A la recherche de leur nouvelle star, les Ukrainiens plébiscitent Emmanuel Macron
Posté : 27 mars 2025 06:24
L'inattendu
Le président français, impopulaire chez lui, est devenu la personnalité internationale préférée des Ukrainiens, dépassant même la cote de popularité de Volodymyr Zelensky, qu’il reçoit à l’Elysée ce mercredi.
C’est un curieux retour en grâce, à l’autre bout de l’Europe. Autrefois partisan d’un dialogue substantiel avec la Russie, avant de voir ses espérances voler en éclats le 24 février 2022 en Ukraine, il aura fallu trois ans à Emmanuel Macron pour trouver la bonne distance avec Vladimir Poutine et surtout parler au cœur des Ukrainiens. En mars 2025, il devient même le seul leader politique mondial dont la cote de popularité dépasse en Ukraine celle du président Volodymyr Zelensky. Le Français semble être, par ces temps un peu pourris, la traduction littérale en ukrainien de l’expression «nul n’est prophète dans son pays».
Selon un sondage réalisé fin février par l’institut Rating sur l’image des dirigeants européens, 77% des Ukrainiens approuvent l’action d’Emmanuel Macron, tandis que la popularité de Zelensky est de nouveau en train de flirter avec les 75%. Les deux hommes doivent se rencontrer mercredi soir à l’Elysée. En second se classe Andrzej Duda, le président polonais (72%), puis Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne (67%). Beaucoup plus loin, ex aequo (57%), le chancelier allemand, Olaf Scholz, et le président turc Recep Tayyip Erdogan, tandis que le Premier ministre britannique, Keir Starmer (56%), qui récemment met du sien, n’est pas encore bien identifié par les Ukrainiens. Ils sont seulement 11% à apprécier Viktor Orbán, et 1% qui approuvent l’action… de Vladimir Poutine.
«Phénomène de mythologie»
La popularité d’Emmanuel Macron est en réalité plus élevée encore, sachant qu’aucun baromètre n’a été relevé depuis le lâchage des Ukrainiens par Donald Trump, estime Anton Hrushevsky, de l’Institut international de sociologie de Kyiv, selon qui l’évolution de la perception du chef de l’Etat français est «remarquable». En 2022, seulement 58% des Ukrainiens approuvaient son action, 71% en 2024, et sans doute bien plus que 80% aujourd’hui. En 2022, l’image de Macron était réellement dégradée, en raison de sa volonté de maintien de dialogue avec Poutine et par ses déclarations d’avril 2022, juste après la libération de Boutcha, refusant de qualifier de «génocidaire» la guerre de la Russie, et qualifiant Ukrainiens et Russes de «peuples frères», franchement, le meilleur moyen de se mettre les Ukrainiens à dos.
Macron superstar ? Il y a un peu de ça. Un truc dans l’air à Kyiv, sachant que «les Ukrainiens adorent créer des idoles pour une courte durée !» comme le relève Artem Chapeye, brillant écrivain, aujourd’hui soldat sur le front, qui se souvient du buzz de l’ancien président géorgien Saakachvili, un temps considéré comme «l’homme politique le plus populaire d’Ukraine», quand il fut gouverneur d’Odessa. En 2022, quand le Royaume-Uni a été le premier à livrer en masse des armes à l’Ukraine, ses habitants ont littéralement fondu un plomb sur Boris Johnson, faisant de lui un héros national. Au point que les clients de Monobank, la seconde banque du pays, pouvaient décorer leur carte de crédit sur application mobile avec la tête ébouriffée de «BoJo». «Il y a eu un phénomène de mythologie sur Johnson», confirme Artem Chapeye, amusé.
«On attend désormais des actes»
«Seulement, après la trahison américaine, Macron est perçu comme le principal allié de l’Ukraine», ajoute Chapeye, un constat partagé par la moindre conversation à Kyiv. «Question Ukraine, Macron est juste au top», confie Pavlo Karabchuk, écrivain, qui vient de rejoindre les forces spéciales. «Il inspire tout le monde avec la fermeté de ses positions et son idée de former un contingent militaire européen en Ukraine», ajoute Serhiy Stukanov, commentateur politique à la radio publique. «Pour nous, Macron est le chef de la nouvelle entente», s’enthousiasme Oksana Chyvurina, spécialiste en communication.
«Quand je parle à des amis français et que je leur dis que les Ukrainiens sont très favorables à Macron, ils soupirent profondément, et ça me rappelle beaucoup quand les mêmes amis français commencent à nous faire l’éloge de Zelensky», relève la réalisatrice Iryna Tsilyk. Quant à Andrey Burlakov, directeur de communication de la société sidérurgique Metinvest, il n’hésite pas à voir en Macron une sorte de général Lafayette des temps modernes. «J’ai l’impression qu’il y a une sorte d’attente sur Macron, qu’à la fin, comme lors de la guerre d’indépendance américaine au XVIIIe siècle, la France vienne en aide à l’Ukraine.» Pour Mykhailo Zhernakov, juriste et directeur de la fondation anticorruption DeJure, «Macron est jugé de manière très positive, mais tout va dépendre de ses actions à venir».
Vu d’Ukraine, Emmanuel Macron dispose d’un grand capital de sympathie, mais nombreux sont ceux qui se souviennent de sa tendance à «macroner», un mot passé dans le langage courant : «[color=#0000BF]Macron est un grand diseur et un petit faiseur[/color]», estime Olena Tregub, experte en réforme de la défense. «Il a l’air de comprendre les conséquences majeures que ferait peser à l’Europe une capitulation de l’Ukraine aux conditions de la Russie, mais pour l’instant il est plus dans le déclaratif, on attend désormais des actes», ajoute Liudmila Popova, enseignante en lycée, qui relève une bizarrerie : «Votre Président n’est venu qu’une seule fois en Ukraine il me semble, juste quelques heures, dit-elle. Dites-lui de venir ! Le jour où il accompagnera Zelensky à Kharkiv, quand il rendra visite à nos soldats, là il deviendra notre héros pour de bon.»
https://www.liberation.fr/international ... YPCFY3T5Q/
Le président français, impopulaire chez lui, est devenu la personnalité internationale préférée des Ukrainiens, dépassant même la cote de popularité de Volodymyr Zelensky, qu’il reçoit à l’Elysée ce mercredi.
C’est un curieux retour en grâce, à l’autre bout de l’Europe. Autrefois partisan d’un dialogue substantiel avec la Russie, avant de voir ses espérances voler en éclats le 24 février 2022 en Ukraine, il aura fallu trois ans à Emmanuel Macron pour trouver la bonne distance avec Vladimir Poutine et surtout parler au cœur des Ukrainiens. En mars 2025, il devient même le seul leader politique mondial dont la cote de popularité dépasse en Ukraine celle du président Volodymyr Zelensky. Le Français semble être, par ces temps un peu pourris, la traduction littérale en ukrainien de l’expression «nul n’est prophète dans son pays».
Selon un sondage réalisé fin février par l’institut Rating sur l’image des dirigeants européens, 77% des Ukrainiens approuvent l’action d’Emmanuel Macron, tandis que la popularité de Zelensky est de nouveau en train de flirter avec les 75%. Les deux hommes doivent se rencontrer mercredi soir à l’Elysée. En second se classe Andrzej Duda, le président polonais (72%), puis Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne (67%). Beaucoup plus loin, ex aequo (57%), le chancelier allemand, Olaf Scholz, et le président turc Recep Tayyip Erdogan, tandis que le Premier ministre britannique, Keir Starmer (56%), qui récemment met du sien, n’est pas encore bien identifié par les Ukrainiens. Ils sont seulement 11% à apprécier Viktor Orbán, et 1% qui approuvent l’action… de Vladimir Poutine.
«Phénomène de mythologie»
La popularité d’Emmanuel Macron est en réalité plus élevée encore, sachant qu’aucun baromètre n’a été relevé depuis le lâchage des Ukrainiens par Donald Trump, estime Anton Hrushevsky, de l’Institut international de sociologie de Kyiv, selon qui l’évolution de la perception du chef de l’Etat français est «remarquable». En 2022, seulement 58% des Ukrainiens approuvaient son action, 71% en 2024, et sans doute bien plus que 80% aujourd’hui. En 2022, l’image de Macron était réellement dégradée, en raison de sa volonté de maintien de dialogue avec Poutine et par ses déclarations d’avril 2022, juste après la libération de Boutcha, refusant de qualifier de «génocidaire» la guerre de la Russie, et qualifiant Ukrainiens et Russes de «peuples frères», franchement, le meilleur moyen de se mettre les Ukrainiens à dos.
Macron superstar ? Il y a un peu de ça. Un truc dans l’air à Kyiv, sachant que «les Ukrainiens adorent créer des idoles pour une courte durée !» comme le relève Artem Chapeye, brillant écrivain, aujourd’hui soldat sur le front, qui se souvient du buzz de l’ancien président géorgien Saakachvili, un temps considéré comme «l’homme politique le plus populaire d’Ukraine», quand il fut gouverneur d’Odessa. En 2022, quand le Royaume-Uni a été le premier à livrer en masse des armes à l’Ukraine, ses habitants ont littéralement fondu un plomb sur Boris Johnson, faisant de lui un héros national. Au point que les clients de Monobank, la seconde banque du pays, pouvaient décorer leur carte de crédit sur application mobile avec la tête ébouriffée de «BoJo». «Il y a eu un phénomène de mythologie sur Johnson», confirme Artem Chapeye, amusé.
«On attend désormais des actes»
«Seulement, après la trahison américaine, Macron est perçu comme le principal allié de l’Ukraine», ajoute Chapeye, un constat partagé par la moindre conversation à Kyiv. «Question Ukraine, Macron est juste au top», confie Pavlo Karabchuk, écrivain, qui vient de rejoindre les forces spéciales. «Il inspire tout le monde avec la fermeté de ses positions et son idée de former un contingent militaire européen en Ukraine», ajoute Serhiy Stukanov, commentateur politique à la radio publique. «Pour nous, Macron est le chef de la nouvelle entente», s’enthousiasme Oksana Chyvurina, spécialiste en communication.
«Quand je parle à des amis français et que je leur dis que les Ukrainiens sont très favorables à Macron, ils soupirent profondément, et ça me rappelle beaucoup quand les mêmes amis français commencent à nous faire l’éloge de Zelensky», relève la réalisatrice Iryna Tsilyk. Quant à Andrey Burlakov, directeur de communication de la société sidérurgique Metinvest, il n’hésite pas à voir en Macron une sorte de général Lafayette des temps modernes. «J’ai l’impression qu’il y a une sorte d’attente sur Macron, qu’à la fin, comme lors de la guerre d’indépendance américaine au XVIIIe siècle, la France vienne en aide à l’Ukraine.» Pour Mykhailo Zhernakov, juriste et directeur de la fondation anticorruption DeJure, «Macron est jugé de manière très positive, mais tout va dépendre de ses actions à venir».
Vu d’Ukraine, Emmanuel Macron dispose d’un grand capital de sympathie, mais nombreux sont ceux qui se souviennent de sa tendance à «macroner», un mot passé dans le langage courant : «[color=#0000BF]Macron est un grand diseur et un petit faiseur[/color]», estime Olena Tregub, experte en réforme de la défense. «Il a l’air de comprendre les conséquences majeures que ferait peser à l’Europe une capitulation de l’Ukraine aux conditions de la Russie, mais pour l’instant il est plus dans le déclaratif, on attend désormais des actes», ajoute Liudmila Popova, enseignante en lycée, qui relève une bizarrerie : «Votre Président n’est venu qu’une seule fois en Ukraine il me semble, juste quelques heures, dit-elle. Dites-lui de venir ! Le jour où il accompagnera Zelensky à Kharkiv, quand il rendra visite à nos soldats, là il deviendra notre héros pour de bon.»
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