Soupçons d'emplois fictifs auprès de Laurent Wauquiez : enquêtes judiciaires et perquisitions en série
Posté : 12 janvier 2024 07:27
La justice s’intéresse de près à la gestion du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes présidé par Laurent Wauquiez. Emplois potentiellement détournés, recrutement d’un proche venu de LR pour superviser la distribution des subventions, dîners somptueux... Deux enquêtes sont en cours.
Le lundi 27 novembre 2023 au matin, cinq officiers de police judiciaire pénètrent dans les locaux de l’association Régions de France (RDF), quai de Grenelle, dans le 15e arrondissement de Paris. RDF représente les régions auprès des pouvoirs publics. C’est leur porte-voix, moyennant une cotisation annuelle de chaque conseil régional.
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En ce petit matin d’automne, les enquêteurs sont missionnés par le Parquet national financier (PNF), qui enquête sur d’éventuels emplois fictifs au sein du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes. Le 19 octobre dernier, la cellule investigation de Radio France révélait que quatre personnes rémunérées par cette collectivité ne travaillaient pas sur des dossiers régionaux mais œuvreraient possiblement à la carrière nationale de son président Les Républicains, Laurent Wauquiez, candidat potentiel de la droite à la présidentielle de 2027.
Un poste sans "utilité ni contenu"
Nawel G. est l’une des quatre personnes que nous avions identifiées et dont l’emploi serait, selon nos informations, "fictif". Jusqu’en novembre dernier, elle était "déléguée régionale à Paris" de la région Auvergne-Rhône-Alpes auprès de Régions de France. Son bureau, situé au siège de l’association, a été perquisitionné par les enquêteurs, à la recherche de documents qui prouveront, ou non, la réalité de son travail pour le conseil régional. "Les policiers sont restés toute la matinée avec elle", relate un témoin. Pendant ce temps-là, Philippe Bailbé, le délégué général de RDF, le numéro 2 de l’association présidée par Carole Delga, anime la réunion hebdomadaire habituelle avec ses équipes. "C’était lunaire. Les policiers étaient dans la pièce d’à côté et on était censés travailler comme si de rien n’était, poursuit le témoin. Notre délégué général nous a dit de ne pas nous inquiéter. Que cette affaire ne concernait pas Régions de France."
Philippe Bailbé pourrait cependant avoir à s’expliquer devant les enquêteurs. Car selon nos informations, c’est lui, que d’aucuns décrivent comme “proche de Laurent Wauquiez”, qui a recruté Nawel G. en 2019. Il est alors directeur général des services au conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes, soit le plus haut poste administratif de la collectivité. Il embauche Nawel G. en tant qu’agent contractuel pour 5 080 euros nets par mois. La région lui loue un bureau au siège de RDF pour 11 631 euros par an. Antoine (prénom d’emprunt), un collaborateur parisien proche de Nawel G., nous le confirme : "C’est Philippe Bailbé qui a mis en place son contrat en 2019. C’est à lui seul qu’elle rendait des comptes." En août 2022, Philippe Bailbé quitte le conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes. Dans la foulée, il devient délégué général... de RDF où il retrouve Nawel G. Interrogé sur ce contrat qu’il a mis en place, Philippe Bailbé répond que cela "rentre désormais dans le champ d’une enquête judiciaire". "Les réponses seront apportées, le moment venu et s’il y a lieu, dans le cadre de la procédure", écrit-il, en précisant avoir constamment veillé "au respect du cadre technique, juridique et budgétaire", lorsqu’il était directeur général des services de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Mais revenons à Nawel G. Officiellement, elle "a représenté la région Auvergne-Rhône-Alpes auprès de Régions de France" de 2019 à fin 2023. Sur son profil LinkedIn - modifié puis fermé quelques heures après la publication de la première enquête en octobre dernier - elle disait s'occuper "de la coordination régionale pour la réalisation des priorités du mandat". Sur place, quai de Grenelle, un salarié de RDF confirme l’avoir croisée à plusieurs reprises mais il avait "du mal à cerner ses fonctions exactes". Au sein même de la région Auvergne-Rhône-Alpes, l’existence de cet emploi à Paris interpelle. Comme l'enquête le révélait en octobre, les services administratifs du conseil régional ont alerté par écrit en avril 2023 le président Laurent Wauquiez sur ce poste qui "ne figurait dans aucun organigramme”, “n’a ni utilité, ni contenu" et pourrait s'apparenter à "un emploi fictif".
Nawel G. licenciée
Alerté par ses services, Laurent Wauquiez maintient d’abord Nawel G. à son poste. Elle fait même son apparition dans l'organigramme de la région au printemps 2023... avant d'en être retirée pendant l'été. D’après nos informations, la presque quadragénaire a été licenciée à l’automne dernier car, selon une source interne, "sa situation devenait intenable". "Elle gérait en parallèle une agence de relations publiques à Paris et elle a participé au Sarkothon il y a 10 ans. Cela fait beaucoup d'indices", lâche un membre d’un groupe d’opposition. Nawel G. a en effet été “responsable marketing et fundraising [levée de fonds, NDLR]” de LR entre 2012 et 2017. À ce titre, elle revendiquait sur sa page LinkedIn avoir "mis en œuvre et piloté" le "Sarkothon", cette souscription nationale extraordinaire qui a permis à Nicolas Sarkozy de rembourser ses dettes, après l'invalidation de ses comptes de campagne pour la présidentielle de 2012. Elle avait également participé à la campagne de l’ancien président.
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