"Ma vie a été fracassée par ce séjour aux Béatitudes" : le récit glaçant d'une ancienne membre de cette communauté catho
Posté : 26 octobre 2023 16:07
""Ma vie a été fracassée par ce séjour aux Béatitudes" : le récit glaçant d'une ancienne membre de cette communauté catholique"
Pendant trois ans, Myriam Remy a fait partie - avec sa famille - de la communauté des Béatitudes de Saint Luc, installée dans le village de Cuq (Tarn). Elle sort brisée de cette expérience, après avoir subi une emprise psychologique et perdu toutes ses économies. Cette ancienne infirmière a créé un collectif pour recueillir la parole et aider d'autres victimes de cette communauté catholique créée en 1973.
"Ma vie a été fracassée par ce séjour aux Béatitudes". Les mots de Myriam Remy sont glaçants. Au fil de son récit, on réalise l'ampleur des dégâts, les conséquences d'un choix de vie qui a tourné au cauchemar.
Cette femme de 49 ans a vécu trois ans dans la "maison" de la communauté catholique des Béatitudes de Saint Luc, installé dans le village de Cuq les Vielmur, dans le Tarn. Des "maisons" de ce type, toutes dirigées par un "berger", il y en a une trentaine en France.
C'est en octobre 1999 que Myriam et son mari décident de rejoindre la communauté catholique des Béatitudes. Ils emmènent avec eux leur fille à peine âgée de 18 mois.
"Je suis rentrée par idéal. Je suis croyante, on avait décidé de faire un choix de vie radical avec mon mari"
Myriam Remy
Ils entament alors une existence entièrement dédiée à la communauté. Dans celle de Cuq-les-Vielmur, qui compte près de 25 personnes, Myriam Remy travaille pour la communauté et s'occupe rapidement de la cuisine. Son mari lui est affecté à des tâches de secrétariat. Elle s'occupe ainsi des repas de dizaines de personnes inscrites aux séminaires que la communauté accueille régulièrement. "Les conditions d'hygiène de cet établissement n'étaient absolument pas aux normes", critique-t-elle. Un document de la DDASS de 2005 (Direction départementale de l'action sanitaire et sociale) que nous avons pu consulter, en témoigne.
Travail bénévole pour les Béatitudes
Les maigres revenus restants (comme les allocations familiales) et les économies du couple - 10.000 euros - sont engloutis par les Béatitudes. "On vivait de rien, on n'avait rien, on travaillait bénévolement pour la communauté. Mais parfois il fallait piocher dans nos économies pour les frais liés à nos enfants", (le fils du couple est né lors de leur séjour dans la communauté) raconte-t-elle.
Privés d'argent, enfermés dans une vie monastique, Myriam Remy et son mari sont en souffrance. L'ancienne infirmière, n'hésite pas à parler de "dérives sectaires". "On fonctionnait en vase clos, coupé du monde extérieur. Il y avait une emprise psychologique sur nous, de la manipulation mentale. On ne trouvait plus de sens à notre vie", explique-t-elle.
Cet idéal de mode de vie catholique trouve ses origines en 1973. À l’époque, deux couples fondent la " Communauté du Lion de Judas et de l'Agneau immolé". Ils s'installent à Cordes-sur-Ciel, dans le Tarn. L'objectif est de vivre à l'image des premières communautés chrétiennes, comme l'explique notre confrère de "La vie" dans une longue enquête publiée le 13 janvier 2023.
La vie est collective, les biens sont mis en commun, la prière est permanente. Dans les années 80, la communauté développe ces fameuses "maisons" dirigées par des bergers. Elle s'installe dans d'anciens couvents ou monastères désertés. Une cohabitation s'organise entre religieux et laïcs, dont des familles. Tous les membres prononcent des vœux de chasteté, de pauvreté et d'obéissance.
En 1991, la communauté change de nom et devient la "Communauté des Béatitudes". Au début des années 2000, ils sont 1500 membres, répartis dans une trentaine de pays. (il en resterait 700 aujourd'hui).
Plainte au pénal en 2005
En juin 2002, Myriam et sa famille finissent par quitter la communauté des Béatitudes et le Chateau de Cuq où ils vivent. La fin d'un long cauchemar. Un retour à la vie qui va lui faire prendre conscience de beaucoup de choses.
Trois ans plus tard, elle dépose plainte au pénal pour "abus de faiblesse et travail dissimulé". En 2009, elle est classée sans suite, les faits incriminés étant prescrits.
En octobre 2023, elle a donc décidé de créer un "Collectif Accompagnant des Victimes des Béatitudes" (CAV).
Une victime veut être reconnue, écoutée, c'est essentiel", explique la cofondatrice du collectif. Après quinze jours d'existence, il regroupe une dizaine de membres, dont sa fille qui l'accompagne dans son combat. "L'objectif", martèle-t-elle, c'est de "recueillir la parole des victimes, de leur permettre de se regrouper, de s'entre-aider. Mais aussi de demander réparation".
Comme beaucoup de faits sont prescrits, le collectif fait appel au Tribunal pénal canonique national, créé en 2022, à l'initiative de la Conférence des évêques de France. Début octobre, ce tribunal ecclésiastique et catholique, s'est emparé de l'affaire comme en témoigne ce communiqué.
"Il est temps que l'Eglise catholique reconnaisse nos souffrances. Beaucoup savaient, mais il ne s'est rien passé. J'ai peur d'un enterrement de première classe, il faut que cela bouge. Cela ne doit pas se reproduire" rappelle-t-elle avec vigueur.
Aujourd'hui elle veut rester optimiste. "Le Tribunal pénal canonique national a des délais de prescription qui sont bien plus longs que la justice traditionnelle. Cela nous donne de l'espoir". Ce qui ne veut pas dire que la communauté des Béatitudes n'a jamais eu maille à partir avec les tribunaux. Par le passé, plusieurs de ses membres ont été condamnés, notamment pour "viol sur mineur" ou "agressions sexuelles". Et de nouvelles affaires sortent régulièrement dans la presse, dont France 3 Occitanie s'est aussi fait l'écho.
Suite de l'article dans le lien ci-dessous :
https://france3-regions.francetvinfo.fr ... 61747.html
Pendant trois ans, Myriam Remy a fait partie - avec sa famille - de la communauté des Béatitudes de Saint Luc, installée dans le village de Cuq (Tarn). Elle sort brisée de cette expérience, après avoir subi une emprise psychologique et perdu toutes ses économies. Cette ancienne infirmière a créé un collectif pour recueillir la parole et aider d'autres victimes de cette communauté catholique créée en 1973.
"Ma vie a été fracassée par ce séjour aux Béatitudes". Les mots de Myriam Remy sont glaçants. Au fil de son récit, on réalise l'ampleur des dégâts, les conséquences d'un choix de vie qui a tourné au cauchemar.
Cette femme de 49 ans a vécu trois ans dans la "maison" de la communauté catholique des Béatitudes de Saint Luc, installé dans le village de Cuq les Vielmur, dans le Tarn. Des "maisons" de ce type, toutes dirigées par un "berger", il y en a une trentaine en France.
C'est en octobre 1999 que Myriam et son mari décident de rejoindre la communauté catholique des Béatitudes. Ils emmènent avec eux leur fille à peine âgée de 18 mois.
"Je suis rentrée par idéal. Je suis croyante, on avait décidé de faire un choix de vie radical avec mon mari"
Myriam Remy
Ils entament alors une existence entièrement dédiée à la communauté. Dans celle de Cuq-les-Vielmur, qui compte près de 25 personnes, Myriam Remy travaille pour la communauté et s'occupe rapidement de la cuisine. Son mari lui est affecté à des tâches de secrétariat. Elle s'occupe ainsi des repas de dizaines de personnes inscrites aux séminaires que la communauté accueille régulièrement. "Les conditions d'hygiène de cet établissement n'étaient absolument pas aux normes", critique-t-elle. Un document de la DDASS de 2005 (Direction départementale de l'action sanitaire et sociale) que nous avons pu consulter, en témoigne.
Travail bénévole pour les Béatitudes
Les maigres revenus restants (comme les allocations familiales) et les économies du couple - 10.000 euros - sont engloutis par les Béatitudes. "On vivait de rien, on n'avait rien, on travaillait bénévolement pour la communauté. Mais parfois il fallait piocher dans nos économies pour les frais liés à nos enfants", (le fils du couple est né lors de leur séjour dans la communauté) raconte-t-elle.
Privés d'argent, enfermés dans une vie monastique, Myriam Remy et son mari sont en souffrance. L'ancienne infirmière, n'hésite pas à parler de "dérives sectaires". "On fonctionnait en vase clos, coupé du monde extérieur. Il y avait une emprise psychologique sur nous, de la manipulation mentale. On ne trouvait plus de sens à notre vie", explique-t-elle.
Cet idéal de mode de vie catholique trouve ses origines en 1973. À l’époque, deux couples fondent la " Communauté du Lion de Judas et de l'Agneau immolé". Ils s'installent à Cordes-sur-Ciel, dans le Tarn. L'objectif est de vivre à l'image des premières communautés chrétiennes, comme l'explique notre confrère de "La vie" dans une longue enquête publiée le 13 janvier 2023.
La vie est collective, les biens sont mis en commun, la prière est permanente. Dans les années 80, la communauté développe ces fameuses "maisons" dirigées par des bergers. Elle s'installe dans d'anciens couvents ou monastères désertés. Une cohabitation s'organise entre religieux et laïcs, dont des familles. Tous les membres prononcent des vœux de chasteté, de pauvreté et d'obéissance.
En 1991, la communauté change de nom et devient la "Communauté des Béatitudes". Au début des années 2000, ils sont 1500 membres, répartis dans une trentaine de pays. (il en resterait 700 aujourd'hui).
Plainte au pénal en 2005
En juin 2002, Myriam et sa famille finissent par quitter la communauté des Béatitudes et le Chateau de Cuq où ils vivent. La fin d'un long cauchemar. Un retour à la vie qui va lui faire prendre conscience de beaucoup de choses.
Trois ans plus tard, elle dépose plainte au pénal pour "abus de faiblesse et travail dissimulé". En 2009, elle est classée sans suite, les faits incriminés étant prescrits.
En octobre 2023, elle a donc décidé de créer un "Collectif Accompagnant des Victimes des Béatitudes" (CAV).
Une victime veut être reconnue, écoutée, c'est essentiel", explique la cofondatrice du collectif. Après quinze jours d'existence, il regroupe une dizaine de membres, dont sa fille qui l'accompagne dans son combat. "L'objectif", martèle-t-elle, c'est de "recueillir la parole des victimes, de leur permettre de se regrouper, de s'entre-aider. Mais aussi de demander réparation".
Comme beaucoup de faits sont prescrits, le collectif fait appel au Tribunal pénal canonique national, créé en 2022, à l'initiative de la Conférence des évêques de France. Début octobre, ce tribunal ecclésiastique et catholique, s'est emparé de l'affaire comme en témoigne ce communiqué.
"Il est temps que l'Eglise catholique reconnaisse nos souffrances. Beaucoup savaient, mais il ne s'est rien passé. J'ai peur d'un enterrement de première classe, il faut que cela bouge. Cela ne doit pas se reproduire" rappelle-t-elle avec vigueur.
Aujourd'hui elle veut rester optimiste. "Le Tribunal pénal canonique national a des délais de prescription qui sont bien plus longs que la justice traditionnelle. Cela nous donne de l'espoir". Ce qui ne veut pas dire que la communauté des Béatitudes n'a jamais eu maille à partir avec les tribunaux. Par le passé, plusieurs de ses membres ont été condamnés, notamment pour "viol sur mineur" ou "agressions sexuelles". Et de nouvelles affaires sortent régulièrement dans la presse, dont France 3 Occitanie s'est aussi fait l'écho.
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