Voilà un article fumant de la journaliste d'ED Eugénie Bastié dans le Figaro.fr. Il y a eu du rififi dans le micro-forum associé à cet article entre l'ED et la droite républicaine. J'ai écrit au Figaro pour gueuler contre cet article de propagande grotesque.
PORTRAIT - Figure méconnue du grand public, il intrigue et dérange. À la tête d’une fortune d’1,6 milliard d’euros, le fondateur de Smartbox ambitionne de mettre la droite aux manettes. Plongée dans les secrets et l’ambition d’un patron pas comme les autres.
Est-ce vraiment lui, le diable dont la gauche a si peur ? Sourire Colgate, lunettes rectangulaires sans montures, vêtu invariablement d’un chino beige et d’une chemise bleu clair, Pierre-Édouard Stérin a l’allure d’un bon père de famille catholique de province. Plus boy-scout que requin de la finance. D’une voix douce et posée, il déroule ses convictions sans hésitation, avec une sincérité presque naïve. Rares sont ceux qui l’ont vu un jour s’emporter.
Dans les médias progressistes, on le qualifie de «catho réac», d’ «ultra conservateur» d’ «extrême droite» et autres poncifs censés effrayer les braves gens. Pour les dames patronnesses du complotisme mondain, son nom fait désormais figure d’épouvantail, en compétition avec celui de Bolloré. C’est ce nom qui a fait reculer le directeur des éditions PUF en mars dernier au sujet de la publication du livre Contre l’obscurantisme woke. Motif invoqué ? L’Observatoire d’éthique universitaire, auquel appartiennent les directeurs de l’ouvrage, aurait été financé par Pierre-Édouard Stérin.
En janvier, c’est la Ville de Paris qui a suspendu ses concessions à deux restaurateurs pour leur supposée proximité avec le milliardaire. Un mois plus tôt en décembre, le Groupe Bayard renonçait à recruter Alban du Rostu, ex-bras droit de Stérin, après une mise en grève des salariés effrayés par l’arrivée de «l’extrême droite». En Sologne, son projet d’internat catholique hors contrat non mixte, les Académies Saint-Louis, suscite l’ire d’une poignée de retraités de gauche qui s’organisent pour «résister» au fascisme.
Diabolisé par la gauche
Partout où le nom Stérin apparaît, la gauche s’étouffe, s’effraie, s’organise. La diabolisation a commencé en juillet 2024 avec la révélation dans L’ Humanité du Projet « Périclès ». La fuite d’un document interne – un mémo présenté à François Fillon pour une réunion de présentation – fait la une du journal communiste : « Le projet secret de Pierre-Édouard Stérin pour installer le RN au pouvoir ».
Depuis, l’Humanité a consacré 27 articles au milliardaire, qui a fait aussi la Une de l’Obs. Arnaud Rérolle, le directeur de Périclès, préfère en sourire : « Pierre-Édouard a fait trois fois la une de L’Humanité en l’espace de douze mois. Il a battu le record de Staline ! Qu’un journal se réclamant d’une idéologie responsable de 100 millions de morts au XXe siècle considère Pierre-Édouard comme un ennemi, c’est plutôt une gloire. » « Nous n’avons jamais gagné autant d’argent que depuis que la gauche nous pointe du doigt », se réjouit officiellement Pierre-Édouard Stérin. C’est vrai, Otium Capital, son fonds d’investissement, cartonne, même s’il confesse quelques problèmes de recrutement dûs à cette mauvaise presse.
Pourquoi une telle haine selon lui ? « Très peu de gens osent s’exposer. Tous ces patrons d’entreprises, tous ces gens qui ont de l’argent, qui passent leur temps à pleurnicher sur l’état du pays, n’ont jamais rien fait. Et donc, la gauche est contente d’avoir enfin quelqu’un sur qui taper », affirme Stérin. Le qualificatif d’ « extrême droite » l’indiffère, « sauf quand il est employé par des journaux de droite ».
Business man à 13 ans
Les convictions intimes de Pierre-Édouard Stérin se sont forgées très jeunes. Ses parents – son père était comptable et sa mère employée au Crédit agricole – étaient encartés au RPR. Pierre-Édouard se souvient encore de ce jour de mai 1981 où le visage de Mitterrand est apparu sur l’écran de télévision. « À la maison tout le monde pleurait. » À 10 ans, Pierre-Édouard tracte dans les boîtes aux lettres de la ville communiste d’Évreux. Plus tard, il s’engagera à l’UNI, chez Libertés et Actions d’Alain Madelin, et à La Droite, microparti de Charles Millon. Il se définit comme libéral conservateur.
La première partie de sa vie a surtout été très libérale. Une enfance dans la décennie 1980, les années fric, lui a donné pour modèles Bernard Tapie et Gordon Gekko, le héros du film Wall Street. À 13 ans il se lance dans la revente de barrettes, non pas de cannabis, mais de mémoire pour jeux vidéo. Sa carrière est lancée. Ses études en pâtiront. Ce geek, qui passe des heures à jouer à Populous et Barbarian sur son Amstrad CPC 6128, redouble sa seconde et sa première. Il fait une école de commerce (aujourd’hui, il n’embauche que des gens issus de l’Essec ou d’HEC), lance une boîte de jeux vidéo. La plante. Retourne vivre chez ses parents à Évreux. Il lance alors 20 entreprises qui vont du recyclage de polystyrène aux cahiers à spirale. La vingt-et-unième sera la bonne.
Le 30 avril 2003, il investit 5000 euros dans un projet de coffrets cadeaux dématérialisés né en Belgique qu’il va développer en France sous le nom de Smartbox. Bingo ! Vingt ans plus tard, le voilà à la tête d’une fortune d’1,6 milliard d’euros. Ce n’est pas seulement de la chance. Stérin est un homme qui sait prendre des risques, un travailleur acharné, un entrepreneur opiniâtre et exigeant. Trop ? Il a viré en un week-end toute l’équipe de Smartbox qui s’était mutinée contre la pression qu’il mettait à ses équipes.
Une fois cochée la première case de son destin : « milliardaire », Stérin a senti un grand vide. « Ce qui m’intéresse c’est pas l’argent, c’est la compétition, confie-t-il. Après avoir fait fortune, je me suis demandé : quel est mon rôle sur Terre et quel est mon talent ? Qu’est-ce que je dois en faire ? J’ai pris conscience de ma responsabilité : continuer à faire de l’argent pour servir le Christ et la France. » C’est la deuxième partie de sa vie, plus « conservatrice ».
Culture de l’objectif
Chose rarissime chez les milliardaires français, mais plus coutumière dans le monde anglo-saxon (Bill Gates fondateur de Microsoft ou Pierre Omidyar, fondateur d’eBay l’ont fait) : il a déshérité ses enfants. Pour ne pas en faire des « sales petits-bourgeois ». Il s’est gardé dix millions de côté, de quoi vivre avec 300 000 euros par an. Une belle maison à Saint-Jean-de-Luz, des belles vacances, mais pas de jet privé ni de luxueux objets : le train de vie d’un très bon cardiologue, pas d’un milliardaire. Il paiera les études de ses deux filles et trois garçons mais ils n’auront rien d’autre.
Je lui ai dit : Il ne faut pas que tu vives aussi longtemps que Jeanne Calment sinon ta richesse dépassera celle de l’économie mondiale !
François Durvye, patron d’Otium Capital
« Réfugié fiscal » en Belgique, il donne plus que s’il devait payer des impôts, mais choisit les causes qu’il subventionne. Il a mis toute sa fortune dans un fonds d’investissement Otium Capital qui dégage une rentabilité exceptionnelle (25 % de taux de rentabilité interne) depuis 2015. Une partie des bénéfices dégagés par ce fonds (80 millions) sont alloués chaque année au Fonds du Bien Commun, une organisation philanthropique qui investit dans des initiatives autour du patrimoine, de la culture, de l’éducation, de la foi. Des projets aussi variés que le développement des patronages, SOS Calvaires qui retape le patrimoine chrétien, un pôle Média avec des participations dans le média en ligne Neo.
Son idée est de remettre de l’efficacité et une culture de l’objectif dans un monde associatif souvent voué à la gabegie et à l’amateurisme. Appliquer les méthodes de l’entreprise à la philanthropie, à grands coups de KPI (prononcer Kai-Pi-Aïe pour Key Performance Indicators). Il n’hésite pas à benchmarker les associations d’aide aux sans-abri pour voir « le coût d’acquisition du SDF ». À projeter un nombre de conversions sur PowerPoint avant d’investir dans une association d’évangélisation. À démultiplier les objectifs même s’ils sont irréalisables. « Tu proposes d’ouvrir un Café Joyeux, il te répond : pourquoi pas 100 ? On appelle ça se faire stériniser », sourit un ancien du Fonds du Bien Commun.
François Durvye, le patron d’Otium confie admirer cette capacité d’enthousiasme. En 2030, Stérin projette qu’Otium vaudra 5 milliards, en 2045, 25 milliards. « Je lui ai dit : Il ne faut pas que tu vives aussi longtemps que Jeanne Calment sinon ta richesse dépassera celle de l’économie mondiale ! » Il m’a répondu : « On aura eu un tel effet sur l’économie que le PIB mondial sera multiplié » Après la Bible, son livre préféré est Pouvoir illimité, le manuel de développement personnel du coach Anthony Robbins.
Périclès, laboratoire d’influence des droites
Au Fonds du Bien Commun est venu s’ajouter le projet Périclès, lancé il y a un an. L’idée est d’appliquer les méthodes du business au monde politique qui souffre selon Stérin d’un terrible manque de professionnalisme. Périclès a trois objectifs, résume Arnaud Rérolle : « 1/ diffuser les idées de droite et la ligne libérale-conservatrice pour qu’elles deviennent majoritaires. 2/ aider ceux qui les partagent à accéder au pouvoir au niveau local et national. 3/ aider ces personnes-là, une fois au pouvoir, à être efficaces. » À l’agenda : l’immigration, l’insécurité, la natalité, la libéralisation de l’économie, la lutte contre le wokisme et l’islamo-gauchisme.
L’un des plus gros projets financés par Périclès est Politicae, une école de formation à destination des élus codirigée par Philippe de Gestas. En ligne de mire, les municipales de 2026. L’objectif assumé, c’est de former plus de 4000 personnes et en espérant qu’il y en ait 3000 qui gagnent les élections. Autre organisation soutenue par Périclès, l’Observatoire de l’immigration et de la démographie, think tank dirigé par Nicolas Pouvreau-Monti. La chaîne YouTube Transmission animée par le jeune essayiste Pierre Valentin qui propose des grands entretiens avec des intellectuels à destination de la jeunesse.
Plus anecdotique mais touchant au combat culturel : les sketchs anti-woke de Laurent Firode diffusés sur les réseaux sociaux. Périclès a également largement soutenu l’Institut de formation politique (IFP) dirigé par Alexandre Pesey. Il a été également soutien du projet Justitia en collaboration avec l’Institut Thomas More, collectif d’avocats visant à aider les personnes attaquées par l’extrême gauche. Depuis les révélations sur Périclès et la diabolisation dont Stérin fait l’objet, l’Institut Thomas More préfère désormais se passer de son financement.
«Mon modèle, c’est Soros»
En 2024, Périclès a financé pour 8 millions d’euros de projets. Au premier trimestre de l’année 2025, il s’est engagé sur 4 à 5 millions de financements. Loin des 20 millions annoncés fièrement sur leur site ? Une technique d’entrepreneur pour gonfler les chiffres ? En réalité les 20 millions annoncés sont des engagements sur plusieurs années et pas des décaissements immédiats, mais les fonds sont bien là.
D’autres projets sont en cours : l’Institut Triomphe qui produira des notes à destination des politiques sur le modèle de l’Institut Montaigne, un think tank baptisé Hémisphère Droit qui tentera d’appliquer les conseils en stratégie des méthodes du privé à l’univers politique, le collectif 300 pour la France qui se veut une sorte de « Medef des entrepreneurs ». Périclès réfléchit aussi à s’engager dans le domaine des sondages, du mécénat d’artistes contemporains non woke, ou encore, un programme d’accélération des talents du type Young Leaders de droite.
« Mon modèle, c’est Soros, dit en souriant Stérin. On n’invente rien, on s’inspire juste des méthodes des meilleurs qui ont réussi à imposer leur agenda politique sur de nombreux sujets en finançant des médias ou en faisant du lobbying : Pierre Bergé, Soros, ou Matthieu Pigasse. Pourquoi seule la gauche aurait-elle le droit de le faire ? »
Un tableau Excel pour choisir sa femme
Le projet Périclès est-il au service du RN ? Pierre-Édouard Stérin s’en défend. « Nous sommes au centre des droites. » Son tropisme libéral ne le pousse pas franchement dans les bras de Marine Le Pen qu’il trouve trop socialiste économiquement, trop timide sur l’immigration (lui prône la « remigration ») et faible sur les problématiques sociétales (hostile à l’IVG, il a posté sur son compte LinkedIn le jour de sa constitutionnalisation : « Honte à nos dirigeants de ne pas chercher à promouvoir des alternatives. »).
En 2003, il a passé une nuit en garde à vue pour exercice illégal de la profession d’agent de voyages en tant que patron de Smartbox. Ce séjour inconfortable dans un commissariat pour cols blanc, où il a dû faire face selon ses dires à des « caricatures socialo- communistes » de l’administration a renforcé son aversion pour l’État et sa bureaucratie tentaculaire.
Il est plus Musk que Bellamy
Un proche de Pierre-Édouard Stérin
Se définit-il pour autant comme un libertarien ? Il admet sa sympathie pour l’idéologie prônant un désengagement maximal de l’État. « Aujourd’hui en France, on est à plus de 50 % du PIB. Mon modèle, c’est plutôt Singapour qui est à 20 ou 25 %. L’État est aujourd’hui en France une nuisance colossale à l’épanouissement des Français. » « Il pense vraiment qu’on peut changer le monde. Il n’est pas tourné vers l’arrière. Il est plus Musk que Bellamy. Pas réactionnaire », analyse l’un de ses proches. « Périclès est apartisan mais réaliste sur l’état du marché politique, tempère François Durvye, lui-même proche conseiller de Marine Le Pen. On ne va pas tout miser sur David Lisnard. »
Stérin rencontre de nombreux politiques. Ses manières un peu directes interloquent parfois. Au bout de deux minutes d’un dîner avec Marion Maréchal il lui lance : « Est-ce que vous avez déjà trompé votre mari ? » Il a vu Retailleau, Wauquiez, à qui il a mis un 9 sur 10. Ah oui, parce qu’il note les gens. Une méthode qu’il a empruntée à Jeffrey Fox, auteur de Comment être un bon manager. Cela déconcerte le milieu politico entrepreneurial parisien guère habitué à être évalué. Christelle Morançais, la présidente de la région Pays de la Loire adepte de la tronçonneuse miléiste a obtenu récemment un 8 sur 10, une « licorne de la politique », dixit Stérin.
« J’essaie de mettre des chiffres sur tout. Ça me permet d’être rapide et précis », explique-t-il. Il a même fait un tableau Excel après avoir rencontré sa femme. « Il fallait que je rationalise mon coup de foudre, pour savoir si elle était vraiment la bonne. » Les critères : catholique, jolie, extravertie, désireuse d’une famille nombreuse et d’accord pour ne pas travailler.
Ce mélange de culte de l’efficacité et de franchise déconcerte. « Il est vraiment naïf, c’est un cœur pur, incapable de dissimulation », analyse un de ses proches. Stérin s’est autodiagnostiqué en ligne autiste Asperger. « Ce sont des gens qui ont peu d’empathie, des gens qui ne ressentent pas les choses, qui ont une ultrasensibilité à la lumière et au bruit », décrit-il.
Devenir saint
Et la foi dans tout ça ? Chez cet être purement rationnel, on peine à imaginer des élans mystiques. « C’est plutôt le pari pascalien, analyse un proche. Il a benchmarké et comparé les gains. Le choix de la foi lui apparaît le plus rationnel. » Il le dit sans ambages, avec une transparence où il faut lire plus d’ingénuité que de prétention : après avoir été milliardaire, il veut devenir saint. « Être bon sur Terre me permettra d’aller au paradis », expliquait-il en 2022 au micro du podcast d’entrepreneurs Do It Yourself. « J’ai tapé sur Google, comment devenir saint. C’est un driver juste hypermotivant pour se lever le matin », explique-t-il en langage de startuper.
Pour ses 40 ans, ce geek s’était offert une borne d’arcade. Pour sa cinquantaine, il est parti avec une quinzaine d’amis accompagné de l’association SOS Calvaires et de l’humoriste-alpiniste Gaspard Proust planter une croix en haut d’une montagne. En attendant de faire gagner la droite en 2027. La reconquête passe par les sommets. Reste à savoir s’il est plus facile de sauver son âme ou celle de la France.
Je vous laisse juger.