Anciens sans-papiers et demandeurs d’asile, ils sont devenus élus de la République
Posté : 18 décembre 2023 08:43
"La France les a accueillis, pas toujours à bras ouverts. Citoyens engagés auprès des sans-voix et des plus vulnérables, Soulé N’gaidé, Anzoumane Sissoko et Régine Komokoli ont un jour décidé de se soumettre au suffrage des électeurs. Et ils ont gagné.
« Comme vous pouvez le remarquer, d’après mon teint et mon accent, je ne viens ni du Finistère ni même d’Ille-et-Vilaine. Je viens de la République centrafricaine. Je l’ai quitté dès que j’ai pu. » Le discours ne faisait qu’une page, mais Régine Komokoli l’a conservé et s’en souvient encore. C’est le premier qu’elle a prononcé devant les militants d’Europe écologie les Verts alors qu’elle ambitionnait d’intégrer leur liste aux élections municipales à Rennes (Ille-et-Vilaine). C’était en 2020. « J’ai mis dix jours à le corriger et recorriger, se remémore-t-elle. Comme je vivais dans une seule pièce avec mes enfants, je sortais discrètement pour le répéter dans les escaliers. »
Un an plus tard, la quadragénaire était finalement élue conseillère départementale d’Ille-et-Vilaine, déléguée à la protection maternelle et infantile, à la petite enfance et à la parentalité, damant le pion à un ténor de la majorité socialiste. « Femme noire, inconnue, avec un passé de migrante sans papiers, je n’avais aucune chance », observe Régine, ravie d’avoir créé la surprise. Elle en éprouve une certaine fierté au regard du chemin parcouru et des nombreuses épreuves rencontrées. Avant d’arriver en France à l’âge de 19 ans, Régine a connu la guerre en Centrafrique.
Des citoyens engagés
Soulé N’gaidé et Anzoumane Sissoko ont eux aussi quitté leur pays, la Mauritanie pour l’un et le Mali pour l’autre. Arrivé en France en 2000, le premier est aujourd’hui adjoint au maire des Ulis (Essonne), chargé de la cohésion sociale et de l’accès aux droits. Il s’agit de son premier mandat, à l’instar d’Anzoumane, adjoint au maire du 18e arrondissement de Paris, chargé des solidarités internationales et des parcours d’accueil.
Citoyens engagés, ils sont entrés en politique sans en avoir jamais rêvé, sans vraiment y avoir songé. « On a toujours le syndrome de l’imposteur quand on vient de l’étranger. On croit qu’on n’est pas légitime. Je pense pourtant que c’est important d’oser », explique Soulé N’Gaidé, qui est aussi juriste, spécialisé en droit des étrangers.
Il le reconnaît pourtant, jamais il n’aurait accepté de rejoindre une liste aux dernières municipales si elle n’avait pas été conduite par le maire actuel, Clovis Cassan (PS), un ami qui a longtemps milité à ses côtés. « Il m’a souvent accompagné dans des tribunaux pour défendre des personnes étrangères, dans des manifestations aussi. C’est un homme qui a des principes et des valeurs. J’ai dit oui parce que c’était lui. D’autres sont venus me voir avec la même demande, mais j’avais refusé. » Devenir élu, oui, mais pas à n’importe quel prix. « Pendant longtemps, les personnes issues de l’immigration ont été une caution pour certaines formations politiques. Je ne voulais pas en faire partie. »
« Je parie que quand vous m’avez vu arriver, vous vous êtes dit que la femme de ménage était en avance »
Alors qu’il était encore étudiant au Maroc, Soulé était responsable d’une cellule clandestine d’une association de respect des droits de l’homme. Il écrivait des articles sur la violation des droits humains en Mauritanie, ce qui lui a valu d’être menacé par le gouvernement. Seule solution : l’exil. En France, sa demande d’asile a été acceptée au bout d’un an « car j’ai pu prouver que j’étais persécuté en raison de mes opinions politiques ».
Après un master des droits de l’homme à Lyon, le juriste a travaillé à Emmaüs, la Ligue des droits de l’Homme, la Cimade et SOS racisme entre autres. Aux Ulis, il a supervisé la création du Conseil des résidents étrangers. « L’idée était de les faire participer à la vie de la cité en tant que citoyens même s’ils n’avaient pas le droit de vote », explique-t-il.
Défense des sans voix
Le parcours d’Anzoumane Sissoko est aussi marqué par la défense des sans-voix et des laissés pour compte. Cet agent d’entretien au marché couvert des Enfants rouges de Paris est aussi le porte-parole de la coordination des sans-papiers dans la capitale depuis 2004. « Je suis arrivé en France en 1993 en plein débat sur l’immigration alors que le gouvernement réformait le droit de la nationalité française (avec les lois Pasqua sur l’immigration notamment, ndlr). J’avais 28 ans », se souvient Anzoumane.
Au Mali, sa famille, des agriculteurs, était éprouvée par les sécheresses. « On avait du mal à avoir notre ration alimentaire alors, comme j’étais le seul qui parlait français, j’ai été envoyé en Europe pour aider financièrement les autres », raconte-t-il. Alors que sa demande d’asile est rejetée, il trouve rapidement du travail comme manutentionnaire, mais, faute de papiers, il peine à se loger.
En 2001, il est arrêté et incarcéré à la prison de la Santé pendant deux mois. C’est en sortant qu’il décide de s’investir pleinement dans la lutte des sans-papiers en menant notamment des occupations d’églises, de mairies, de gymnases et même de la Bourse du travail durant 14 mois. Régularisé en 2006, il choisit de continuer à aider ses camarades.
Même si les Verts, engagés dans la lutte en faveur des sans-papiers, n’étaient pas des inconnus pour lui, Anzoumane avoue avoir été surpris quand ils lui ont proposé de rejoindre leur liste dans le 18e arrondissement. « D’autant plus que j’étais en position éligible, ce qui est rare », précise-t-il. Jamais, néanmoins, il n’aurait accepté sans la bénédiction de ses camarades de la coordination. « Je donnerai toujours la priorité à mon combat pour les sans-papiers », insiste-t-il."
https://basta.media/Loi-immigration-Anc ... wtab-fr-fr
L'immigration, c'est aussi cela, des hommes et des femmes aux parcours difficiles mais dont ils n'ont jamais baissé les bras et ont continué à poursuivre leur rêve. On est souvent loin des clichés que nous abreuve l'extrême-droite dégainant les faits divers mettant en cause l'immigration tout en prenant soin d'éviter de montrer le côté positif de cette même immigration !
« Comme vous pouvez le remarquer, d’après mon teint et mon accent, je ne viens ni du Finistère ni même d’Ille-et-Vilaine. Je viens de la République centrafricaine. Je l’ai quitté dès que j’ai pu. » Le discours ne faisait qu’une page, mais Régine Komokoli l’a conservé et s’en souvient encore. C’est le premier qu’elle a prononcé devant les militants d’Europe écologie les Verts alors qu’elle ambitionnait d’intégrer leur liste aux élections municipales à Rennes (Ille-et-Vilaine). C’était en 2020. « J’ai mis dix jours à le corriger et recorriger, se remémore-t-elle. Comme je vivais dans une seule pièce avec mes enfants, je sortais discrètement pour le répéter dans les escaliers. »
Un an plus tard, la quadragénaire était finalement élue conseillère départementale d’Ille-et-Vilaine, déléguée à la protection maternelle et infantile, à la petite enfance et à la parentalité, damant le pion à un ténor de la majorité socialiste. « Femme noire, inconnue, avec un passé de migrante sans papiers, je n’avais aucune chance », observe Régine, ravie d’avoir créé la surprise. Elle en éprouve une certaine fierté au regard du chemin parcouru et des nombreuses épreuves rencontrées. Avant d’arriver en France à l’âge de 19 ans, Régine a connu la guerre en Centrafrique.
Des citoyens engagés
Soulé N’gaidé et Anzoumane Sissoko ont eux aussi quitté leur pays, la Mauritanie pour l’un et le Mali pour l’autre. Arrivé en France en 2000, le premier est aujourd’hui adjoint au maire des Ulis (Essonne), chargé de la cohésion sociale et de l’accès aux droits. Il s’agit de son premier mandat, à l’instar d’Anzoumane, adjoint au maire du 18e arrondissement de Paris, chargé des solidarités internationales et des parcours d’accueil.
Citoyens engagés, ils sont entrés en politique sans en avoir jamais rêvé, sans vraiment y avoir songé. « On a toujours le syndrome de l’imposteur quand on vient de l’étranger. On croit qu’on n’est pas légitime. Je pense pourtant que c’est important d’oser », explique Soulé N’Gaidé, qui est aussi juriste, spécialisé en droit des étrangers.
Il le reconnaît pourtant, jamais il n’aurait accepté de rejoindre une liste aux dernières municipales si elle n’avait pas été conduite par le maire actuel, Clovis Cassan (PS), un ami qui a longtemps milité à ses côtés. « Il m’a souvent accompagné dans des tribunaux pour défendre des personnes étrangères, dans des manifestations aussi. C’est un homme qui a des principes et des valeurs. J’ai dit oui parce que c’était lui. D’autres sont venus me voir avec la même demande, mais j’avais refusé. » Devenir élu, oui, mais pas à n’importe quel prix. « Pendant longtemps, les personnes issues de l’immigration ont été une caution pour certaines formations politiques. Je ne voulais pas en faire partie. »
« Je parie que quand vous m’avez vu arriver, vous vous êtes dit que la femme de ménage était en avance »
Alors qu’il était encore étudiant au Maroc, Soulé était responsable d’une cellule clandestine d’une association de respect des droits de l’homme. Il écrivait des articles sur la violation des droits humains en Mauritanie, ce qui lui a valu d’être menacé par le gouvernement. Seule solution : l’exil. En France, sa demande d’asile a été acceptée au bout d’un an « car j’ai pu prouver que j’étais persécuté en raison de mes opinions politiques ».
Après un master des droits de l’homme à Lyon, le juriste a travaillé à Emmaüs, la Ligue des droits de l’Homme, la Cimade et SOS racisme entre autres. Aux Ulis, il a supervisé la création du Conseil des résidents étrangers. « L’idée était de les faire participer à la vie de la cité en tant que citoyens même s’ils n’avaient pas le droit de vote », explique-t-il.
Défense des sans voix
Le parcours d’Anzoumane Sissoko est aussi marqué par la défense des sans-voix et des laissés pour compte. Cet agent d’entretien au marché couvert des Enfants rouges de Paris est aussi le porte-parole de la coordination des sans-papiers dans la capitale depuis 2004. « Je suis arrivé en France en 1993 en plein débat sur l’immigration alors que le gouvernement réformait le droit de la nationalité française (avec les lois Pasqua sur l’immigration notamment, ndlr). J’avais 28 ans », se souvient Anzoumane.
Au Mali, sa famille, des agriculteurs, était éprouvée par les sécheresses. « On avait du mal à avoir notre ration alimentaire alors, comme j’étais le seul qui parlait français, j’ai été envoyé en Europe pour aider financièrement les autres », raconte-t-il. Alors que sa demande d’asile est rejetée, il trouve rapidement du travail comme manutentionnaire, mais, faute de papiers, il peine à se loger.
En 2001, il est arrêté et incarcéré à la prison de la Santé pendant deux mois. C’est en sortant qu’il décide de s’investir pleinement dans la lutte des sans-papiers en menant notamment des occupations d’églises, de mairies, de gymnases et même de la Bourse du travail durant 14 mois. Régularisé en 2006, il choisit de continuer à aider ses camarades.
Même si les Verts, engagés dans la lutte en faveur des sans-papiers, n’étaient pas des inconnus pour lui, Anzoumane avoue avoir été surpris quand ils lui ont proposé de rejoindre leur liste dans le 18e arrondissement. « D’autant plus que j’étais en position éligible, ce qui est rare », précise-t-il. Jamais, néanmoins, il n’aurait accepté sans la bénédiction de ses camarades de la coordination. « Je donnerai toujours la priorité à mon combat pour les sans-papiers », insiste-t-il."
https://basta.media/Loi-immigration-Anc ... wtab-fr-fr
L'immigration, c'est aussi cela, des hommes et des femmes aux parcours difficiles mais dont ils n'ont jamais baissé les bras et ont continué à poursuivre leur rêve. On est souvent loin des clichés que nous abreuve l'extrême-droite dégainant les faits divers mettant en cause l'immigration tout en prenant soin d'éviter de montrer le côté positif de cette même immigration !