Meurtre d’Elias : la fachosphère s’en prend à deux innocents, des plaintes déposées
Posté : 29 janvier 2025 19:16
Toujours dans les "bons coups"...À gerber.
Deux jeunes gens sont la cible d’un torrent de menaces racistes depuis que les réseaux d’extrême droite diffusent leur photo et les accusent de la mort d’Elias, tué à Paris pour son téléphone. Ils n’ont pourtant rien à voir avec l’affaire.
Un déferlement de haine contre deux innocents. Lundi 27 janvier, figures et anonymes de la fachosphère ainsi qu’au moins une élue RN, tout à leur récupération du meurtre du jeune Elias le 25 janvier à Paris, ont cru tenir un instant une photographie des suspects. Un cliché qui montre deux jeunes gens d’origine étrangère, corroborant leur logiciel raciste, et qu’ils se sont empressés de diffuser sur les réseaux sociaux sans aucun souci de vérification. Immédiatement, des centaines de commentaires islamophobes et racistes, dont bon nombre menaçants, ont afflué. Les individus en question sont pourtant tout à fait étrangers à l’affaire. Très choqués, et inquiets, ces derniers ont alerté l’association antiraciste la Maison des Potes, qui a déposé une plainte pour «incitation à la haine raciale». L’avocate de l’une de ces deux victimes annonce également à Libé engager des poursuites.
La photographie en question montre deux jeunes hommes, souriants, adossés à une barrière. Ils semblent à peine majeurs. L’un d’eux boit un jus de fruit ou un soda. Déterrée des tréfonds du web, elle a d’abord été publiée dimanche 26 janvier dans la nuit, sur le réseau X, par un compte anonyme, qui a lancé sans aucune preuve les premières accusations – le message a depuis été effacé. Dans la foulée, l’image est republiée par quantité d’autres comptes sous pseudonyme, affichant leur positionnement d’extrême droite, avant de devenir virale lundi matin. On la retrouve notamment sur le compte X d’Unité Juive, un groupuscule d’extrême droite juif. Ce commentaire l’accompagne : «Meurtre au couteau d’Elias, 14 ans, en plein Paris : la piste de l’antisémitisme prend de l’ampleur.. L’Unité Juive et la communauté attendons [sic] les résultats de l’enquête. Les meurtriers».
«Je suis preneur de toute information»
En réalité, la photographie en question a été postée sur Internet il y a plus de neuf ans ; elle était trouvable sur plusieurs banques d’images. Compte tenu de l’âge des véritables suspects du meurtre, deux jeunes de 16 et 17 ans, elle ne peut évidemment pas correspondre à leur identité. Des internautes le signalent au compte «Unité Juive». Une heure et demie plus tard, le compte X poste alors un autre tweet expliquant : «Les jeunes sur la photo ne sont apparemment pas les auteurs» sans pour autant supprimer le premier post qui les pointe du doigt et montre leur visage. Mercredi en début d’après-midi, celui-ci avait été vu près de 320 000 fois sur le réseau social.
En ligne, Libé a pu consulter des centaines d’autres tweets qui basculent sans sourciller dans le racisme le plus crasse et les appels à la violence. «Oust, hors de France les piguemés [sic]», réclame un internaute. «Déportation», tweete un autre. «Au lance-flamme ces racailles», «J’espère qu’on leur fera la peau à ces petits anges en prison… ou dehors…», «Ils ont la même couleur que la merde, ça en dit long…» la liste est sans fin.
A peine plus prudent, l’influenceur d’extrême droite Damien Rieu, passé par le RN et Reconquête, a présenté le cliché en interrogeant les près de 25 000 abonnés de sa chaîne Telegram : «Une photo circule comme étant celle des meurtriers [d’Elias, ndlr]. Je suis preneur de toute information ou source informant / confirmant sa véracité», écrit-il. Quelques heures plus tard, il finit par reconnaître, à la fois sur son compte Telegram et sur son compte X (où il a pris la peine de dissimuler le visage des deux jeunes hommes) qu’ils n’étaient pas les suspects.
Une précaution que n’a pas prise l’eurodéputée du Rassemblement national Marie Dauchy en publiant mardi sur X une photo d’Elias et des deux jeunes faussement accusés, non floutée, elle. «Ces deux barbares, écrit la parlementaire, doivent croupir en prison jusqu’à leur mort et leurs familles doivent arrêter de percevoir de l’argent public !» Contactée par Libé à ce sujet, Marie Dauchy a coupé court à la conversation. Dans la foulée de notre appel, elle a effacé son tweet. Une faute également commise par Cédric Crampon, délégué départemental RN de Martinique et candidat du parti dans la 1ère circonscription de l’île aux dernières élections législatives, qui réclamait dès dimanche soir «trente ans de prison ferme» en retweetant la photo.
«Faire disparaître les photos des réseaux sociaux»
Quant aux deux personnes sur la photo, elles sont tombées des nues en découvrant ce torrent de boue. Un des jeunes concernés par ces diffamations a été prévenu par ses proches que sa photo circulait en ligne. «Mon client est très choqué et horrifié, il a 23 ans il n’a rien à avoir avec le meurtre d’Elias. Hier, il a été reconnu dans la rue et alpagué par un homme qui l’a accusé d’être un meurtrier», raconte à Libé son avocate maître Léa Dordilly. «Il a déposé une plainte au commissariat et nous allons également en déposer plusieurs autres notamment auprès du parquet de lutte contre la haine en ligne que j’ai saisi pour harcèlement et incitation à la haine et à la discrimination». L’avocate entend aussi saisir le parquet général pour «injures raciales» et «diffamation». «Nous allons viser toutes les personnes nommément identifiables et également contre X pour toutes les personnes sous pseudos. Nous nous réservons de faire des citations directes contre tous les individus qui seront identifiés.»
Du côté de la Maison des potes, outre la plainte, «nous demandons la mobilisation du parquet en urgence pour faire disparaître les photos des réseaux sociaux et pour identifier les auteurs derrière les comptes anonymes», exhorte auprès de Libé son président Samuel Thomas, qui insiste sur l’importance de protéger ces deux jeunes gens de la haine de l’extrême droite.
https://www.liberation.fr/politique/meu ... ZQNNG6NHE/
Deux jeunes gens sont la cible d’un torrent de menaces racistes depuis que les réseaux d’extrême droite diffusent leur photo et les accusent de la mort d’Elias, tué à Paris pour son téléphone. Ils n’ont pourtant rien à voir avec l’affaire.
Un déferlement de haine contre deux innocents. Lundi 27 janvier, figures et anonymes de la fachosphère ainsi qu’au moins une élue RN, tout à leur récupération du meurtre du jeune Elias le 25 janvier à Paris, ont cru tenir un instant une photographie des suspects. Un cliché qui montre deux jeunes gens d’origine étrangère, corroborant leur logiciel raciste, et qu’ils se sont empressés de diffuser sur les réseaux sociaux sans aucun souci de vérification. Immédiatement, des centaines de commentaires islamophobes et racistes, dont bon nombre menaçants, ont afflué. Les individus en question sont pourtant tout à fait étrangers à l’affaire. Très choqués, et inquiets, ces derniers ont alerté l’association antiraciste la Maison des Potes, qui a déposé une plainte pour «incitation à la haine raciale». L’avocate de l’une de ces deux victimes annonce également à Libé engager des poursuites.
La photographie en question montre deux jeunes hommes, souriants, adossés à une barrière. Ils semblent à peine majeurs. L’un d’eux boit un jus de fruit ou un soda. Déterrée des tréfonds du web, elle a d’abord été publiée dimanche 26 janvier dans la nuit, sur le réseau X, par un compte anonyme, qui a lancé sans aucune preuve les premières accusations – le message a depuis été effacé. Dans la foulée, l’image est republiée par quantité d’autres comptes sous pseudonyme, affichant leur positionnement d’extrême droite, avant de devenir virale lundi matin. On la retrouve notamment sur le compte X d’Unité Juive, un groupuscule d’extrême droite juif. Ce commentaire l’accompagne : «Meurtre au couteau d’Elias, 14 ans, en plein Paris : la piste de l’antisémitisme prend de l’ampleur.. L’Unité Juive et la communauté attendons [sic] les résultats de l’enquête. Les meurtriers».
«Je suis preneur de toute information»
En réalité, la photographie en question a été postée sur Internet il y a plus de neuf ans ; elle était trouvable sur plusieurs banques d’images. Compte tenu de l’âge des véritables suspects du meurtre, deux jeunes de 16 et 17 ans, elle ne peut évidemment pas correspondre à leur identité. Des internautes le signalent au compte «Unité Juive». Une heure et demie plus tard, le compte X poste alors un autre tweet expliquant : «Les jeunes sur la photo ne sont apparemment pas les auteurs» sans pour autant supprimer le premier post qui les pointe du doigt et montre leur visage. Mercredi en début d’après-midi, celui-ci avait été vu près de 320 000 fois sur le réseau social.
En ligne, Libé a pu consulter des centaines d’autres tweets qui basculent sans sourciller dans le racisme le plus crasse et les appels à la violence. «Oust, hors de France les piguemés [sic]», réclame un internaute. «Déportation», tweete un autre. «Au lance-flamme ces racailles», «J’espère qu’on leur fera la peau à ces petits anges en prison… ou dehors…», «Ils ont la même couleur que la merde, ça en dit long…» la liste est sans fin.
A peine plus prudent, l’influenceur d’extrême droite Damien Rieu, passé par le RN et Reconquête, a présenté le cliché en interrogeant les près de 25 000 abonnés de sa chaîne Telegram : «Une photo circule comme étant celle des meurtriers [d’Elias, ndlr]. Je suis preneur de toute information ou source informant / confirmant sa véracité», écrit-il. Quelques heures plus tard, il finit par reconnaître, à la fois sur son compte Telegram et sur son compte X (où il a pris la peine de dissimuler le visage des deux jeunes hommes) qu’ils n’étaient pas les suspects.
Une précaution que n’a pas prise l’eurodéputée du Rassemblement national Marie Dauchy en publiant mardi sur X une photo d’Elias et des deux jeunes faussement accusés, non floutée, elle. «Ces deux barbares, écrit la parlementaire, doivent croupir en prison jusqu’à leur mort et leurs familles doivent arrêter de percevoir de l’argent public !» Contactée par Libé à ce sujet, Marie Dauchy a coupé court à la conversation. Dans la foulée de notre appel, elle a effacé son tweet. Une faute également commise par Cédric Crampon, délégué départemental RN de Martinique et candidat du parti dans la 1ère circonscription de l’île aux dernières élections législatives, qui réclamait dès dimanche soir «trente ans de prison ferme» en retweetant la photo.
«Faire disparaître les photos des réseaux sociaux»
Quant aux deux personnes sur la photo, elles sont tombées des nues en découvrant ce torrent de boue. Un des jeunes concernés par ces diffamations a été prévenu par ses proches que sa photo circulait en ligne. «Mon client est très choqué et horrifié, il a 23 ans il n’a rien à avoir avec le meurtre d’Elias. Hier, il a été reconnu dans la rue et alpagué par un homme qui l’a accusé d’être un meurtrier», raconte à Libé son avocate maître Léa Dordilly. «Il a déposé une plainte au commissariat et nous allons également en déposer plusieurs autres notamment auprès du parquet de lutte contre la haine en ligne que j’ai saisi pour harcèlement et incitation à la haine et à la discrimination». L’avocate entend aussi saisir le parquet général pour «injures raciales» et «diffamation». «Nous allons viser toutes les personnes nommément identifiables et également contre X pour toutes les personnes sous pseudos. Nous nous réservons de faire des citations directes contre tous les individus qui seront identifiés.»
Du côté de la Maison des potes, outre la plainte, «nous demandons la mobilisation du parquet en urgence pour faire disparaître les photos des réseaux sociaux et pour identifier les auteurs derrière les comptes anonymes», exhorte auprès de Libé son président Samuel Thomas, qui insiste sur l’importance de protéger ces deux jeunes gens de la haine de l’extrême droite.
https://www.liberation.fr/politique/meu ... ZQNNG6NHE/