Quand la presse Bolloré souffle sur les braises de la guerre civile
Posté : 28 novembre 2023 05:39
La Bolloréhaine Cie en marche
En récupérant tous les sujets, de la mort du jeune Thomas aux punaises de lit, pour apporter de l’eau au moulin xénophobe, CNews, le JDD et Europe 1 ne font pas du journalisme. Ils se mettent au service d’un projet dangereux ourdi par le milliardaire : préparer les esprits à une «guerre de civilisations».
Vincent Bolloré est un industriel consciencieux. Pour être certain de bien vendre le produit qu’il est en train de concevoir, il faut préparer le marché, c’est-à-dire la société. Et ce produit, sans doute l’œuvre de sa vie, ne se fabrique pas dans une usine mais dans des salles de rédactions. Ce produit, c’est la guerre civile. Comment préparer la société ? Il faut la terrifier et dire que sur cette terre, tout le monde déteste tout le monde et qu’il faut se battre, non pas pour changer les raisons économiques, sociales, politiques de ce qui arrive, mais pour ce que l’on est et contre ce que les autres sont. Ce qui s’est passé sur les antennes et les colonnes des médias bollorisés, s’agissant de l’affaire de Crépol où le jeune Thomas a été tué en marge d’une fête, résume la façon de faire des artisans méthodiques de la guerre civile censée venir.
Alors que les «bals tragiques» ont toujours existé, les journalistes de CNews, du Journal du Dimanche version Geoffroy Lejeune et d’Europe 1 n’ont pas beaucoup travaillé. C’est-à-dire que leur antenne, leurs colonnes, ne se sont pas vraiment remplies de reportages ni d’enquêtes. Le summum de l’investigation du JDD, racontée en page 2 comme une épopée à la Bob Woodward, a constitué à retrouver les prénoms des agresseurs avant qu’ils ne soient rendus public. En réalité, sur tous les sujets, le temps d’antenne et le nombre de colonnes consacrées au reportage et à l’investigation sont infimes par rapport aux commentaires des polémistes. Dans le JDD de ce dimanche 26 novembre, sur quatre pages consacrées à l’affaire de Crépol, une seule est le fait d’envoyés spéciaux, juste pour couvrir la marche silencieuse. La presse Bolloré n’est pas tant une presse d’extrême droite qu’une presse sans journalisme. L’unique page (p. 21) sur la situation en Israël et Palestine est écrite de Paris. Le secret, c’est d’éviter de faire des reportages car en plus cela permet de faire des économies sur l’info.
Journalisme assis et fabrique de la réalité
Résultat, de Cyril Hanouna sur C8 qui ne fait que commenter l’actualité avec ses chroniqueurs tétanisés par le comportement de chef de bande mafieux de leur star, à CNews qui multiplie les plateaux d’experts identitaires ou de «philosophes» déclinistes, en passant par le JDD, qui reprend tout ce beau monde pour coucher les analyses de la semaine sur le papier du dimanche, rien n’est fait pour décrire la réalité. Tout est fait, en revanche, pour décréter que la réalité décrite par les autres médias, ceux qui se donnent la peine d’aller sur place, est fabriquée par la bien-pensance et le politiquement correct. L’armée de chroniqueurs vulgaires et incultes de C8, de polémistes polarisateurs et hâbleurs de CNews et de journalistes assis du JDD, s’applique à dessiner ce que les Américains appellent une «big picture» de la société, telle que la seule solution soit l’avènement d’un régime autoritaire ou de la guerre civile… ou les deux.
Les faits divers sont des faits de société. Décider de les traiter comme tels c’est, normalement, aller sur le terrain, comprendre et documenter le déroulé des évènements, se rendre compte du contexte, de la situation sociale du lieu, de son histoire. La question du rapport entre les cités et les campagnes alentour est bien mieux racontée par les reporters qui ont le temps et les moyens d’aller sur place et d’éprouver, physiquement, sensoriellement, émotivement mais d’abord avec leurs méthodes rationnelles du métier de journaliste. Ils ne tentent pas, au premier chef, d’appréhender le fait divers pour ce qu’il pourrait apporter comme eau au moulin de l’orientation politique de leur journal. Il ne s’agit pas de dire qu’un reporter de Libération ou du Figaro regardera les faits sous le même angle, mais ils en donneront une épaisseur factuelle et contextuelle qui éclairera leur complexité.
Intégriste pour intégriste
La confrontation de jeunes issus de groupes sociaux ou éthiques différents, cela arrive tous les week-ends dans toute la France et ça ne décrit pas une situation globale identique. Ecouter les reporters des autres chaînes d’info ou des radios, publiques ou privées, c’est toujours, même quand c’est orienté, une source de dépolarisation utile. La presse Bolloré plaque son regard, avant tout xénophobe et anti-musulman, non seulement sur le choix de ses sujets, mais sur n’importe quel sujet : d’un bal tragique aux punaises de lits. Le comble c’est que cette presse, sans quasiment aucun journaliste de terrain, passe son temps à désigner le reste de la profession comme étant celle d’une gauche déracinée, hors sol, germanopratine, enfermée dans sa bulle boboïsée. Vincent Bolloré est le promoteur de la guerre de civilisation. Il partage ce projet avec les islamistes radicaux qui doivent adorer l’effet qu’ils escomptaient bien produire, se réaliser avec la complicité d’un catholique, comme eux, intégriste. Vincent Bolloré est un danger identitaire pour la France.
https://www.liberation.fr/politique/qua ... NUM5YGERY/
En récupérant tous les sujets, de la mort du jeune Thomas aux punaises de lit, pour apporter de l’eau au moulin xénophobe, CNews, le JDD et Europe 1 ne font pas du journalisme. Ils se mettent au service d’un projet dangereux ourdi par le milliardaire : préparer les esprits à une «guerre de civilisations».
Vincent Bolloré est un industriel consciencieux. Pour être certain de bien vendre le produit qu’il est en train de concevoir, il faut préparer le marché, c’est-à-dire la société. Et ce produit, sans doute l’œuvre de sa vie, ne se fabrique pas dans une usine mais dans des salles de rédactions. Ce produit, c’est la guerre civile. Comment préparer la société ? Il faut la terrifier et dire que sur cette terre, tout le monde déteste tout le monde et qu’il faut se battre, non pas pour changer les raisons économiques, sociales, politiques de ce qui arrive, mais pour ce que l’on est et contre ce que les autres sont. Ce qui s’est passé sur les antennes et les colonnes des médias bollorisés, s’agissant de l’affaire de Crépol où le jeune Thomas a été tué en marge d’une fête, résume la façon de faire des artisans méthodiques de la guerre civile censée venir.
Alors que les «bals tragiques» ont toujours existé, les journalistes de CNews, du Journal du Dimanche version Geoffroy Lejeune et d’Europe 1 n’ont pas beaucoup travaillé. C’est-à-dire que leur antenne, leurs colonnes, ne se sont pas vraiment remplies de reportages ni d’enquêtes. Le summum de l’investigation du JDD, racontée en page 2 comme une épopée à la Bob Woodward, a constitué à retrouver les prénoms des agresseurs avant qu’ils ne soient rendus public. En réalité, sur tous les sujets, le temps d’antenne et le nombre de colonnes consacrées au reportage et à l’investigation sont infimes par rapport aux commentaires des polémistes. Dans le JDD de ce dimanche 26 novembre, sur quatre pages consacrées à l’affaire de Crépol, une seule est le fait d’envoyés spéciaux, juste pour couvrir la marche silencieuse. La presse Bolloré n’est pas tant une presse d’extrême droite qu’une presse sans journalisme. L’unique page (p. 21) sur la situation en Israël et Palestine est écrite de Paris. Le secret, c’est d’éviter de faire des reportages car en plus cela permet de faire des économies sur l’info.
Journalisme assis et fabrique de la réalité
Résultat, de Cyril Hanouna sur C8 qui ne fait que commenter l’actualité avec ses chroniqueurs tétanisés par le comportement de chef de bande mafieux de leur star, à CNews qui multiplie les plateaux d’experts identitaires ou de «philosophes» déclinistes, en passant par le JDD, qui reprend tout ce beau monde pour coucher les analyses de la semaine sur le papier du dimanche, rien n’est fait pour décrire la réalité. Tout est fait, en revanche, pour décréter que la réalité décrite par les autres médias, ceux qui se donnent la peine d’aller sur place, est fabriquée par la bien-pensance et le politiquement correct. L’armée de chroniqueurs vulgaires et incultes de C8, de polémistes polarisateurs et hâbleurs de CNews et de journalistes assis du JDD, s’applique à dessiner ce que les Américains appellent une «big picture» de la société, telle que la seule solution soit l’avènement d’un régime autoritaire ou de la guerre civile… ou les deux.
Les faits divers sont des faits de société. Décider de les traiter comme tels c’est, normalement, aller sur le terrain, comprendre et documenter le déroulé des évènements, se rendre compte du contexte, de la situation sociale du lieu, de son histoire. La question du rapport entre les cités et les campagnes alentour est bien mieux racontée par les reporters qui ont le temps et les moyens d’aller sur place et d’éprouver, physiquement, sensoriellement, émotivement mais d’abord avec leurs méthodes rationnelles du métier de journaliste. Ils ne tentent pas, au premier chef, d’appréhender le fait divers pour ce qu’il pourrait apporter comme eau au moulin de l’orientation politique de leur journal. Il ne s’agit pas de dire qu’un reporter de Libération ou du Figaro regardera les faits sous le même angle, mais ils en donneront une épaisseur factuelle et contextuelle qui éclairera leur complexité.
Intégriste pour intégriste
La confrontation de jeunes issus de groupes sociaux ou éthiques différents, cela arrive tous les week-ends dans toute la France et ça ne décrit pas une situation globale identique. Ecouter les reporters des autres chaînes d’info ou des radios, publiques ou privées, c’est toujours, même quand c’est orienté, une source de dépolarisation utile. La presse Bolloré plaque son regard, avant tout xénophobe et anti-musulman, non seulement sur le choix de ses sujets, mais sur n’importe quel sujet : d’un bal tragique aux punaises de lits. Le comble c’est que cette presse, sans quasiment aucun journaliste de terrain, passe son temps à désigner le reste de la profession comme étant celle d’une gauche déracinée, hors sol, germanopratine, enfermée dans sa bulle boboïsée. Vincent Bolloré est le promoteur de la guerre de civilisation. Il partage ce projet avec les islamistes radicaux qui doivent adorer l’effet qu’ils escomptaient bien produire, se réaliser avec la complicité d’un catholique, comme eux, intégriste. Vincent Bolloré est un danger identitaire pour la France.
https://www.liberation.fr/politique/qua ... NUM5YGERY/