« Les gens n’ont tout simplement plus envie de travailler » : des N+1 aigris vident leur sac
Posté : 08 décembre 2023 20:33
"Des boulets, exigeants, faignants et capricieux, juste bons à casser les pieds de leur chef.
C’est ce que ces managers pensent de leurs équipes. Car non, tous n'ont pas envie de vider les lieux et de faire sauter le système. Certains se désespèrent aussi du manque d'entrain et d'éthique professionnelle de la génération Z. Témoignages.
« Aujourd’hui, mes équipes en font le moins possible »
« Quand j’ai commencé le boulot, on ne voyait pas le travail comme une corvée. C’était un moyen de se réaliser, de vivre mieux et de s’éclater. Seul et avec les autres. On ne comptait pas nos heures, on était en charrette tous ensemble, dans un grand bordel, une sorte d’excitation joyeuse, on bossait comme des dingues avant d’aller boire des coups. Je me revois, lors de mon premier job à Paris : je venais d’arriver dans un petit appart près de la Seine, et j’adorais aller au bureau ! J’arrivais tôt, je partais tard, parfois après minuit, et c’étaient les meilleures années de ma vie, très formateur et enrichissant. Aujourd’hui, mes équipes en font le moins possible, le strict minimum, pour rester dans les clous de leur contrat. Ils sont comme obsédés par l’argent, le salaire, les avantages. C’est d’une tristesse ! On ne travaille pas que pour gagner de l’argent, quand même, même si évidemment c’est important. J’ai le sentiment d’être devenue une sorte de bureau des pleurs : on me parle en permanence de divorce, de problème de plomberie, de garderie en grève, de belle-mère malade ! Mais je ne suis pas psy, moi. Je ne suis pas là pour écoper les problèmes de tout le monde, ce n'est pas ma fonction. »
Marianne*, 58 ans, manager dans une entreprise de conseil à Paris.
« Être manager est devenu un métier impossible »
« Je sais que c’est devenu un cliché, un poncif moqué par les jeunes, mais les gens, toutes générations confondues, n’ont tout simplement plus envie de travailler. Plus envie de faire le moindre effort, de donner d’eux-mêmes à la boîte, et j’ai vraiment du mal à sympathiser avec cette mentalité. Cela me demande de plus en plus d’effort de me montrer indulgent et compréhensif avec mes collaborateurs face à ce genre d’attitude que je ne peux que voir comme de la paresse ou des caprices d’enfant gâté. Nous ne sommes pas non plus en train de passer nos journées à charrier des caisses de charbon à la mine, du lundi au dimanche soir, sans vacances, arrêt maladie et droit du travail ! Que veulent les gens ? Gagner de l’argent sans avoir à travailler ?
Tout doit être facile, aisé, fluide, donné, sans le moindre accroc, la moindre tension ou friction, le moindre sacrifice. Faire plus d’heures que prévu pour répondre à la demande imprévue d’un client important, celui même qui nous fait vivre ? Surtout pas ! Travailler le week-end pour avancer sur un projet urgent ? C’est devenu une hérésie ! Si l’on ose demander à son équipe de faire un pas de côté, de sortir un peu de sa fiche de poste – en un mot de grandir et d’apprendre –, on ne récolte que des récriminations plus ou moins virulentes, quand ce n’est pas de la franche hostilité. Et pendant ce temps-là, en Chine, ils ne craignent pas d’enchaîner les heures supplémentaires, de prendre des risques, de tout donner. Et après on s’étonne d’être dépassés, largués, à la traîne, de ne pas innover comme on le devrait… En deux mots, être manager est devenu un métier impossible, car mobiliser des personnes qui ne veulent pas être mobilisées est impossible. On ne peut pas forcer les gens à être impliqués dans la stratégie globale d’une boîte, qui en plus est souvent contestée de haut, par des gens qui veulent juste partir planter des pâquerettes et élever des criquets. Soyons sérieux deux secondes. »
Éric*, 53 ans, manager dans un grand groupe à Lyon
« Ce n’est jamais assez bien, ils veulent toujours plus »
« Impossible de distribuer une tâche ou une mission sans qu’elle soit remise en cause, discutée et critiquée par tout le monde. Mon équipe négocie pour tout, tout devient matière à d’interminables discussions, surtout avec les plus jeunes. Le meilleur exemple que je peux donner, ce sont les primes. Avant, les gens étaient déjà contents de se voir octroyer un bonus. Aujourd’hui, mes plus jeunes recrues veulent absolument – et dans les moindres détails ! – savoir quels résultats octroient quelles primes, quels résultats permettent d’obtenir une augmentation… ! C’est très calculé, pensé, plus rien n’est gratuit ! Mon impression, c’est que je me plie en quatre pour les satisfaire, mais ce n’est jamais assez bien, ils veulent toujours plus. Plus de jours de télétravail, plus de flexibilité ! Tout le monde veut travailler sur ses propres horaires, certains le matin, d’autres le soir ! En fait, la nouvelle génération a du mal avec la communauté, les contraintes… La dernière en date : un candidat m’a demandé (ou plutôt a exigé !) de travailler à mi-temps et depuis Marseille ! L’air de rien, comme si c’était normal, il a été choqué que je lui dise que cela ne marchait pas comme ça, et après le second entretien je n’ai plus entendu parler de lui… Mais comment pensait-il que cela fonctionnait ? À la carte, apparemment… Mais comment je suis censée faire en composant avec les cas particuliers de chacun, les sensibilités de tout le monde ? Entre ceux qui veulent qu’on les appelle « iel » et ceux qui quittent le bureau comme des fonctionnaires, cela devient franchement compliqué… Pour moi, c’est la cour de récré ! »
Isabelle*, 42 ans, manager dans une PME du sud-est de la France"
https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/les ... -leur-sac/
C’est ce que ces managers pensent de leurs équipes. Car non, tous n'ont pas envie de vider les lieux et de faire sauter le système. Certains se désespèrent aussi du manque d'entrain et d'éthique professionnelle de la génération Z. Témoignages.
« Aujourd’hui, mes équipes en font le moins possible »
« Quand j’ai commencé le boulot, on ne voyait pas le travail comme une corvée. C’était un moyen de se réaliser, de vivre mieux et de s’éclater. Seul et avec les autres. On ne comptait pas nos heures, on était en charrette tous ensemble, dans un grand bordel, une sorte d’excitation joyeuse, on bossait comme des dingues avant d’aller boire des coups. Je me revois, lors de mon premier job à Paris : je venais d’arriver dans un petit appart près de la Seine, et j’adorais aller au bureau ! J’arrivais tôt, je partais tard, parfois après minuit, et c’étaient les meilleures années de ma vie, très formateur et enrichissant. Aujourd’hui, mes équipes en font le moins possible, le strict minimum, pour rester dans les clous de leur contrat. Ils sont comme obsédés par l’argent, le salaire, les avantages. C’est d’une tristesse ! On ne travaille pas que pour gagner de l’argent, quand même, même si évidemment c’est important. J’ai le sentiment d’être devenue une sorte de bureau des pleurs : on me parle en permanence de divorce, de problème de plomberie, de garderie en grève, de belle-mère malade ! Mais je ne suis pas psy, moi. Je ne suis pas là pour écoper les problèmes de tout le monde, ce n'est pas ma fonction. »
Marianne*, 58 ans, manager dans une entreprise de conseil à Paris.
« Être manager est devenu un métier impossible »
« Je sais que c’est devenu un cliché, un poncif moqué par les jeunes, mais les gens, toutes générations confondues, n’ont tout simplement plus envie de travailler. Plus envie de faire le moindre effort, de donner d’eux-mêmes à la boîte, et j’ai vraiment du mal à sympathiser avec cette mentalité. Cela me demande de plus en plus d’effort de me montrer indulgent et compréhensif avec mes collaborateurs face à ce genre d’attitude que je ne peux que voir comme de la paresse ou des caprices d’enfant gâté. Nous ne sommes pas non plus en train de passer nos journées à charrier des caisses de charbon à la mine, du lundi au dimanche soir, sans vacances, arrêt maladie et droit du travail ! Que veulent les gens ? Gagner de l’argent sans avoir à travailler ?
Tout doit être facile, aisé, fluide, donné, sans le moindre accroc, la moindre tension ou friction, le moindre sacrifice. Faire plus d’heures que prévu pour répondre à la demande imprévue d’un client important, celui même qui nous fait vivre ? Surtout pas ! Travailler le week-end pour avancer sur un projet urgent ? C’est devenu une hérésie ! Si l’on ose demander à son équipe de faire un pas de côté, de sortir un peu de sa fiche de poste – en un mot de grandir et d’apprendre –, on ne récolte que des récriminations plus ou moins virulentes, quand ce n’est pas de la franche hostilité. Et pendant ce temps-là, en Chine, ils ne craignent pas d’enchaîner les heures supplémentaires, de prendre des risques, de tout donner. Et après on s’étonne d’être dépassés, largués, à la traîne, de ne pas innover comme on le devrait… En deux mots, être manager est devenu un métier impossible, car mobiliser des personnes qui ne veulent pas être mobilisées est impossible. On ne peut pas forcer les gens à être impliqués dans la stratégie globale d’une boîte, qui en plus est souvent contestée de haut, par des gens qui veulent juste partir planter des pâquerettes et élever des criquets. Soyons sérieux deux secondes. »
Éric*, 53 ans, manager dans un grand groupe à Lyon
« Ce n’est jamais assez bien, ils veulent toujours plus »
« Impossible de distribuer une tâche ou une mission sans qu’elle soit remise en cause, discutée et critiquée par tout le monde. Mon équipe négocie pour tout, tout devient matière à d’interminables discussions, surtout avec les plus jeunes. Le meilleur exemple que je peux donner, ce sont les primes. Avant, les gens étaient déjà contents de se voir octroyer un bonus. Aujourd’hui, mes plus jeunes recrues veulent absolument – et dans les moindres détails ! – savoir quels résultats octroient quelles primes, quels résultats permettent d’obtenir une augmentation… ! C’est très calculé, pensé, plus rien n’est gratuit ! Mon impression, c’est que je me plie en quatre pour les satisfaire, mais ce n’est jamais assez bien, ils veulent toujours plus. Plus de jours de télétravail, plus de flexibilité ! Tout le monde veut travailler sur ses propres horaires, certains le matin, d’autres le soir ! En fait, la nouvelle génération a du mal avec la communauté, les contraintes… La dernière en date : un candidat m’a demandé (ou plutôt a exigé !) de travailler à mi-temps et depuis Marseille ! L’air de rien, comme si c’était normal, il a été choqué que je lui dise que cela ne marchait pas comme ça, et après le second entretien je n’ai plus entendu parler de lui… Mais comment pensait-il que cela fonctionnait ? À la carte, apparemment… Mais comment je suis censée faire en composant avec les cas particuliers de chacun, les sensibilités de tout le monde ? Entre ceux qui veulent qu’on les appelle « iel » et ceux qui quittent le bureau comme des fonctionnaires, cela devient franchement compliqué… Pour moi, c’est la cour de récré ! »
Isabelle*, 42 ans, manager dans une PME du sud-est de la France"
https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/les ... -leur-sac/