A ses vœux, Jordan Bardella file l’ambiguïté de son parti à l’égard de Trump et Musk
Posté : 28 janvier 2025 08:07
On le connaissait clown mais pas équilibriste voilà qui est fait.
Si le patron du Rassemblement national compte surfer sur l’enthousiasme suscité par le nouveau président des Etats-Unis dans l’opinion d’extrême droite, il a tenté, lors de ses vœux lundi 27 janvier, de ne pas lui paraître inféodé. Un exercice d’équilibriste périlleux.
Lui n’est pas allé graisser de son pas obséquieux les parquets de Washington DC, la semaine dernière, à l’investiture de Donald Trump. Pas plus qu’il ne s’est mitraillé dans l’un des pince-fesses de troisième catégorie où son alliée Marion Maréchal et ses concurrents Eric Zemmour et Sarah Knafo, de Reconquête, ont réussi à se faire incruster en marge des cérémonies officielles. S’il compte bien surfer sur l’enthousiasme suscité par le nouveau président des Etats-Unis dans l’opinion extrême droitière, Jordan Bardella a tenté, lundi 27 janvier, lors de ses vœux à la presse, de ne pas lui paraître inféodé. Exercice d’équilibriste. «Je n’ai pas le syndrome du petit frère et je considère que le rôle de la France n’est pas de se positionner à côté ou à l’ombre d’une grande puissance», a soutenu, d’un côté, le président du Rassemblement national (RN), défendant pour la France son «rôle de puissance d’équilibre» et «sa position de non alignée dans les rapports internationaux». Et de jeter un regard amusé sur la parade nuptiale des extrêmes droites françaises et européennes autour de Trump et de son allié. «Je ne leur cours pas derrière, à les tagguer sur Twitter pour avoir ma photo», raille le jeune homme. Eric Ciotti, devenu maître dans le racolage sur X, appréciera.
Rien de bien nouveau sous le soleil
Mais, passé les bons mots, les ambiguïtés s’empilent. Bardella se voit comme l’un des «partenaires privilégiés» de la nouvelle administration Trump qui partagerait avec lui le «patriotisme économique» et la même vision sur l’immigration. La même rhétorique présidait aux ronds de jambe de Marine Le Pen devant Vladimir Poutine, considéré avant l’invasion de l’Ukraine appartenant au même camp idéologique et donc plus susceptible d’être un partenaire. Raison pour laquelle Bardella se refuse à trop critiquer les ingérences d’Elon Musk, membre de l’administration Trump, dans la politique européenne, qui ont déclenché une vaste campagne de dénigrement sur X du Premier ministre britannique, ou participé à un meeting de l’extrême droite allemande, l’AfD, lors duquel le milliardaire a estimé que «les enfants ne devraient pas être coupables pour les péchés de leurs grands-parents», participant à la campagne de relativisation des crimes du nazisme menée par l’AfD. «Ce qui dérange c’est que Musk est à contre-courant de l’idéologie dominante dans les médias américains, ça aurait été [George] Soros, ça n’aurait posé aucun problème», l’absout Bardella, le renvoyant dos à dos avec cet autre milliardaire américain, rescapé du régime nazi, et engagé avec sa fondation dans la promotion d’ONG en faveur des droits de l’homme.
Rien de bien nouveau sous le soleil. Deux années de suite, le RN a proposé, à l’initiative de l’eurodéputé Thierry Mariani, de remettre au patron de Tesla le prix Sakharov qui récompense une action exceptionnelle dans le domaine de la défense des droits de l’homme et des libertés fondamentales. «C’est un compagnonnage de longue date», estime l’eurodéputé socialiste Raphaël Glucksmann, pour qui le RN et «privilégie le compagnonnage idéologique aux intérêts de l’Union européenne». «On est dans un moment où l’idéologie domine tout : ils ont eu Poutine pendant longtemps, ils l’ont toujours, mais ils se tournent maintenant vers Trump et Musk pour éradiquer le virus “woke”», poursuit le même. En témoignent, selon lui, les tirs de barrages frontistes contre l’application de la législation européenne sur les réseaux sociaux, qui pourraient limiter l’influence du milliardaire, voire lui imposer des amendes. L’extrême droite n’est pas seule responsable de cette inaction. «Jamais la Commission européenne ne va accepter le rapport de force, l’UE est un paillasson sur lequel Trump et Musk s’essuient les pieds», s’agace la cheffe de file des insoumis à Bruxelles, Manon Aubry.
Pantouflage
Pour répondre aux accusations d’ingérence, le RN préfère regarder dans l’œil du voisin. Il y a matière. Mardi matin, Jean-Paul Garraud, patron de la délégation française, a ainsi eu beau jeu de souligner le pantouflage de l’ex-commissaire européen Thierry Breton au conseil consultatif de Bank of America. «Le pourfendeur d’Elon Musk sera désormais l’employé de l’établissement qui a le plus prêté à l’entrepreneur pour le rachat de Twitter en 2022», raille l’élu frontiste, qui en profite pour railler l’action de Breton pendant son mandat à Bruxelles.
Evitant toujours soigneusement le langage du rapport de force avec le nouveau président américain, Bardella et les siens refusent en outre d’envisager une guerre commerciale ouverte, préférant exiger de l’UE la suspension du Green New Deal, ce qui est sans rapport avec l’augmentation des droits de douane promise par Trump. «Pour l’instant le déficit commercial nous est plutôt favorable», se rassure le patron du RN, qui pense que les mesures américaines affecteront d’abord les économies allemande et italienne. Avant, une nouvelle fois, de reprendre des accents macroniens. «Dans ce nouveau monde, les faibles disparaissent pour dialoguer avec les grands dirigeants de ce monde, avec des dirigeants patriotes, parfois nationalistes, il faut avoir du caractère, sinon eux vous mangent et vous disparaissez», a conclu le jeune homme, faisant écho au président de la République qui partageait récemment le monde entre «carnivores» et «herbivores».
https://www.liberation.fr/politique/ele ... FJJNM2MRI/
Si le patron du Rassemblement national compte surfer sur l’enthousiasme suscité par le nouveau président des Etats-Unis dans l’opinion d’extrême droite, il a tenté, lors de ses vœux lundi 27 janvier, de ne pas lui paraître inféodé. Un exercice d’équilibriste périlleux.
Lui n’est pas allé graisser de son pas obséquieux les parquets de Washington DC, la semaine dernière, à l’investiture de Donald Trump. Pas plus qu’il ne s’est mitraillé dans l’un des pince-fesses de troisième catégorie où son alliée Marion Maréchal et ses concurrents Eric Zemmour et Sarah Knafo, de Reconquête, ont réussi à se faire incruster en marge des cérémonies officielles. S’il compte bien surfer sur l’enthousiasme suscité par le nouveau président des Etats-Unis dans l’opinion extrême droitière, Jordan Bardella a tenté, lundi 27 janvier, lors de ses vœux à la presse, de ne pas lui paraître inféodé. Exercice d’équilibriste. «Je n’ai pas le syndrome du petit frère et je considère que le rôle de la France n’est pas de se positionner à côté ou à l’ombre d’une grande puissance», a soutenu, d’un côté, le président du Rassemblement national (RN), défendant pour la France son «rôle de puissance d’équilibre» et «sa position de non alignée dans les rapports internationaux». Et de jeter un regard amusé sur la parade nuptiale des extrêmes droites françaises et européennes autour de Trump et de son allié. «Je ne leur cours pas derrière, à les tagguer sur Twitter pour avoir ma photo», raille le jeune homme. Eric Ciotti, devenu maître dans le racolage sur X, appréciera.
Rien de bien nouveau sous le soleil
Mais, passé les bons mots, les ambiguïtés s’empilent. Bardella se voit comme l’un des «partenaires privilégiés» de la nouvelle administration Trump qui partagerait avec lui le «patriotisme économique» et la même vision sur l’immigration. La même rhétorique présidait aux ronds de jambe de Marine Le Pen devant Vladimir Poutine, considéré avant l’invasion de l’Ukraine appartenant au même camp idéologique et donc plus susceptible d’être un partenaire. Raison pour laquelle Bardella se refuse à trop critiquer les ingérences d’Elon Musk, membre de l’administration Trump, dans la politique européenne, qui ont déclenché une vaste campagne de dénigrement sur X du Premier ministre britannique, ou participé à un meeting de l’extrême droite allemande, l’AfD, lors duquel le milliardaire a estimé que «les enfants ne devraient pas être coupables pour les péchés de leurs grands-parents», participant à la campagne de relativisation des crimes du nazisme menée par l’AfD. «Ce qui dérange c’est que Musk est à contre-courant de l’idéologie dominante dans les médias américains, ça aurait été [George] Soros, ça n’aurait posé aucun problème», l’absout Bardella, le renvoyant dos à dos avec cet autre milliardaire américain, rescapé du régime nazi, et engagé avec sa fondation dans la promotion d’ONG en faveur des droits de l’homme.
Rien de bien nouveau sous le soleil. Deux années de suite, le RN a proposé, à l’initiative de l’eurodéputé Thierry Mariani, de remettre au patron de Tesla le prix Sakharov qui récompense une action exceptionnelle dans le domaine de la défense des droits de l’homme et des libertés fondamentales. «C’est un compagnonnage de longue date», estime l’eurodéputé socialiste Raphaël Glucksmann, pour qui le RN et «privilégie le compagnonnage idéologique aux intérêts de l’Union européenne». «On est dans un moment où l’idéologie domine tout : ils ont eu Poutine pendant longtemps, ils l’ont toujours, mais ils se tournent maintenant vers Trump et Musk pour éradiquer le virus “woke”», poursuit le même. En témoignent, selon lui, les tirs de barrages frontistes contre l’application de la législation européenne sur les réseaux sociaux, qui pourraient limiter l’influence du milliardaire, voire lui imposer des amendes. L’extrême droite n’est pas seule responsable de cette inaction. «Jamais la Commission européenne ne va accepter le rapport de force, l’UE est un paillasson sur lequel Trump et Musk s’essuient les pieds», s’agace la cheffe de file des insoumis à Bruxelles, Manon Aubry.
Pantouflage
Pour répondre aux accusations d’ingérence, le RN préfère regarder dans l’œil du voisin. Il y a matière. Mardi matin, Jean-Paul Garraud, patron de la délégation française, a ainsi eu beau jeu de souligner le pantouflage de l’ex-commissaire européen Thierry Breton au conseil consultatif de Bank of America. «Le pourfendeur d’Elon Musk sera désormais l’employé de l’établissement qui a le plus prêté à l’entrepreneur pour le rachat de Twitter en 2022», raille l’élu frontiste, qui en profite pour railler l’action de Breton pendant son mandat à Bruxelles.
Evitant toujours soigneusement le langage du rapport de force avec le nouveau président américain, Bardella et les siens refusent en outre d’envisager une guerre commerciale ouverte, préférant exiger de l’UE la suspension du Green New Deal, ce qui est sans rapport avec l’augmentation des droits de douane promise par Trump. «Pour l’instant le déficit commercial nous est plutôt favorable», se rassure le patron du RN, qui pense que les mesures américaines affecteront d’abord les économies allemande et italienne. Avant, une nouvelle fois, de reprendre des accents macroniens. «Dans ce nouveau monde, les faibles disparaissent pour dialoguer avec les grands dirigeants de ce monde, avec des dirigeants patriotes, parfois nationalistes, il faut avoir du caractère, sinon eux vous mangent et vous disparaissez», a conclu le jeune homme, faisant écho au président de la République qui partageait récemment le monde entre «carnivores» et «herbivores».
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