Est-il vrai que 700 000 personnes ayant déjà été sous le coup d’une OQTF vivent actuellement en France ?
Posté : 29 septembre 2024 07:53
OQ ! OQ ! OQTF(N) !...
Le chiffre agité par l’extrême droite ces derniers jours, déjà brandi par des élus LR ou macronistes, ne se fonde sur aucune statistique officielle et résulte d’un calcul simpliste et erroné.
C’est un chiffre qui refait surface à la faveur de l’émotion provoquée par le meurtre de Philippine, 19 ans, dont le tueur présumé est un Marocain, déjà condamné pour un viol en 2021, qui faisait l’objet d’une OQTF. Il y aurait en France 700 000 personnes vivant dans le pays tout en ayant déjà été la cible d’une obligation de quitter le territoire. Une décision administrative prise par une préfecture, qui peut viser des étrangers entrés en France de façon irrégulière, d’autres entrés sous couvert d’un visa qui n’est plus valable, ceux qui n’ont pas obtenu le statut de réfugié, ou encore ceux qui représentent une menace à l’ordre public.
«Tu les mets dans un avion et tu les laisses là-bas», suggérait, à propos des personnes sous OQTF, Cyril Hanouna dans son émission On marche sur la tête sur Europe 1, tandis qu’un de ses chroniqueurs évoquait «500 000 à 700 000 personnes.» Ce même chiffre a été repris dans les émissions de Pascal Praud, que ce soit dans l’Heure des pros sur CNews, ou dans Pascal Praud et vous, sur Europe 1. A l’antenne de la radio de Vincent Bolloré, le député RN Laurent Jacobelli avait déjà procédé à un exposé similaire, mardi 24 septembre : «Savez-vous combien de personnes qui ont été sous le coup d’une OQTF vivent en France ? 700 000. Certains ont vu leur OQTF être périmée au bout d’un an. C’est ce qu’a cité le Sénat dans une étude récente. Il y a aujourd’hui 700 000 personnes qui ne devraient pas être sur le territoire français. Et parmi [elles], des gens qui ont été condamnés, des multirécidivistes, des gens qui ont fait de la prison, ou qui parfois n’en ont pas fait et auraient dû en faire.»
On retrouve cette donnée dans la proposition de loi «visant à mieux protéger la société des étrangers clandestins dangereux et à faciliter leur expulsion», déposée jeudi 26 septembre par Laurent Wauquiez et les membres du groupe Droite républicaine à l’Assemblée. Dans leur texte, les députés LR dénoncent la présence sur le «territoire national» d’«environ 700 000 personnes sous obligation de quitter le territoire français ou ayant déjà fait l’objet d’une OQTF».
...
OQTF et délinquance, la grande confusion
En dernier lieu, la confusion entre les étrangers ayant commis des infractions et les étrangers ayant fait l’objet d’une OQTF, largement suggérée dans les débats des derniers jours, est trompeuse. Le fait de présenter une menace pour l’ordre public peut être un des motifs de délivrance d’une OQTF. Mais la menace à l’ordre publique n’implique pas nécessairement une condamnation préalable (et donc le fait d’être « délinquant » et constitue une mesure préventive. De plus en plus utilisé, ce motif est largement critiqué par les associations de défense des droits des étrangers.
En 2022, sur les 129 681 OQTF prononcées à l’encontre des ressortissants issus de pays tiers, 52 162 l’avaient été en raison du motif de l’entrée irrégulière, 4 209 en raison du maintien irrégulier sur le territoire, 25 683 en raison du refus de délivrance ou du non-renouvellement d’un titre de séjour, 36 981 en raison du refus de la qualité de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire et 9 837 sur le motif de menace pour l’ordre public (à peine plus de 7 %).
L’OQTF, sans être directement motivée par la menace à l’ordre public, peut toutefois aussi avoir un lien indirect avec celle-ci, notamment en cas d’OQTF pour refus de délivrance de titre, ou de non-renouvellement. D’après la DGEF, 6,8 % des refus de première délivrance de titre de séjour et 13,9 % de ceux de renouvellement le seraient ainsi pour des motifs de menace à l’ordre public. Mais là encore, sans que cela n’implique nécessairement que les étrangers visés aient été condamnés préalablement.
https://www.liberation.fr/checknews/est ... U6J2SBKIE/
Le chiffre agité par l’extrême droite ces derniers jours, déjà brandi par des élus LR ou macronistes, ne se fonde sur aucune statistique officielle et résulte d’un calcul simpliste et erroné.
C’est un chiffre qui refait surface à la faveur de l’émotion provoquée par le meurtre de Philippine, 19 ans, dont le tueur présumé est un Marocain, déjà condamné pour un viol en 2021, qui faisait l’objet d’une OQTF. Il y aurait en France 700 000 personnes vivant dans le pays tout en ayant déjà été la cible d’une obligation de quitter le territoire. Une décision administrative prise par une préfecture, qui peut viser des étrangers entrés en France de façon irrégulière, d’autres entrés sous couvert d’un visa qui n’est plus valable, ceux qui n’ont pas obtenu le statut de réfugié, ou encore ceux qui représentent une menace à l’ordre public.
«Tu les mets dans un avion et tu les laisses là-bas», suggérait, à propos des personnes sous OQTF, Cyril Hanouna dans son émission On marche sur la tête sur Europe 1, tandis qu’un de ses chroniqueurs évoquait «500 000 à 700 000 personnes.» Ce même chiffre a été repris dans les émissions de Pascal Praud, que ce soit dans l’Heure des pros sur CNews, ou dans Pascal Praud et vous, sur Europe 1. A l’antenne de la radio de Vincent Bolloré, le député RN Laurent Jacobelli avait déjà procédé à un exposé similaire, mardi 24 septembre : «Savez-vous combien de personnes qui ont été sous le coup d’une OQTF vivent en France ? 700 000. Certains ont vu leur OQTF être périmée au bout d’un an. C’est ce qu’a cité le Sénat dans une étude récente. Il y a aujourd’hui 700 000 personnes qui ne devraient pas être sur le territoire français. Et parmi [elles], des gens qui ont été condamnés, des multirécidivistes, des gens qui ont fait de la prison, ou qui parfois n’en ont pas fait et auraient dû en faire.»
On retrouve cette donnée dans la proposition de loi «visant à mieux protéger la société des étrangers clandestins dangereux et à faciliter leur expulsion», déposée jeudi 26 septembre par Laurent Wauquiez et les membres du groupe Droite républicaine à l’Assemblée. Dans leur texte, les députés LR dénoncent la présence sur le «territoire national» d’«environ 700 000 personnes sous obligation de quitter le territoire français ou ayant déjà fait l’objet d’une OQTF».
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OQTF et délinquance, la grande confusion
En dernier lieu, la confusion entre les étrangers ayant commis des infractions et les étrangers ayant fait l’objet d’une OQTF, largement suggérée dans les débats des derniers jours, est trompeuse. Le fait de présenter une menace pour l’ordre public peut être un des motifs de délivrance d’une OQTF. Mais la menace à l’ordre publique n’implique pas nécessairement une condamnation préalable (et donc le fait d’être « délinquant » et constitue une mesure préventive. De plus en plus utilisé, ce motif est largement critiqué par les associations de défense des droits des étrangers.
En 2022, sur les 129 681 OQTF prononcées à l’encontre des ressortissants issus de pays tiers, 52 162 l’avaient été en raison du motif de l’entrée irrégulière, 4 209 en raison du maintien irrégulier sur le territoire, 25 683 en raison du refus de délivrance ou du non-renouvellement d’un titre de séjour, 36 981 en raison du refus de la qualité de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire et 9 837 sur le motif de menace pour l’ordre public (à peine plus de 7 %).
L’OQTF, sans être directement motivée par la menace à l’ordre public, peut toutefois aussi avoir un lien indirect avec celle-ci, notamment en cas d’OQTF pour refus de délivrance de titre, ou de non-renouvellement. D’après la DGEF, 6,8 % des refus de première délivrance de titre de séjour et 13,9 % de ceux de renouvellement le seraient ainsi pour des motifs de menace à l’ordre public. Mais là encore, sans que cela n’implique nécessairement que les étrangers visés aient été condamnés préalablement.
https://www.liberation.fr/checknews/est ... U6J2SBKIE/