Comment on a laissé l’islamisme gangrener le sport français
Posté : 18 décembre 2023 15:06
SOURCE : LE FIGARO : https://www.lefigaro.fr/vox/societe/com ... s-20231023Comment on a laissé l’islamisme gangrener le sport français
EXCLUSIF - Club réservé aux femmes portant le hidjab, éducateurs radicalisés, prières dans les vestiaires… Le fonctionnaire du ministère des Sports, sociologue et ancien gendarme Médéric Chapitaux publie Quand l’islamisme pénètre le sport (Puf), une enquête fouillée et documentée sur la façon dont le communautarisme religieux a investi le sport français. Le Figaro dévoile les extraits de ce livre.
Alors que le sport est souvent présenté comme un vecteur d’intégration et d’inclusion, l’auteur met en lumière la face sombre de certains clubs, plus particulièrement dans le football et les arts martiaux. Le tout, sur fond de lâcheté, de cynisme et d’indifférence des autorités sportives.
Un entrisme documenté
Aussi surprenant que cela puisse paraître, le vrai point de bascule de ce sujet a été la fuite d’un document confidentiel du Service central du renseignement territorial (SCRT). Cette note intitulée «Le sport vecteur de communautarisme, voire de radicalisme» est rédigée le 27 juillet 2015 avant d’être révélée partiellement par les médias en octobre de la même année. Les spécialistes du renseignement affirment en préambule que «la présence dans les clubs sportifs de salafistes et autres radicaux, dont les canons de la pratique religieuse les contraignent à ne s’adonner à aucun sport, interroge sur les ressorts profonds de ce subit engouement pour les salles de musculation ou les rings de boxe», avant de conclure que «l’engagement des fondamentalistes dans ce domaine autrefois jugé impur (le sport) parce que s’écartant des canons de l’intégrisme musulman, est maintenant devenu un espace potentiel de recrutement, et, parallèlement, l’engouement que suscite la pratique des sports de combat par les individus radicalisés, autrefois uniquement centrés sur la lecture orthodoxe du Coran et sa propagation, constitue sans nul doute autant de sources d’interrogation quant à la finalité intrinsèque de ces démarches individuelles et collectives.»
Pour illustrer leurs analyses, les agents listent des situations qui ne laissent planer aucun doute quant à l’entrisme religieux au sein des clubs. Qu’il s’agisse du recrutement au sein de ce club de sports de combat du centre de la France uniquement réservé aux coreligionnaires ou encore le président d’un club de football de l’est de la France qui dirigeait lui-même les prières d’un groupe de salafistes dans les vestiaires, le constat est clair. Les femmes ne sont pas plus épargnées par ces déviances. À titre d’exemple, les agents du Nord s’interrogent sur le fonctionnement d’un club d’art martial coréen strictement réservé aux femmes portant le hidjab et s’entraînant à des horaires réservés.
Cette note met en évidence deux aspects liés à l’islamisme dans le sport. Le premier est l’étendue du phénomène, qui touche l’ensemble du territoire, alors que de nombreux observateurs pensaient qu’il restait confiné aux seuls quartiers sensibles des grandes villes. Le second est lié au cercle des familles des disciplines mises en cause, qui semble relativement restreint. Dans une autre production datée du 5 avril 2017 intitulée «Le communautarisme islamique dans le sport», et non communiquée au public, les agents du même service indiquent que «les deux disciplines les plus affectées par cette montée du communautarisme sont le football (et son dérivé le futsal) et les sports de combat».
Les rédacteurs montrent comment les pratiques et les revendications liées à l’islam perturbent les clubs de football ou comment les clubs deviennent des lieux de conversion. Après une énumération de ces situations liées aux clubs affiliés à la FFF, les problématiques attachées aux sports de combat sont contextualisées. On peut y lire par exemple qu’un club de mixed martial arts (MMA) du sud de la France programme «les entraînements en fonction du calendrier islamique». Ces deux notes en «diffusion restreinte» montrent l’activité de ce service de renseignement qui observe, sur le terrain et dans la durée, les évolutions de l’immixtion de l’islam radical au sein des clubs sportifs et plus particulièrement dans le football, les sports de combat et la musculation. (…)
Un vecteur de désintégration ?
Alors que la vision du sport est souvent orientée sur l’inclusion, l’intégration ou les performances sportives, de nombreux travaux scientifiques nous invitent à la prudence au regard de certains parcours terroristes. Scott Atran, dans ses travaux sur le terrorisme islamiste, nous précise que «les candidats au martyre se réunissent d’abord et font connaissance par le biais de pratiques sportives: football, paintball, escalade, arts martiaux, bodybuilding (…). Il s’agit le plus souvent de petits groupes d’amis qui se sont radicalisés ensemble.» Si cette analyse renforce le postulat que le club de sport est un espace de socialisation, elle doit nous interroger sur sa capacité à devenir un potentiel incubateur criminogène.
Cette réflexion, que beaucoup pourraient considérer comme exagérée, s’est toutefois vérifiée lors des attentats de Londres en 2005, ou lorsque le Hamas a décidé de créer une équipe de football dans laquelle il a recruté et formé ses premiers kamikazes. Dans ce cadre, l’organisation terroriste a utilisé la structure sportive et la discipline enseignée pour élaborer une stratégie de recrutement de kamikazes. Cela nous démontre, une nouvelle fois, la limite du concept d’intégration par le sport, pour lequel nous avons également souligné la porosité face aux dérives criminogènes comme les trafics, les paris truqués et le dopage.
Des clubs, temples du laxisme
La règle 50.2 de la Charte olympique et la plupart des règlements fédéraux rappellent l’importance de la neutralité religieuse. Si de nombreux acteurs du sport font respecter les principes coubertiniens, plusieurs alertes apparaissent dans le débat public. Lors de nos observations au sein des clubs, nous avons notamment repéré des prières plus ou moins discrètes, ainsi qu’un refus de la mixité ou un regroupement entre coreligionnaires durant les entraînements.
Dans le cadre de notre enquête auprès de trois districts de football, les propos des licenciés, quels que soient leurs statuts, sont explicites. La permissivité cultuelle au sein des clubs est avérée tout en étant contraire aux statuts et règlements de la FFF. Pour ne citer que quelques exemples du rapport de Sport Prevent, on peut y lire que, selon un bénévole, «les prières dans les vestiaires, c’est courant et c’est admis. Il y a un deuxième vestiaire à côté de celui que nous utilisons qui est libre. Il y a ainsi tout le temps une salle disponible.» Selon un autre acteur du football, cette situation est «devenue une habitude. Les gens de confession musulmane font leur prière. Cela ne nous dérange pas. On respecte leur religion. Ils font leur prière dans le vestiaire, dans la buvette ou dans un lieu fermé.» Un éducateur nous a même indiqué que «deux joueurs sur trois sont capables de s’arrêter en plein entraînement pour faire la prière». (…)
Pour certains éducateurs sportifs, n’attacher aucune importance à la religion, voire à la neutralité cultuelle dans le sport, pour justifier cette accessibilité à la pratique, est une forme de complaisance. Ayoub, entraîneur spécialisé dans les disciplines de combat qui alimente cette permissivité au sein des clubs affiliés où il exerce, explique que «le fait que dans certains quartiers les gens se retirent pour aller faire la prière à certaines heures, dans le fond, tant qu’ils n’emmerdent personne, qu’ils s’en vont, qu’ils reviennent, ça ne le dérange pas».
Ces situations peuvent parfois virer au chantage. Lorsque cet entraîneur de football féminin qui, lors d’un match dans le centre de la France, indique qu’une de ses joueuses porte le voile et qu’elle ne l’enlèvera pas pour jouer sinon toute l’équipe s’en va, il impose une transgression de la règle. Devant cette injonction contraire aux statuts et règlements de la fédération, l’arbitre et l’équipe adverse se plient à cette menace pour éviter de sanctionner l’ensemble de l’équipe. Pourtant, en agissant ainsi, les autorités sportives se montrent faibles sur l’application des lois du jeu. Si nous ne respectons plus les règles de notre société, comment pourrons-nous éduquer, par le sport, aux valeurs de la République ?
Du communautarisme au séparatisme
L’exemple qui va suivre est une séquence particulière qui s’est déroulée dans un club de kickboxing du sud de la France. Une association de jeunes femmes musulmanes a souhaité pratiquer ce sport pour se maintenir en forme. La présidente prend l’attache d’une éducatrice de cette discipline pugilistique pour savoir si elle accepterait de leur donner des cours. Au cours de la discussion, la présidente pose ses exigences. Elle impose que tous les rideaux et volets soient fermés durant les séances. Aucun homme ne doit passer dans le club durant leurs entraînements.
Après l’accord du club pour un essai de quelques semaines, dans les conditions fixées, une trentaine de jeunes femmes viennent une fois par semaine s’entraîner dans ce club non affilié aux fédérations. Lors de mes entretiens avec la professeur de kickboxing, elle s’interrogeait sur le bien-fondé de la démarche qui lui semblait contraire aux principes républicains. Après quelques séances, elle a mis fin au partenariat avec cette association dont l’existence ne semble pas remise en cause à l’heure actuelle.
Le prof de judo de mon fils est un islamiste
Cependant, il y a beaucoup plus inquiétant que les sportifs radicalisés, c’est le dirigeant ou l’éducateur fiché pour radicalisation islamiste. Si je ne minimise pas, loin de là, le risque représenté par de simples adhérents au sein des structures, celui-ci n’est pas comparable à l’extrême menace que ferait peser un encadrement déviant sur les jeunes. Lors de mon entretien avec un dirigeant de l’Uclat, celui-ci souligne qu’il est nécessaire «d’avoir un point d’attention particulier, parce que c’est une zone de très grande vulnérabilité, sur la fonction charnière d’entraîneur. Je pense que c’est le point de bascule.» Ce phénomène est certes mineur, mais lorsqu’il est présent, il risque de transformer les comportements des adhérents du club. Plus ils sont jeunes, plus le risque est grand. C’est le cœur de mes travaux. Comment notre société peut-elle accepter de laisser des individus avoir la possibilité d’endoctriner des adolescents, en pleine construction, au sein de nos clubs institués ou non?
Pour illustrer cette menace, prenons un premier exemple qui touche à la fois le mouvement sportif et l’Éducation nationale. Un jeune professeur de judo, titulaire d’un diplôme d’État dans la discipline et d’une carte professionnelle délivrée par les services déconcentrés du ministère des Sports, s’est retrouvé en face-à-face pédagogique avec des jeunes scolarisés au d’une section sportive d’un établissement scolaire jurassien. Cette situation est identique, en tous points, à de nombreuses autres séances qui se déroulent quotidiennement sur l’ensemble du territoire. Pourtant, cet éducateur, ancien athlète inscrit sur les listes ministérielles de haut niveau, a entamé une conversion religieuse avant de s’engager dans une voie plus radicale.
Ses agissements et les propos qu’il tient auprès des judokas, plus particulièrement auprès des jeunes filles, interrogent les parents sans que le rectorat en soit avisé. Après seulement quelques semaines, les tensions se multiplient et ce sont les parents qui interviennent pour mettre fin à l’activité de cet éducateur sportif. Après enquête, le jeune éducateur sera probablement fiché et suivi pour sa radicalité. Sans la vigilance des parents, les problèmes d’endoctrinement et de recrutement auraient pu prendre une tournure tragique.
Car le risque majeur se trouve bien là: utiliser son statut dominant d’éducateur sportif pour «éduquer» des jeunes à l’idéologie politico-religieuse en dévoyant les valeurs sportives.
Entre incompétence et tolérance
Afin de rester le plus objectif et le plus pragmatique possible, illustrons mon inquiétude sur la base des chiffres institutionnels. Pour ce faire, nous allons les intégrer dans le schéma de graduation des atteintes à la neutralité dans le champ du sport. Ce schéma met en évidence le volume de sportifs impactés, directement et indirectement, par l’islamisme. Ces chiffres sont pourtant connus et partagés par les autorités. Si j’insiste volontairement sur ces données, c’est qu’elles sont éloquentes et inquiétantes.
En d’autres termes: - 65.000 pratiquants s’entraîneraient au sein d’associations sportives communautarisées ; - 11.000 sportifs s’entraînent dans cent vingt-deux clubs en lien avec la mouvance séparatiste ; - 1057 personnes, soit 13 % des individus inscrits au FSPRT, sont suivies dans le cadre du sport. Il est intolérable de laisser des associations communautarisées se développer sur le territoire, en toute connaissance de cause, sans que les autorités ne réagissent. Cette inaction facilite le repli communautaire de plusieurs dizaines de milliers d’individus au sein des structures instituées ou non.
Plus inquiétant encore et tout aussi incompréhensible, la connaissance interministérielle des clubs séparatistes. Comment peut-on à la fois indiquer publiquement un nombre de clubs qui ne respectent pas la loi et, dans le même temps, se refuser à la faire appliquer? Durant sa prise de parole, la ministre expliquait avoir fait fermer cinq clubs sur les cent vingt-sept identifiés. Mais qu’est-ce qui justifie que les cent vingt-deux autres bénéficient de la mansuétude gouvernementale? Depuis deux ans, plus de onze mille sportifs continuent à prendre le risque d’être endoctrinés au sein de ces clubs «protégés» par l’administration sportive, pourtant parfaitement consciente de la menace. Incompétence ou complaisance ?
Bref, la situation est inquiétante. Et comme il y a encore, dans notre pays, des gens comme Fonck ou Corvo qui ne savent rien, ne voient rien, le problème risque de ne pas être réglé de sitôt.