En Italie, Giorgia Meloni édulcore dangereusement les lois anti-mafia
Posté : 06 janvier 2025 15:23
"Depuis son arrivée au pouvoir en octobre 2022, la cheffe du gouvernement italien fait adopter des lois qui viennent affaiblir l'efficience de l'État dans sa lutte contre les mafias italiennes.
En Italie, la lutte contre les groupes mafieux a toujours suivi des dynamiques cycliques. Mais à l'heure actuelle, il semble que la tendance penche du côté de la mafia.
Depuis l'arrivée au pouvoir de Giorgia Meloni en 2022, certains dispositifs anti-mafias établis depuis les années 1990 ont en effet été remis en cause, au nom de «l'efficacité» et du respect de la vie privée, explique dans The Conversation Felia Allum, professeure de criminalité organisée comparée et de corruption à Université de Bath, au Royaume-Uni. Selon elle, il est clair que la mafia italienne bénéficie désormais de certaines décisions prises par la cheffe du gouvernement au cours des deux dernières années.
L'accession au pouvoir de Giorgia Meloni s'est accompagnée de plusieurs lois visant à encadrer la liberté de la presse, ce qui est largement perçu comme une attaque fondamentale contre la liberté d'informer. Que cela soit conscient ou non, ces démarches entravent la capacité des journalistes à enquêter sur la mafia et son rôle dans la société italienne. Auparavant, les journalistes pouvaient utiliser l'ensemble des enregistrements téléphoniques dont ils disposaient pour mener à bien leurs enquêtes. Dorénavant, ils ne pourront mobiliser que les éléments exploités par les juges d'instruction lors des enquêtes préliminaires.
Le gouvernement italien est également revenu sur le délit d'abus de fonction, qui permettait jusqu'alors d'encadrer le rôle des administrateurs locaux. L'abolition de ce délit renforce la capacité des fonctionnaires et autres agents locaux à recourir au clientélisme et au népotisme, des pratiques intrinsèquement liées au crime organisé et aux systèmes mafieux.
Témoigner contre la mafia, une décision rendue difficile
En outre, Giorgia Meloni et ses alliés ambitionnent d'encadrer davantage les écoutes téléphoniques privées. Bien que ce sujet soit tabou dans de nombreux pays, cette pratique a largement fait ses preuves dans les années 1990 en Italie pour démanteler les réseaux mafieux les plus puissants du pays. La nouvelle loi, actuellement en cours d'examen au Parlement, propose de limiter à 45 jours la surveillance des appels d'un suspect. Bien que la loi vise les personnes suspectées de vouloir commettre un acte terroriste ou d'appartenir à un réseau mafieux, elle omet de mentionner que la mafia italienne s'appuie considérablement sur des membres de la société civile pour blanchir ses activités (avocats, commerçants, etc.).
Enfin, la nouvelle loi italienne prévoit d'affaiblir le statut de «témoins de l'État», qui avait pourtant permis de réaliser de grandes avancées dans la lutte contre la mafia sicilienne, dans le sillage du célèbre juge Giovanni Falcone. Après avoir témoigné contre la mafia et leurs anciens compères, ces témoins recevaient de l'État italien une nouvelle identité et une indemnité financière, pour les inciter à ne pas retomber dans des activités illégales. L'idée est désormais de ne plus rendre automatique cette indemnité, jugée trop coûteuse. Avec la nouvelle législation, le statut de témoin de l'État perd donc de son attractivité.
En définitive, l'évolution de la législation italienne vient affaiblir l'un des dispositifs anti-mafias les plus performants au monde. Que cela soit voulu ou non, le risque de voir la mafia consolider sa place dans la société italienne est patent."
https://www.slate.fr/monde/italie-mafia ... wtab-fr-fr
En Italie, la lutte contre les groupes mafieux a toujours suivi des dynamiques cycliques. Mais à l'heure actuelle, il semble que la tendance penche du côté de la mafia.
Depuis l'arrivée au pouvoir de Giorgia Meloni en 2022, certains dispositifs anti-mafias établis depuis les années 1990 ont en effet été remis en cause, au nom de «l'efficacité» et du respect de la vie privée, explique dans The Conversation Felia Allum, professeure de criminalité organisée comparée et de corruption à Université de Bath, au Royaume-Uni. Selon elle, il est clair que la mafia italienne bénéficie désormais de certaines décisions prises par la cheffe du gouvernement au cours des deux dernières années.
L'accession au pouvoir de Giorgia Meloni s'est accompagnée de plusieurs lois visant à encadrer la liberté de la presse, ce qui est largement perçu comme une attaque fondamentale contre la liberté d'informer. Que cela soit conscient ou non, ces démarches entravent la capacité des journalistes à enquêter sur la mafia et son rôle dans la société italienne. Auparavant, les journalistes pouvaient utiliser l'ensemble des enregistrements téléphoniques dont ils disposaient pour mener à bien leurs enquêtes. Dorénavant, ils ne pourront mobiliser que les éléments exploités par les juges d'instruction lors des enquêtes préliminaires.
Le gouvernement italien est également revenu sur le délit d'abus de fonction, qui permettait jusqu'alors d'encadrer le rôle des administrateurs locaux. L'abolition de ce délit renforce la capacité des fonctionnaires et autres agents locaux à recourir au clientélisme et au népotisme, des pratiques intrinsèquement liées au crime organisé et aux systèmes mafieux.
Témoigner contre la mafia, une décision rendue difficile
En outre, Giorgia Meloni et ses alliés ambitionnent d'encadrer davantage les écoutes téléphoniques privées. Bien que ce sujet soit tabou dans de nombreux pays, cette pratique a largement fait ses preuves dans les années 1990 en Italie pour démanteler les réseaux mafieux les plus puissants du pays. La nouvelle loi, actuellement en cours d'examen au Parlement, propose de limiter à 45 jours la surveillance des appels d'un suspect. Bien que la loi vise les personnes suspectées de vouloir commettre un acte terroriste ou d'appartenir à un réseau mafieux, elle omet de mentionner que la mafia italienne s'appuie considérablement sur des membres de la société civile pour blanchir ses activités (avocats, commerçants, etc.).
Enfin, la nouvelle loi italienne prévoit d'affaiblir le statut de «témoins de l'État», qui avait pourtant permis de réaliser de grandes avancées dans la lutte contre la mafia sicilienne, dans le sillage du célèbre juge Giovanni Falcone. Après avoir témoigné contre la mafia et leurs anciens compères, ces témoins recevaient de l'État italien une nouvelle identité et une indemnité financière, pour les inciter à ne pas retomber dans des activités illégales. L'idée est désormais de ne plus rendre automatique cette indemnité, jugée trop coûteuse. Avec la nouvelle législation, le statut de témoin de l'État perd donc de son attractivité.
En définitive, l'évolution de la législation italienne vient affaiblir l'un des dispositifs anti-mafias les plus performants au monde. Que cela soit voulu ou non, le risque de voir la mafia consolider sa place dans la société italienne est patent."
https://www.slate.fr/monde/italie-mafia ... wtab-fr-fr