Les Français et la dette : une histoire d’hypocrisie
Posté : 12 septembre 2024 12:11
"EDITORIAL - Les Français s’inquiètent des récents dérapages des comptes publics et du niveau record de la dette. Mais s’ils ont bien compris que le pays vivait à crédit, pas question de payer.
Qui l’aurait cru ? Le mauvais état de nos finances publiques est devenu le sujet central de cette rentrée politique. Il suffit de regarder les titres des journaux, de gauche comme de droite. Libération : « Budget : dans le flouze total. » Le Figaro : « Michel Barnier au pied du mur. » Le Monde : « Matignon sous pression budgétaire. » Le Parisien : « Et pendant ce temps le déficit se creuse. » Le Point : « Le mur de la dette. » L’Express : « Budget : la France ingérable. » Le Nouvel Obs : « La bombe à retardement. » Et le sujet s’est invité à toutes les universités d’été des formations politiques de cette rentrée.
Il est vrai que les récents dérapages des comptes publics, le niveau record de la dette et la perspective d’un budget introuvable ont de quoi alarmer dirigeants politiques et observateurs. Mais les Français dans tout ça ? Surprise : ils commencent eux aussi à s’inquiéter. Alors que, depuis des décennies, budget en déficit après budget en déficit, l’opinion publique semblait indifférente à cette question, régulièrement reléguée au bas de la pile, loin derrière le chômage, la sécurité, l’immigration, le pouvoir d’achat, la santé ou l’école…
Selon un sondage réalisé en mars dernier par Elabe pour Les Echos et l’Institut Montaigne, 84 % des Français se déclarent inquiets pour la situation économique, et 80 % estiment qu’il est urgent de réduire la dette. Ce sentiment d’urgence est majoritaire dans toutes les catégories de population : cadres, ouvriers, professions intermédiaires, CSP +, CSP -, jeunes, vieux, provinciaux, Parisiens…
Pas question de payer
Est-ce à dire qu’enfin il y a une prise de conscience ? Il faut rappeler au passage que les rares dirigeants à s’être attaqués – avec modération – à ce mal français ont tous été balayés par les électeurs, qu’il s’agisse de Valéry Giscard d’Estaing et Raymond Barre avec leur plan de rigueur en 1977, de Jacques Chirac et Edouard Balladur en 1986-1988 avec 40 milliards de francs de réduction du déficit en deux ans, de Lionel Jospin qui, en 1998, pour respecter les critères de Maastricht l’a réduit de 27 milliards de francs, ou de François Hollande qui l’a refait passer sous la barre des 3 %, alors qu’il était de 5,2 % à la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy.
En réalité, face à ce déséquilibre budgétaire permanent, les Français, riches et moins riches, commencent à s’inquiéter pour leur porte-monnaie. Et ils voient d’un très mauvais œil une prévisible hausse d’impôts. Car la France a déjà le record du monde des prélèvements obligatoires. D’autres pays, à commencer par les Etats-Unis, ont également une dette colossale, mais ils bénéficient d’un niveau de prélèvement beaucoup plus faible. Ce qui permet aisément d’augmenter les impôts en cas de nécessité.
Les Français ont donc bien compris que le pays vivait à crédit, mais pas question de payer. En cela, tous les Français sont des hypocrites. Selon leur situation économique et sociale, ils veulent mettre fin à l’« assistanat social », désindexer les retraites, supprimer les aides aux entreprises, taxer les superprofits, réintroduire un impôt sur la fortune, réduire le nombre de fonctionnaires… Pourvu que cela ne les touche pas eux. En revanche, ils sont tous d’accord pour réduire le train de vie des ministères. C’est ça l’hypocrisie : afficher une conviction, mais ne pas la respecter, tout en voulant l’imposer aux autres."
https://www.challenges.fr/economie/les- ... sie_904647
Qui l’aurait cru ? Le mauvais état de nos finances publiques est devenu le sujet central de cette rentrée politique. Il suffit de regarder les titres des journaux, de gauche comme de droite. Libération : « Budget : dans le flouze total. » Le Figaro : « Michel Barnier au pied du mur. » Le Monde : « Matignon sous pression budgétaire. » Le Parisien : « Et pendant ce temps le déficit se creuse. » Le Point : « Le mur de la dette. » L’Express : « Budget : la France ingérable. » Le Nouvel Obs : « La bombe à retardement. » Et le sujet s’est invité à toutes les universités d’été des formations politiques de cette rentrée.
Il est vrai que les récents dérapages des comptes publics, le niveau record de la dette et la perspective d’un budget introuvable ont de quoi alarmer dirigeants politiques et observateurs. Mais les Français dans tout ça ? Surprise : ils commencent eux aussi à s’inquiéter. Alors que, depuis des décennies, budget en déficit après budget en déficit, l’opinion publique semblait indifférente à cette question, régulièrement reléguée au bas de la pile, loin derrière le chômage, la sécurité, l’immigration, le pouvoir d’achat, la santé ou l’école…
Selon un sondage réalisé en mars dernier par Elabe pour Les Echos et l’Institut Montaigne, 84 % des Français se déclarent inquiets pour la situation économique, et 80 % estiment qu’il est urgent de réduire la dette. Ce sentiment d’urgence est majoritaire dans toutes les catégories de population : cadres, ouvriers, professions intermédiaires, CSP +, CSP -, jeunes, vieux, provinciaux, Parisiens…
Pas question de payer
Est-ce à dire qu’enfin il y a une prise de conscience ? Il faut rappeler au passage que les rares dirigeants à s’être attaqués – avec modération – à ce mal français ont tous été balayés par les électeurs, qu’il s’agisse de Valéry Giscard d’Estaing et Raymond Barre avec leur plan de rigueur en 1977, de Jacques Chirac et Edouard Balladur en 1986-1988 avec 40 milliards de francs de réduction du déficit en deux ans, de Lionel Jospin qui, en 1998, pour respecter les critères de Maastricht l’a réduit de 27 milliards de francs, ou de François Hollande qui l’a refait passer sous la barre des 3 %, alors qu’il était de 5,2 % à la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy.
En réalité, face à ce déséquilibre budgétaire permanent, les Français, riches et moins riches, commencent à s’inquiéter pour leur porte-monnaie. Et ils voient d’un très mauvais œil une prévisible hausse d’impôts. Car la France a déjà le record du monde des prélèvements obligatoires. D’autres pays, à commencer par les Etats-Unis, ont également une dette colossale, mais ils bénéficient d’un niveau de prélèvement beaucoup plus faible. Ce qui permet aisément d’augmenter les impôts en cas de nécessité.
Les Français ont donc bien compris que le pays vivait à crédit, mais pas question de payer. En cela, tous les Français sont des hypocrites. Selon leur situation économique et sociale, ils veulent mettre fin à l’« assistanat social », désindexer les retraites, supprimer les aides aux entreprises, taxer les superprofits, réintroduire un impôt sur la fortune, réduire le nombre de fonctionnaires… Pourvu que cela ne les touche pas eux. En revanche, ils sont tous d’accord pour réduire le train de vie des ministères. C’est ça l’hypocrisie : afficher une conviction, mais ne pas la respecter, tout en voulant l’imposer aux autres."
https://www.challenges.fr/economie/les- ... sie_904647