessous, parmi lesquels on peut citer la Belgique, l’Espagne ou le Portugal où les réseaux sont limités à 120 km/h, le Royaume-Uni à 113 km/h (70 mph), auxquels on peut ajouter le cas des Pays-Bas qui ont récemment passé leur vitesse de 130 à 100 km/h en journée, pour des raisons climatiques. Plus étonnant encore, les vitesses sur les autoroutes sont aussi plus faibles aux Etats-Unis, généralement entre 105 et 121 km/h (65-75 mph) avec cependant des différences importantes selon les Etats notamment.
Les limitations de vitesse sur autoroute dans l’UE et au Royaume-Uni (Alternatives économiques)
Les disparités en Europe pourraient aussi encourager à discuter de la réduction de la vitesse maximale sur autoroutes au niveau européen. Cela permettrait de maximiser les potentiels de réduction de consommation, à un moment où c’est toute l’Europe qui est menacée par les conséquences de sa dépendance au pétrole et fait face au défi commun de se séparer du pétrole russe.
Le mot de la fin
Le 110 km/h sur autoroutes ne fera pas tout dans la période actuelle [4], qui demande des actions fortes et des efforts conséquents de tous pour réduire les consommations de pétrole.
Mais à court terme, cela reste probablement la meilleure (ou la moins mauvaise) option pour réduire de manière significative les consommations de pétrole, tout en ayant d’autres impacts positifs, à court et long termes. S’en priver dans une telle période serait incompréhensible.
Et à ceux qui seraient tentés de s’accrocher à tout prix à cette “liberté” de rouler à 130 km/h sur autoroute : pensez juste à comparer l’effort que cette évolution (parmi de nombreuses autres à mettre en œuvre) représente, par rapport aux risques qui pèsent sur nos libertés si l’on n’est pas à la hauteur des défis géopolitiques actuels ou du changement climatique…
Texte d’Aurélien Bigo, chercheur sur la transition énergétique des transports
Notes et compléments
De nombreux éléments et réflexions dans cet article font référence au travail de thèse Les transports face au défi de la transition énergétique. Explorations entre passé et avenir, technologie et sobriété, accélération et ralentissement : notamment sur les leviers de décarbonation (chapitre 1 et 2), leurs avantages et inconvénients (chapitre 4) ; et sur la vitesse des mobilités et ses implications, qui est l’objet du chapitre 3 (pages 142-221).
Références
Références ↑1 La réduction de vitesse est 1er levier cité dans la liste de 10 recommandations et le second en termes de potentiel (430 milliers de barils par jour, dont 290 pour les voitures et 130 pour les poids lourds), juste derrière une proposition qui inclut le covoiturage et d’autres pratiques telles que la réduction de la climatisation et un meilleur gonflage des pneus (470 milliers de barils en cumulé).
↑2 Les 5 leviers de transition énergétique des transports cités par la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) française sont : la modération de la demande de transport, le report modal, l’amélioration du remplissage des véhicules, de l’efficacité énergétique, et la décarbonation de l’énergie. Il existe souvent des inerties importantes pour avoir des baisses significatives des consommations de pétrole par la sollicitation de ces leviers, qui sont également étudiés dans leur contribution passée et d’ici 2050 dans la thèse en lien ci-dessus (sur la rapidité de mise en œuvre : voir Tableau 21, page 241).
↑3 Comme la vitesse et les temps de parcours sont un déterminant majeur des comportements de mobilité, le ralentissement permet de limiter l’éventuel effet rebond de la mesure sur les kilomètres parcourus, que l’on pourrait attendre en raison des économies réalisées. C’est d’autant plus le cas dans un contexte où le prix des carburants est haut et limite ainsi ce risque d’effet rebond.
↑4 L’évaluation de l’impact de la mesure des 110 km/h est difficile, car elle fait intervenir de nombreux facteurs directs et indirects, et dépend de l’adaptation des comportements, ce qui est compliqué à anticiper. Pour ne pas se risquer à de telles hypothèses, seuls les effets directs et indirects ont été cités dans cet article, sans y associer de chiffrage précis. Pour information, des évaluations ont estimé des gains de l’ordre de 1,5 et 2 MtCO2, soit l’équivalent d’environ 2 % des émissions des voitures et des véhicules utilitaires légers en 2019, un potentiel cependant sous-estimé car ne prenant pas en compte un grand nombre d’effets positifs indirects évoqués dans cet article. De nombreuses autres mesures devront bien sûr être mises en place pour être à la hauteur des enjeux climatiques et se séparer du pétrole russe, qui représente de l’ordre de 10 à 20 % des importations françaises et 30 % au niveau européen.