«On va enlever les menottes que Biden a mises aux forces de l’ordre» : aux Etats-Unis, la chasse aux sorcières a débuté
Posté : 22 janvier 2025 11:04
Pendant "qu'ici" certains en rêvent....
Au lendemain de l’investiture de Trump, la peur s’est emparée d’une grande partie de la population issue de l’immigration récente, qui déserte certains quartiers de grandes métropoles. La nouvelle administration promet d’étendre à tout le pays le climat de militarisation établi par l’Etat du Texas ces dernières années.
Les salles de restaurants communautaires sonnaient creux, lundi 20 janvier, dans des quartiers populaires de New York, Denver, San Antonio ou Chicago, au soir du retour au pouvoir de Donald Trump. La clientèle d’habitués préférait se tenir à l’écart des lieux fréquentés par une large population issue de l’immigration récente. Dans les grandes métropoles démocrates, on a aussi recensé de nombreux employés manquant à l’appel au travail le lendemain matin, terrés chez eux pour éviter de s’exposer à l’un des raids encore vantés la veille comme imminents, en direct sur Fox News, par Tom Homan. «Attendez de voir demain matin 6 heures, faisait miroiter le patron de la répression migratoire au sein de la nouvelle administration, dont les sempiternelles rodomontades de gros dur figuraient, à l’évidence, sur la fiche de poste. On va enlever les menottes que Biden a mises aux forces de l’ordre pour les coller aux “bads guys”.» Trump, lui-même a réitéré lors de sa première conférence de presse lundi soir, marquant son retour dans le Bureau Ovale : «Je ne veux pas dire quand, mais ça va avoir lieu, ça doit avoir lieu.»
Des médias locaux décrivent donc des quartiers entiers réduits à l’état de zones fantômes, avec des commerces désertés, comme dans le très hispanique Little Village de Chicago, où le trafic piéton aurait fondu de plus 50 % selon une évaluation de la Chambre de commerce auprès de 400 enseignes, souvent catastrophées de voir leur activité plonger. Par-delà les menaces claironnées par le nouvel exécutif fédéral, au titre de mettre un terme à une «invasion criminelle», éternel leitmotiv du candidat Trump, un faisceau de rumeurs et de fuites médiatiques les jours précédents, détaillant les villes dans le collimateur des premières descentes de l’«Opération Safeguard» fraîchement proclamée, avait déjà plongé des communautés entières dans un état de hantise, et mis leurs autorités locales en alerte, incitant par exemple la police de Chicago à officialiser qu’elle refuserait d’y associer ses moyens, ou le district scolaire de Denver à émettre des directives de formation de ses personnels, afin qu’ils sachent répondre à l’éventualité d’une rafle opérée dans une école.
Démonstration de force
Une prophylaxie justifiée a posteriori par Trump, au gré de sa dizaine de décrets exécutifs adressés à la répression de l’immigration et de la révocation de quantité de directives de l’ère Biden. La police des frontières (l’ICE) a ainsi vu lever celles qui lui interdisaient depuis 2021 de procéder à des arrestations à proximité et dans des zones jugées «sensibles» comme les écoles, les églises ou les établissements de santé.
Cette éventualité ne s’était certes pas encore matérialisée mardi à la mi-journée, pas plus que le coup de filet en forme de démonstration de force attendu à tout instant depuis lundi. Mais divers relais politiques et médiatiques de Trump se félicitent déjà de la peur instillée à travers le pays aux étrangers – certains résidant et travaillant aux Etats-Unis depuis des décennies – comme un premier accomplissement majeur de cette nouvelle présidence, susceptible d’inciter les indésirables à décamper d’eux-mêmes. Ce qui ferait bien l’affaire d’Homan et consorts, qui n’ont concrètement pas les moyens, chiffrés à des centaines de milliards de dollars, de conduire la «plus grosse opération d’expulsions de l’histoire» promise depuis des mois.
Militarisation
Le vaste arsenal mobilisé par Trump au gré de sa frénésie d’ordonnances a certainement aussi cette vocation-là : après avoir fait campagne sur le thème d’une contagion du chaos frontalier à chaque Etat, ville et recoin du pays – avec l’aide de gouverneurs républicains déversant cyniquement un flot de demandeurs d’asiles déroutés en plein Manhattan ou Washington DC –, la nouvelle administration promet d’étendre à tout le pays le climat de militarisation déjà installé ces dernières années par l’Etat du Texas le long du Rio Grande. La mobilisation des ressources du Pentagone en support de l’ICE et de la construction du mur frontalier est de fait l’un des axes de la panoplie d’actes exécutifs dégainée lundi par Trump, tout comme sa tentative (inconstitutionnelle) de réviser le droit du sol, ou encore l’invocation de l’Alien Enemies Act, une loi de 1798 qui conférerait à l’exécutif des pouvoirs étendus, jusqu’à l’arrestation de citoyens américains originaires du même pays où sont basés gangs et cartels dans le collimateur de la Maison Blanche.
Bien que requalifiés en «organisations terroristes», ces derniers pourraient cependant tirer bénéfice, à court terme, du virage trumpien : la désactivation dès ce lundi midi de l’application officielle permettant jusqu’ici aux aspirants à l’asile de prendre rendez-vous pour emprunter un point d’entrée légal aux Etats-Unis a toutes les chances de reporter des dizaines de milliers d’infortunés massés à la frontière, et désormais confrontés aussi à un mur administratif, vers les réseaux des passeurs, alimentant ainsi un flot de traversées illicites et risquées qui se trouvait le mois dernier à son niveau le plus bas mesuré depuis près de cinq ans.
https://www.liberation.fr/international ... directed=1
Au lendemain de l’investiture de Trump, la peur s’est emparée d’une grande partie de la population issue de l’immigration récente, qui déserte certains quartiers de grandes métropoles. La nouvelle administration promet d’étendre à tout le pays le climat de militarisation établi par l’Etat du Texas ces dernières années.
Les salles de restaurants communautaires sonnaient creux, lundi 20 janvier, dans des quartiers populaires de New York, Denver, San Antonio ou Chicago, au soir du retour au pouvoir de Donald Trump. La clientèle d’habitués préférait se tenir à l’écart des lieux fréquentés par une large population issue de l’immigration récente. Dans les grandes métropoles démocrates, on a aussi recensé de nombreux employés manquant à l’appel au travail le lendemain matin, terrés chez eux pour éviter de s’exposer à l’un des raids encore vantés la veille comme imminents, en direct sur Fox News, par Tom Homan. «Attendez de voir demain matin 6 heures, faisait miroiter le patron de la répression migratoire au sein de la nouvelle administration, dont les sempiternelles rodomontades de gros dur figuraient, à l’évidence, sur la fiche de poste. On va enlever les menottes que Biden a mises aux forces de l’ordre pour les coller aux “bads guys”.» Trump, lui-même a réitéré lors de sa première conférence de presse lundi soir, marquant son retour dans le Bureau Ovale : «Je ne veux pas dire quand, mais ça va avoir lieu, ça doit avoir lieu.»
Des médias locaux décrivent donc des quartiers entiers réduits à l’état de zones fantômes, avec des commerces désertés, comme dans le très hispanique Little Village de Chicago, où le trafic piéton aurait fondu de plus 50 % selon une évaluation de la Chambre de commerce auprès de 400 enseignes, souvent catastrophées de voir leur activité plonger. Par-delà les menaces claironnées par le nouvel exécutif fédéral, au titre de mettre un terme à une «invasion criminelle», éternel leitmotiv du candidat Trump, un faisceau de rumeurs et de fuites médiatiques les jours précédents, détaillant les villes dans le collimateur des premières descentes de l’«Opération Safeguard» fraîchement proclamée, avait déjà plongé des communautés entières dans un état de hantise, et mis leurs autorités locales en alerte, incitant par exemple la police de Chicago à officialiser qu’elle refuserait d’y associer ses moyens, ou le district scolaire de Denver à émettre des directives de formation de ses personnels, afin qu’ils sachent répondre à l’éventualité d’une rafle opérée dans une école.
Démonstration de force
Une prophylaxie justifiée a posteriori par Trump, au gré de sa dizaine de décrets exécutifs adressés à la répression de l’immigration et de la révocation de quantité de directives de l’ère Biden. La police des frontières (l’ICE) a ainsi vu lever celles qui lui interdisaient depuis 2021 de procéder à des arrestations à proximité et dans des zones jugées «sensibles» comme les écoles, les églises ou les établissements de santé.
Cette éventualité ne s’était certes pas encore matérialisée mardi à la mi-journée, pas plus que le coup de filet en forme de démonstration de force attendu à tout instant depuis lundi. Mais divers relais politiques et médiatiques de Trump se félicitent déjà de la peur instillée à travers le pays aux étrangers – certains résidant et travaillant aux Etats-Unis depuis des décennies – comme un premier accomplissement majeur de cette nouvelle présidence, susceptible d’inciter les indésirables à décamper d’eux-mêmes. Ce qui ferait bien l’affaire d’Homan et consorts, qui n’ont concrètement pas les moyens, chiffrés à des centaines de milliards de dollars, de conduire la «plus grosse opération d’expulsions de l’histoire» promise depuis des mois.
Militarisation
Le vaste arsenal mobilisé par Trump au gré de sa frénésie d’ordonnances a certainement aussi cette vocation-là : après avoir fait campagne sur le thème d’une contagion du chaos frontalier à chaque Etat, ville et recoin du pays – avec l’aide de gouverneurs républicains déversant cyniquement un flot de demandeurs d’asiles déroutés en plein Manhattan ou Washington DC –, la nouvelle administration promet d’étendre à tout le pays le climat de militarisation déjà installé ces dernières années par l’Etat du Texas le long du Rio Grande. La mobilisation des ressources du Pentagone en support de l’ICE et de la construction du mur frontalier est de fait l’un des axes de la panoplie d’actes exécutifs dégainée lundi par Trump, tout comme sa tentative (inconstitutionnelle) de réviser le droit du sol, ou encore l’invocation de l’Alien Enemies Act, une loi de 1798 qui conférerait à l’exécutif des pouvoirs étendus, jusqu’à l’arrestation de citoyens américains originaires du même pays où sont basés gangs et cartels dans le collimateur de la Maison Blanche.
Bien que requalifiés en «organisations terroristes», ces derniers pourraient cependant tirer bénéfice, à court terme, du virage trumpien : la désactivation dès ce lundi midi de l’application officielle permettant jusqu’ici aux aspirants à l’asile de prendre rendez-vous pour emprunter un point d’entrée légal aux Etats-Unis a toutes les chances de reporter des dizaines de milliers d’infortunés massés à la frontière, et désormais confrontés aussi à un mur administratif, vers les réseaux des passeurs, alimentant ainsi un flot de traversées illicites et risquées qui se trouvait le mois dernier à son niveau le plus bas mesuré depuis près de cinq ans.
https://www.liberation.fr/international ... directed=1