Motion de censure : les acteurs économiques sont inquiets et c’est inquiétant
Posté : 02 décembre 2024 20:13
La perspective d’une absence de budget et de la chute du gouvernement est suivie attentivement par les marchés sans céder à la panique. A la hausse des taux obligataires, s’ajoute le pessimisme des ménages comme des chefs d’entreprise.
Il n’a qu’à peine cillé. Après un trou d’air à l’ouverture, le CAC 40, thermomètre de la confiance des acteurs économiques, est remonté puis resté quasiment stable lorsque, coup sur coup, Michel Barnier a annoncé lundi après-midi le recours au 49.3 sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, suivi des engagements de la gauche et du RN à voter une motion de censure synonyme de fin du gouvernement Barnier. Le CAC 40 a terminé à 0,1 % de moins que vendredi soir. Et, pourtant, tous les indicateurs sur le moral des ménages et des entreprises montrent à quel point de nombreux acteurs économiques craignent une absence de budget et la chute du gouvernement. Un paradoxe ? Pas tout à fait… Car au milieu de ce flot d’inquiétude demeure un fond de sentiment de stabilité.
Déjà, vendredi soir, un signal de confiance inespéré a permis de rassurer, du moins du côté des créanciers internationaux dont la France a besoin pour financer sa dette : l’agence américaine Standard & Poor’s (S & P) a maintenu sa notation de la France, malgré l’incertitude politique, en saluant les efforts de redressement budgétaire. De quoi éclipser temporairement la ribambelle de statistiques sombres de ces derniers jours. A commencer par un CAC 40 autour des 7 200 points, en chute de 12 % depuis les 8 200 points de mai, le pic avant la dissolution. Mais aussi les taux des obligations françaises à dix ans toujours bien plus hauts que ceux des Allemands, avec un spread (écart de taux) de près de 90 points lundi. Sans oublier le départ précipité du DG de Stellantis, Carlos Tavares, annoncé dimanche soir, qui a fait chuter de 7 % l’action d’un des fleurons de l’économie française le lendemain.
«La pire des choses serait d’aboutir au rejet du texte»
Du côté des ménages, l’indice de confiance calculé par l’Insee illustre un pessimisme grandissant : sur leur situation financière future, sur l’opportunité d’épargner, sur leur niveau de vie futur et, surtout, sur l’évolution du chômage, avec le niveau de craintes le plus élevé depuis mai 2021. C’est encore pire du côté des entreprises, où l’attentisme s’installe. Dans le dernier baromètre trimestriel de Bpifrance et Rexecode, paru le 15 novembre, plus de la moitié des PME et TPE (56 %) estiment que l’incertitude politique a un «impact négatif fort» sur leur activité et un peu plus d’un tiers (36 %) «un impact léger». Parmi les chefs d’entreprise qui avaient des projets d’investissement, 45 % comptent les reporter et 21 % envisagent de les annuler. 35 % et 19 % pour ceux qui disaient vouloir embaucher. Le tout alimenté par une multiplication de plans sociaux et de conflits qui donnent aux Français un sentiment d’impuissance, que ce soit avec la perspective de l’accord de libre-échange entre les pays de l’Union européenne et ceux du Mercosur ou les fermetures d’usine qui s’annoncent après tant de largesses pour les attirer.
Toutes les organisations patronales sont montées au créneau lundi. «Ne sacrifiez pas nos entreprises sur l’autel de vos ambitions», a lancé la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) aux députés, estimant qu’une censure du gouvernement provoquerait «une crise de la dette dont les conséquences frapperaient de plein fouet les acteurs économiques». «La pire des choses serait d’aboutir au rejet du texte et à la censure du gouvernement» qui «plongerait le pays dans l’inconnue la plus totale», renchérit l’U2P, la fédération des très petites entreprises. Le président du Medef, Patrick Martin, s’est, lui, exprimé dans la Montagne : «La situation politique française pèse sur la conjoncture économique depuis la dissolution […] on le voit avec des embauches à l’arrêt en France et des investissements en baisse alors qu’il faudrait investir massivement pour tenir notre compétitivité, a-t-il expliqué au quotidien régional. Ces mesures vont peser sur l’activité et l’emploi, les recettes fiscales baisseront et les déficits se creuseront. Tout ceci dans un panorama de compétition internationale qui, au contraire, nécessiterait de doper l’activité.» Et le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, d’ajouter dans la Tribune Dimanche : «En cas de censure, notre crédit serait atteint.»
«Si le spread monte à 100 avec les taux allemands, ce n’est pas si grave»
Autant de déclarations alarmistes qui risquent de peser sur le réel, s’agace Ludovic Subran, économiste en chef du groupe Allianz, membre du nouveau comité scientifique des finances publiques chargé d’améliorer les prévisions macroéconomiques de Bercy. «Les créanciers internationaux s’inquiètent moins que les acteurs économiques, car ils savent qu’existe le filet de la Banque centrale européenne et que la France ne fera pas défaut, rassure-t-il. Tant que le Président ne démissionne pas ou que nous n’avons pas de Premier ministre extrême, nous avons une part de stabilité politique. Si le spread monte à 100 avec les taux allemands, ce n’est pas si grave. Idem si nous n’atteignons pas 5 % de déficit l’an prochain, l‘important est de lancer une trajectoire. Et le crédit aux entreprises françaises n’a pas du tout dévissé.» Pour lui, «les milieux économiques ne doivent pas jouer les Cassandre : attention à ne pas trop noircir le tableau et à rester sur des faits, sinon ce sera autoréalisateur. En Italie ou en Espagne, les acteurs économiques disaient vouloir aller de l’avant même dans un environnement hostile, ce qui a offert un filet de sécurité. Il ne faut pas laisser trop s’ancrer des anticipations négatives.»
https://www.liberation.fr/economie/budg ... K6WZZFP5Y/
Il n’a qu’à peine cillé. Après un trou d’air à l’ouverture, le CAC 40, thermomètre de la confiance des acteurs économiques, est remonté puis resté quasiment stable lorsque, coup sur coup, Michel Barnier a annoncé lundi après-midi le recours au 49.3 sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, suivi des engagements de la gauche et du RN à voter une motion de censure synonyme de fin du gouvernement Barnier. Le CAC 40 a terminé à 0,1 % de moins que vendredi soir. Et, pourtant, tous les indicateurs sur le moral des ménages et des entreprises montrent à quel point de nombreux acteurs économiques craignent une absence de budget et la chute du gouvernement. Un paradoxe ? Pas tout à fait… Car au milieu de ce flot d’inquiétude demeure un fond de sentiment de stabilité.
Déjà, vendredi soir, un signal de confiance inespéré a permis de rassurer, du moins du côté des créanciers internationaux dont la France a besoin pour financer sa dette : l’agence américaine Standard & Poor’s (S & P) a maintenu sa notation de la France, malgré l’incertitude politique, en saluant les efforts de redressement budgétaire. De quoi éclipser temporairement la ribambelle de statistiques sombres de ces derniers jours. A commencer par un CAC 40 autour des 7 200 points, en chute de 12 % depuis les 8 200 points de mai, le pic avant la dissolution. Mais aussi les taux des obligations françaises à dix ans toujours bien plus hauts que ceux des Allemands, avec un spread (écart de taux) de près de 90 points lundi. Sans oublier le départ précipité du DG de Stellantis, Carlos Tavares, annoncé dimanche soir, qui a fait chuter de 7 % l’action d’un des fleurons de l’économie française le lendemain.
«La pire des choses serait d’aboutir au rejet du texte»
Du côté des ménages, l’indice de confiance calculé par l’Insee illustre un pessimisme grandissant : sur leur situation financière future, sur l’opportunité d’épargner, sur leur niveau de vie futur et, surtout, sur l’évolution du chômage, avec le niveau de craintes le plus élevé depuis mai 2021. C’est encore pire du côté des entreprises, où l’attentisme s’installe. Dans le dernier baromètre trimestriel de Bpifrance et Rexecode, paru le 15 novembre, plus de la moitié des PME et TPE (56 %) estiment que l’incertitude politique a un «impact négatif fort» sur leur activité et un peu plus d’un tiers (36 %) «un impact léger». Parmi les chefs d’entreprise qui avaient des projets d’investissement, 45 % comptent les reporter et 21 % envisagent de les annuler. 35 % et 19 % pour ceux qui disaient vouloir embaucher. Le tout alimenté par une multiplication de plans sociaux et de conflits qui donnent aux Français un sentiment d’impuissance, que ce soit avec la perspective de l’accord de libre-échange entre les pays de l’Union européenne et ceux du Mercosur ou les fermetures d’usine qui s’annoncent après tant de largesses pour les attirer.
Toutes les organisations patronales sont montées au créneau lundi. «Ne sacrifiez pas nos entreprises sur l’autel de vos ambitions», a lancé la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) aux députés, estimant qu’une censure du gouvernement provoquerait «une crise de la dette dont les conséquences frapperaient de plein fouet les acteurs économiques». «La pire des choses serait d’aboutir au rejet du texte et à la censure du gouvernement» qui «plongerait le pays dans l’inconnue la plus totale», renchérit l’U2P, la fédération des très petites entreprises. Le président du Medef, Patrick Martin, s’est, lui, exprimé dans la Montagne : «La situation politique française pèse sur la conjoncture économique depuis la dissolution […] on le voit avec des embauches à l’arrêt en France et des investissements en baisse alors qu’il faudrait investir massivement pour tenir notre compétitivité, a-t-il expliqué au quotidien régional. Ces mesures vont peser sur l’activité et l’emploi, les recettes fiscales baisseront et les déficits se creuseront. Tout ceci dans un panorama de compétition internationale qui, au contraire, nécessiterait de doper l’activité.» Et le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, d’ajouter dans la Tribune Dimanche : «En cas de censure, notre crédit serait atteint.»
«Si le spread monte à 100 avec les taux allemands, ce n’est pas si grave»
Autant de déclarations alarmistes qui risquent de peser sur le réel, s’agace Ludovic Subran, économiste en chef du groupe Allianz, membre du nouveau comité scientifique des finances publiques chargé d’améliorer les prévisions macroéconomiques de Bercy. «Les créanciers internationaux s’inquiètent moins que les acteurs économiques, car ils savent qu’existe le filet de la Banque centrale européenne et que la France ne fera pas défaut, rassure-t-il. Tant que le Président ne démissionne pas ou que nous n’avons pas de Premier ministre extrême, nous avons une part de stabilité politique. Si le spread monte à 100 avec les taux allemands, ce n’est pas si grave. Idem si nous n’atteignons pas 5 % de déficit l’an prochain, l‘important est de lancer une trajectoire. Et le crédit aux entreprises françaises n’a pas du tout dévissé.» Pour lui, «les milieux économiques ne doivent pas jouer les Cassandre : attention à ne pas trop noircir le tableau et à rester sur des faits, sinon ce sera autoréalisateur. En Italie ou en Espagne, les acteurs économiques disaient vouloir aller de l’avant même dans un environnement hostile, ce qui a offert un filet de sécurité. Il ne faut pas laisser trop s’ancrer des anticipations négatives.»
https://www.liberation.fr/economie/budg ... K6WZZFP5Y/