Congé menstruel : ce qui pourrait changer avec les propositions de loi portées par la gauche
Posté : 27 mai 2023 10:27
De nombreux députés de gauche se mobilisent pour porter des textes en faveur de la mise en œuvre d’un congé menstruel. Celui-ci permettrait aux femmes d’être indemnisées par l’Assurance maladie en cas de règles qui rendent impossible le maintien de leur activité professionnelle.
Ils en parlaient depuis février, le PS les a devancés. Les députés Sébastien Peytavie (Génération. s), Sandrine Rousseau (EELV) et Marie-Charlotte Garin (EELV) ont présenté ce vendredi une proposition de loi visant à instaurer un congé menstruel pour les salariées en France, seize jours après que les députés socialistes ont déposé un texte similaire. On fait le point sur ce que contiennent les deux propositions.
Des textes qui prévoient un arrêt maladie de 13 jours par an
Ces propositions de loi se retrouvent autour d’une mesure principale : l’instauration pour les salariées et les agentes de la fonction publique d’un congé menstruel de 13 jours par an, sous la forme d’un certificat médical délivré par un professionnel de santé ouvrant le droit à un arrêt de travail. L’arrêt permet aux personnes concernées d’être indemnisées sans délai de carence et la consultation qui donne lieu à sa délivrance est intégralement prise en charge par l’Assurance maladie, prévoient les deux textes.
Dans le détail, la proposition du PS prévoit que le congé ne pourra pas excéder deux jours par mois. Celle des députés Génération. s et EELV permet aux bénéficiaires d’en disposer en fonction de leurs besoins, et l’arrêt de travail pourra être renouvelé une fois par an à titre exceptionnel, « dans les cas les plus graves ».
En cas de douleurs liées aux menstruations, les salariées pourront également demander à être en télétravail les jours concernés, proposent les deux textes, sans que cela ne vienne altérer leur droit à prendre un congé menstruel par ailleurs, si elles ne sont pas en capacité de travailler.
Enfin, socialistes et écologistes incluent la santé menstruelle et les questions inhérentes en tant qu’objet de négociation collective pour les entreprises et les branches sectorielles. En clair, il sera possible de prévoir dans des conventions collectives des conditions d’application du congé menstruel plus favorables que celles prévues par loi.
Pas question pour les deux camps de gauche de se faire la guerre : « Il n’y a absolument pas de concurrence entre nous, on a échangé en toute transparence. La proposition de loi qui trouvera chemin sera soutenue par l’autre groupe », assure au Parisien Sébastien Peytavie, député de la 4e circonscription de Dordogne.
Des arrêts en ligne, sur le modèle du Covid-19
La proposition de loi portée par le député Sébastien Peytavie et l’ensemble du groupe écologiste se veut « ambitieuse, applicable et réaliste », assure-t-il. Car pour respecter le secret médical en cas de recours au congé menstruel, il fallait débloquer le problème de l’anonymat : « Dans une grande entreprise, les ressources humaines s’occupent de poser le jour, et votre patron ou vos collègues ne connaissent pas les raisons de votre absence. Dans une petite entreprise où le patron est aussi DRH, c’est plus compliqué », explique le député Génération.s.
Ainsi, le congé menstruel fonctionnerait sur le même modèle auprès de la Sécurité sociale que lors du Covid-19 : lorsqu’une personne avait un test positif, elle pouvait générer en ligne sur Ameli un arrêt de travail. Le même système serait appliqué pour le congé menstruel, après l’octroi du certificat médical ouvrant le droit à 13 jours d’arrêt annuels. En cas de nécessité, les personnes concernées pourraient alors générer et transmettre l’arrêt à leur employeur.
Au-delà de « sensibiliser sur la question », le texte qu’il porte vise également à prémunir les femmes de toute discrimination liée à leur situation menstruelle, « que ce soit notamment en matière de recrutement, formation, rémunération ou d’évolution de carrière ».
L’article 7 de la proposition de loi intègre notamment « la santé menstruelle et gynécologique dans les prérogatives d’action de la médecine du travail via l’accompagnement, l’orientation et le suivi médical des personnes salariées et agentes publiques », mais aussi « l’aide à l’aménagement de leur poste de travail ».
Le PS demande cinq jours de congé en cas de fausse couche
La proposition de loi portée par le Parti socialiste prévoit en outre cinq jours de congé en cas d’interruption spontanée de grossesse (fausse couche), sans jour de carence pour les salariées, mais aussi leur conjoint.
Une mesure que n’a pas souhaité reprendre Sébastien Peytavie aux côtés de Sandrine Rousseau et Marie-Charlotte Garin : cette dernière avait déjà porté un texte sur le sujet, qui n’avait pas rencontré l’adhésion de la majorité. « Là, on essaie d’ouvrir un chemin », résume Sébastien Peytavie, soulignant que les questions autour de la ménopause et de l’IVG font aussi partie des préoccupations des députés.
Une mesure déjà mise en place dans des villes et des entreprises
Ces propositions de loi arrivent devant l’Assemblée nationale alors que le sujet semble de plus en plus prégnant pour les entreprises et les collectivités. Après que des sociétés ont sauté le pas dès 2021, de grands groupes ou structures s’y mettent également, comme le Parti socialiste ou la ville de Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis. Du côté de la Ville de Paris, Anne Hidalgo a demandé en avril l’autorisation à Élisabeth Borne de mettre en place une mesure similaire.
Quelques jours plus tôt, c’est l’enseigne Carrefour qui avait à son tour annoncé dans nos colonnes un plan de prise en charge de la santé menstruelle des salariées, avec douze jours de congé annuels en cas d’endométriose, trois en cas de fausse couche et un en cas de PMA.
« Je ne pensais pas que la société s’emparerait du sujet aussi facilement », reconnaît Sébastien Peytavie, qui a rencontré jeudi soir Franck Riester, ministre des Relations avec le Parlement. D’autres rencontres avec l’exécutif doivent intervenir dans les prochaines semaines, assure l’entourage du député.
Les députés de la majorité présidentielle vont aussi discuter bientôt du texte. « Je fais inscrire ce sujet en débat dans notre réunion de groupe », indique Aurore Bergé, la présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale. « Je veux qu’on prenne une décision collégiale sur ce type de sujet pour apporter la bonne réponse, poursuit-elle. Soutien aux entreprises ? Mobilisation surtout sur la recherche de l’endométriose ? Congés supplémentaires ? etc. »
Si l’une des deux propositions de loi était adoptée, la France ne serait cependant pas le premier pays à légiférer sur le congé menstruel. De l’autre côté des Pyrénées, les députés espagnols ont adopté mi-février une loi en ce sens, une première en Europe. De nombreux pays comme la Corée du Sud, l’Indonésie ou la Zambie disposent de mesures similaires, tout comme le Japon, pionnier en la matière puisque la loi y existe depuis 1947… mais prévoit un congé sans solde.
https://www.leparisien.fr/politique/con ... 20conjoint.
Ils en parlaient depuis février, le PS les a devancés. Les députés Sébastien Peytavie (Génération. s), Sandrine Rousseau (EELV) et Marie-Charlotte Garin (EELV) ont présenté ce vendredi une proposition de loi visant à instaurer un congé menstruel pour les salariées en France, seize jours après que les députés socialistes ont déposé un texte similaire. On fait le point sur ce que contiennent les deux propositions.
Des textes qui prévoient un arrêt maladie de 13 jours par an
Ces propositions de loi se retrouvent autour d’une mesure principale : l’instauration pour les salariées et les agentes de la fonction publique d’un congé menstruel de 13 jours par an, sous la forme d’un certificat médical délivré par un professionnel de santé ouvrant le droit à un arrêt de travail. L’arrêt permet aux personnes concernées d’être indemnisées sans délai de carence et la consultation qui donne lieu à sa délivrance est intégralement prise en charge par l’Assurance maladie, prévoient les deux textes.
Dans le détail, la proposition du PS prévoit que le congé ne pourra pas excéder deux jours par mois. Celle des députés Génération. s et EELV permet aux bénéficiaires d’en disposer en fonction de leurs besoins, et l’arrêt de travail pourra être renouvelé une fois par an à titre exceptionnel, « dans les cas les plus graves ».
En cas de douleurs liées aux menstruations, les salariées pourront également demander à être en télétravail les jours concernés, proposent les deux textes, sans que cela ne vienne altérer leur droit à prendre un congé menstruel par ailleurs, si elles ne sont pas en capacité de travailler.
Enfin, socialistes et écologistes incluent la santé menstruelle et les questions inhérentes en tant qu’objet de négociation collective pour les entreprises et les branches sectorielles. En clair, il sera possible de prévoir dans des conventions collectives des conditions d’application du congé menstruel plus favorables que celles prévues par loi.
Pas question pour les deux camps de gauche de se faire la guerre : « Il n’y a absolument pas de concurrence entre nous, on a échangé en toute transparence. La proposition de loi qui trouvera chemin sera soutenue par l’autre groupe », assure au Parisien Sébastien Peytavie, député de la 4e circonscription de Dordogne.
Des arrêts en ligne, sur le modèle du Covid-19
La proposition de loi portée par le député Sébastien Peytavie et l’ensemble du groupe écologiste se veut « ambitieuse, applicable et réaliste », assure-t-il. Car pour respecter le secret médical en cas de recours au congé menstruel, il fallait débloquer le problème de l’anonymat : « Dans une grande entreprise, les ressources humaines s’occupent de poser le jour, et votre patron ou vos collègues ne connaissent pas les raisons de votre absence. Dans une petite entreprise où le patron est aussi DRH, c’est plus compliqué », explique le député Génération.s.
Ainsi, le congé menstruel fonctionnerait sur le même modèle auprès de la Sécurité sociale que lors du Covid-19 : lorsqu’une personne avait un test positif, elle pouvait générer en ligne sur Ameli un arrêt de travail. Le même système serait appliqué pour le congé menstruel, après l’octroi du certificat médical ouvrant le droit à 13 jours d’arrêt annuels. En cas de nécessité, les personnes concernées pourraient alors générer et transmettre l’arrêt à leur employeur.
Au-delà de « sensibiliser sur la question », le texte qu’il porte vise également à prémunir les femmes de toute discrimination liée à leur situation menstruelle, « que ce soit notamment en matière de recrutement, formation, rémunération ou d’évolution de carrière ».
L’article 7 de la proposition de loi intègre notamment « la santé menstruelle et gynécologique dans les prérogatives d’action de la médecine du travail via l’accompagnement, l’orientation et le suivi médical des personnes salariées et agentes publiques », mais aussi « l’aide à l’aménagement de leur poste de travail ».
Le PS demande cinq jours de congé en cas de fausse couche
La proposition de loi portée par le Parti socialiste prévoit en outre cinq jours de congé en cas d’interruption spontanée de grossesse (fausse couche), sans jour de carence pour les salariées, mais aussi leur conjoint.
Une mesure que n’a pas souhaité reprendre Sébastien Peytavie aux côtés de Sandrine Rousseau et Marie-Charlotte Garin : cette dernière avait déjà porté un texte sur le sujet, qui n’avait pas rencontré l’adhésion de la majorité. « Là, on essaie d’ouvrir un chemin », résume Sébastien Peytavie, soulignant que les questions autour de la ménopause et de l’IVG font aussi partie des préoccupations des députés.
Une mesure déjà mise en place dans des villes et des entreprises
Ces propositions de loi arrivent devant l’Assemblée nationale alors que le sujet semble de plus en plus prégnant pour les entreprises et les collectivités. Après que des sociétés ont sauté le pas dès 2021, de grands groupes ou structures s’y mettent également, comme le Parti socialiste ou la ville de Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis. Du côté de la Ville de Paris, Anne Hidalgo a demandé en avril l’autorisation à Élisabeth Borne de mettre en place une mesure similaire.
Quelques jours plus tôt, c’est l’enseigne Carrefour qui avait à son tour annoncé dans nos colonnes un plan de prise en charge de la santé menstruelle des salariées, avec douze jours de congé annuels en cas d’endométriose, trois en cas de fausse couche et un en cas de PMA.
« Je ne pensais pas que la société s’emparerait du sujet aussi facilement », reconnaît Sébastien Peytavie, qui a rencontré jeudi soir Franck Riester, ministre des Relations avec le Parlement. D’autres rencontres avec l’exécutif doivent intervenir dans les prochaines semaines, assure l’entourage du député.
Les députés de la majorité présidentielle vont aussi discuter bientôt du texte. « Je fais inscrire ce sujet en débat dans notre réunion de groupe », indique Aurore Bergé, la présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale. « Je veux qu’on prenne une décision collégiale sur ce type de sujet pour apporter la bonne réponse, poursuit-elle. Soutien aux entreprises ? Mobilisation surtout sur la recherche de l’endométriose ? Congés supplémentaires ? etc. »
Si l’une des deux propositions de loi était adoptée, la France ne serait cependant pas le premier pays à légiférer sur le congé menstruel. De l’autre côté des Pyrénées, les députés espagnols ont adopté mi-février une loi en ce sens, une première en Europe. De nombreux pays comme la Corée du Sud, l’Indonésie ou la Zambie disposent de mesures similaires, tout comme le Japon, pionnier en la matière puisque la loi y existe depuis 1947… mais prévoit un congé sans solde.
https://www.leparisien.fr/politique/con ... 20conjoint.