Agressions, attaques et intimidations : en France, les groupes d’extrême droite se déchaînent depuis début 2025
Posté : 16 mai 2025 18:42
Que fait Retailleau ?...Ben rien puisqu'il est en campagne pour devenir chefaillon LR...
Les militants d’extrême droite multiplient les attaques et les «descentes» contre des lieux militants de gauche. Un retour en force de la violence politique depuis quelques mois, avec peu de réactions des autorités.
«En fait, ils ont foncé sur nous parce qu’ils nous ont pris pour des gens de gauche.» Au téléphone, Hélène (1) est encore sous le choc. La semaine dernière, dans la nuit du 7 au 8 mai à Nancy, la trentenaire et son compagnon ont été attaqués sur le pas de leur porte par une bande d’une quinzaine de militants d’extrême droite pour… rien. Parce qu’ils étaient là, et avaient un profil «d’antifas» selon leurs agresseurs, qui ont signé leur forfait en laissant des autocollants sur le portail de l’immeuble du couple.
Si cet épisode est le dernier en date, il est loin d’être un cas isolé. Un syndicaliste tabassé à Paris le 1er mai, des clients d’un bar qui doivent faire face à une descente d’une bande de nervis à Albi le 25 avril, ou à Caen le 23, une soirée militante prise pour cible à Lorient le 29 avril… Les violences et intimidations perpétrées par des militants d’extrême droite se multiplient partout en France, qu’elles soient opportunistes ou préparées en amont.
«La police n’est pas venue tout de suite»
«Nous rentrions chez nous après avoir bu un verre avec des amis, raconte Hélène, je pense que c’est à la sortie du bar qu’ils nous ont repérés.» Car quand elle tape le code d’entrée de son immeuble, elle entend «des gens courir». Au total, elle voit déferler une quinzaine de personnes «vêtues de noir, cagoulées». Apeurée, elle rentre et claque la porte derrière son compagnon. A travers le huis, c’est le face-à-face avec la bande, qui les invective : «sales antifas», «on sait où vous habitez maintenant», un flot d’insultes. «On a appelé la police mais ils ne sont pas venus tout de suite. Quand ils [les agresseurs, ndlr] ont commencé à examiner la porte avec des lampes, sans doute pour essayer de la forcer, on a rappelé et des agents sont très vite arrivés, poursuit la jeune femme. Quand la police est partie, ils sont revenus, on a entendu des cris, des insultes de nouveau, et quelque chose qui se brisait.»
Au petit matin, le couple découvre que le portail a été abîmé et que deux autocollants y ont été apposés. En l’espèce, l’un sur fond blanc avec une croix celtique, un symbole néofasciste, et le slogan de la mouvance, «Europe, jeunesse révolution». L’autre affiche une fleur de lys jaune sur fond bleu et le nom «Action française», un mouvement royaliste actif un peu partout en France, et notamment à Nancy. «Etre agressée comme ça, c’était inimaginable pour moi, affirme Hélène. En manif, c’est déjà arrivé plusieurs fois, mais être agressée comme ça juste en raison de mon allure… Non. On dirait que ça peut arriver à tout moment. Qu’ils jouissent d’un sentiment de totale impunité.» Elle a déposé plainte.
Nervis du GUD
A Nancy, «les fafs sont de sortie certains soirs et chassent», souligne une source militante locale, qui rappelle que mi-mars déjà un étudiant a été passé à tabac sur le campus de l’université de la ville. La victime a expliqué à l’Est républicain avoir arraché un sticker de l’Action française et qu’un groupe lui est alors immédiatement tombé dessus, allant jusqu’à le frapper au sol. Ils ont ensuite pris soin de prendre en photo son permis de conduire pour avoir son adresse. «Les circonstances de l’agression ne laissent aucun doute sur le fait que ses auteurs appartiennent à – ou sont proches de mouvements d’extrême droite», a réagi dans la foulée la présidente de l’université, Hélène Boulanger.
Depuis le début de l’année, la mouvance multiplie les agressions un peu partout sur le territoire. Parmi ses attaques les plus spectaculaires, celle de l’Actit, mi-février à Paris. Cette association de travailleurs turcs diffusait un film de Costa-Gavras dans son local quand une vingtaine de nervis cagoulés ont débarqué et ont roué de coups un militant de la CGT avant de le blesser avec un tesson de bouteille. Son pronostic vital a un temps été engagé. Le commando a ensuite pris la fuite en criant notamment «Paris est nazi» et «Lyon est nazi aussi». Six de ses membres ont été interpellés et l’un d’eux a été placé en détention provisoire. Ils apparaissent être liés aux nervis du GUD, qui poursuivent leur activité malgré leur dissolution sous l’appellation «Hussards Paris».
Un mois plus tard, en mars, des militants de Lyon Populaire (un groupuscule d’extrême droite visé par une procédure de dissolution) attaquaient des membres de la Jeune garde antifasciste à la fin d’une manifestation… contre l’extrême droite à Lyon.
Caen, Lorient, Albi… des bars militants attaqués
La fin du mois d’avril a aussi été marquée par des descentes de l’extrême droite contre des lieux militants. Après une conférence identitaire dans la banlieue de Caen, une petite bande de nervis a tenté d’intimider les clients d’un bar de gauche, le 23 avril dans la ville normande, lançant slogans et saluts nazis. Parmi eux, deux jeunes femmes fréquentant la section locale de la branche jeunesse du Rassemblement national (RN). Fin avril, c’est à nouveau un bar estampillé «de gauche» qui est ciblé à Albi. Plusieurs militants d’extrême droite agressent des clients et menacent de mort un syndicaliste. Une quinquagénaire prend un coup de poing en plein visage. Auprès de Libé, elle explique être toujours «très choquée par son agression». Malgré une plainte nominative contre son agresseur, elle n’a pas eu de nouvelles depuis. A Lorient, quelques jours plus tard, c’étaient, selon des sources antifascistes locales, des membres du groupuscule La Digue qui ont tenté d’intimider le public d’une soirée militante.
D’autres agressions encore pourraient être passées sous les radars ou être imputables à l’extrême droite compte tenu des méthodes utilisées. Comme cet épisode à Pau, le 1er mai. Après la manifestation syndicale dans le centre-ville, des militants occitans de gauche se réunissent pour un barbecue convivial à la Tor deu Borrèu, un local associatif et culturel. Vers 18 heures, Alain Bérit-Débat, militant local historique, range des drapeaux sur lesquels se trouvent des symboles antifascistes. Deux jeunes hommes s’approchent de lui, à visage découvert. «Ils m’ont demandé s’il y avait eu une manifestation ce jour-là, raconte à Libé le septuagénaire. Sans attendre ma réponse, l’un d’eux a essayé de m’arracher mon drapeau des mains. Je suis tombé au sol et j’ai été traîné sur quelques mètres. Je me suis bêtement accroché à mon drapeau.»
A côté d’Alain Bérit-Débat, une de ses camarades crie et appelle au secours. Les autres militants attablés non loin rappliquent et les agresseurs prennent la fuite. «Je m’en tire avec quelques écorchures, une douleur à la hanche et un passage aux urgences, explique l’homme, qui a déposé plainte dans la foulée. Je pense qu’ils voulaient me voler mon drapeau pour en faire un trophée. Souvent, l’extrême droite pose sur les réseaux sociaux avec du matériel militant de gauche pour revendiquer leurs agressions.»
Il poursuit : «La police devrait pouvoir les identifier il y a des caméras partout dans le centre.» A ce jour, il reste toutefois sans nouvelle. Selon les autres militants locaux, cette agression sent l’attaque de militants d’extrême droite à plein nez. «Notre local avait été recouvert de stickers nous menaçant de mort l’été dernier, nous glisse l’un d’eux. On pouvait y voir sur un modèle un fasciste frappant un antifasciste ; sur un autre, un fasciste tirant au fusil sur un antifasciste.»
Une violence inhérente à la mouvance d’extrême droite, dont les groupuscules se sont fait une spécialité. «Ne serait-ce qu’en les relevant dans la presse, on dénombre environ 300 faits de violences perpétrés par des militants d’extrême droite depuis 2017», recensait pour Libé l’historien spécialiste de la mouvance Nicolas Lebourg, qui mène des recherches sur le sujet dans le cadre du programme collectif Vioramil dédié aux violences politiques. «A côté de cette dynamique activiste, poursuit-il, il y en a une, terroriste, avec une quinzaine de tentatives d’attaques terroristes entre 2017 et 2024. Du côté de la justice, les chiffres sont aussi nets puisque au 1er juillet, il y avait 67 personnes écrouées pour des faits dits d’“ultradroite” dont 17 dans des affaires terroristes – alors qu’il n’y avait qu’une personne sous écrou terroriste d’ultradroite fin 2015.» Une explosion.
(1) Le prénom a été modifié à sa demande.
https://www.liberation.fr/politique/agr ... HF5G6BCC4/
Les militants d’extrême droite multiplient les attaques et les «descentes» contre des lieux militants de gauche. Un retour en force de la violence politique depuis quelques mois, avec peu de réactions des autorités.
«En fait, ils ont foncé sur nous parce qu’ils nous ont pris pour des gens de gauche.» Au téléphone, Hélène (1) est encore sous le choc. La semaine dernière, dans la nuit du 7 au 8 mai à Nancy, la trentenaire et son compagnon ont été attaqués sur le pas de leur porte par une bande d’une quinzaine de militants d’extrême droite pour… rien. Parce qu’ils étaient là, et avaient un profil «d’antifas» selon leurs agresseurs, qui ont signé leur forfait en laissant des autocollants sur le portail de l’immeuble du couple.
Si cet épisode est le dernier en date, il est loin d’être un cas isolé. Un syndicaliste tabassé à Paris le 1er mai, des clients d’un bar qui doivent faire face à une descente d’une bande de nervis à Albi le 25 avril, ou à Caen le 23, une soirée militante prise pour cible à Lorient le 29 avril… Les violences et intimidations perpétrées par des militants d’extrême droite se multiplient partout en France, qu’elles soient opportunistes ou préparées en amont.
«La police n’est pas venue tout de suite»
«Nous rentrions chez nous après avoir bu un verre avec des amis, raconte Hélène, je pense que c’est à la sortie du bar qu’ils nous ont repérés.» Car quand elle tape le code d’entrée de son immeuble, elle entend «des gens courir». Au total, elle voit déferler une quinzaine de personnes «vêtues de noir, cagoulées». Apeurée, elle rentre et claque la porte derrière son compagnon. A travers le huis, c’est le face-à-face avec la bande, qui les invective : «sales antifas», «on sait où vous habitez maintenant», un flot d’insultes. «On a appelé la police mais ils ne sont pas venus tout de suite. Quand ils [les agresseurs, ndlr] ont commencé à examiner la porte avec des lampes, sans doute pour essayer de la forcer, on a rappelé et des agents sont très vite arrivés, poursuit la jeune femme. Quand la police est partie, ils sont revenus, on a entendu des cris, des insultes de nouveau, et quelque chose qui se brisait.»
Au petit matin, le couple découvre que le portail a été abîmé et que deux autocollants y ont été apposés. En l’espèce, l’un sur fond blanc avec une croix celtique, un symbole néofasciste, et le slogan de la mouvance, «Europe, jeunesse révolution». L’autre affiche une fleur de lys jaune sur fond bleu et le nom «Action française», un mouvement royaliste actif un peu partout en France, et notamment à Nancy. «Etre agressée comme ça, c’était inimaginable pour moi, affirme Hélène. En manif, c’est déjà arrivé plusieurs fois, mais être agressée comme ça juste en raison de mon allure… Non. On dirait que ça peut arriver à tout moment. Qu’ils jouissent d’un sentiment de totale impunité.» Elle a déposé plainte.
Nervis du GUD
A Nancy, «les fafs sont de sortie certains soirs et chassent», souligne une source militante locale, qui rappelle que mi-mars déjà un étudiant a été passé à tabac sur le campus de l’université de la ville. La victime a expliqué à l’Est républicain avoir arraché un sticker de l’Action française et qu’un groupe lui est alors immédiatement tombé dessus, allant jusqu’à le frapper au sol. Ils ont ensuite pris soin de prendre en photo son permis de conduire pour avoir son adresse. «Les circonstances de l’agression ne laissent aucun doute sur le fait que ses auteurs appartiennent à – ou sont proches de mouvements d’extrême droite», a réagi dans la foulée la présidente de l’université, Hélène Boulanger.
Depuis le début de l’année, la mouvance multiplie les agressions un peu partout sur le territoire. Parmi ses attaques les plus spectaculaires, celle de l’Actit, mi-février à Paris. Cette association de travailleurs turcs diffusait un film de Costa-Gavras dans son local quand une vingtaine de nervis cagoulés ont débarqué et ont roué de coups un militant de la CGT avant de le blesser avec un tesson de bouteille. Son pronostic vital a un temps été engagé. Le commando a ensuite pris la fuite en criant notamment «Paris est nazi» et «Lyon est nazi aussi». Six de ses membres ont été interpellés et l’un d’eux a été placé en détention provisoire. Ils apparaissent être liés aux nervis du GUD, qui poursuivent leur activité malgré leur dissolution sous l’appellation «Hussards Paris».
Un mois plus tard, en mars, des militants de Lyon Populaire (un groupuscule d’extrême droite visé par une procédure de dissolution) attaquaient des membres de la Jeune garde antifasciste à la fin d’une manifestation… contre l’extrême droite à Lyon.
Caen, Lorient, Albi… des bars militants attaqués
La fin du mois d’avril a aussi été marquée par des descentes de l’extrême droite contre des lieux militants. Après une conférence identitaire dans la banlieue de Caen, une petite bande de nervis a tenté d’intimider les clients d’un bar de gauche, le 23 avril dans la ville normande, lançant slogans et saluts nazis. Parmi eux, deux jeunes femmes fréquentant la section locale de la branche jeunesse du Rassemblement national (RN). Fin avril, c’est à nouveau un bar estampillé «de gauche» qui est ciblé à Albi. Plusieurs militants d’extrême droite agressent des clients et menacent de mort un syndicaliste. Une quinquagénaire prend un coup de poing en plein visage. Auprès de Libé, elle explique être toujours «très choquée par son agression». Malgré une plainte nominative contre son agresseur, elle n’a pas eu de nouvelles depuis. A Lorient, quelques jours plus tard, c’étaient, selon des sources antifascistes locales, des membres du groupuscule La Digue qui ont tenté d’intimider le public d’une soirée militante.
D’autres agressions encore pourraient être passées sous les radars ou être imputables à l’extrême droite compte tenu des méthodes utilisées. Comme cet épisode à Pau, le 1er mai. Après la manifestation syndicale dans le centre-ville, des militants occitans de gauche se réunissent pour un barbecue convivial à la Tor deu Borrèu, un local associatif et culturel. Vers 18 heures, Alain Bérit-Débat, militant local historique, range des drapeaux sur lesquels se trouvent des symboles antifascistes. Deux jeunes hommes s’approchent de lui, à visage découvert. «Ils m’ont demandé s’il y avait eu une manifestation ce jour-là, raconte à Libé le septuagénaire. Sans attendre ma réponse, l’un d’eux a essayé de m’arracher mon drapeau des mains. Je suis tombé au sol et j’ai été traîné sur quelques mètres. Je me suis bêtement accroché à mon drapeau.»
A côté d’Alain Bérit-Débat, une de ses camarades crie et appelle au secours. Les autres militants attablés non loin rappliquent et les agresseurs prennent la fuite. «Je m’en tire avec quelques écorchures, une douleur à la hanche et un passage aux urgences, explique l’homme, qui a déposé plainte dans la foulée. Je pense qu’ils voulaient me voler mon drapeau pour en faire un trophée. Souvent, l’extrême droite pose sur les réseaux sociaux avec du matériel militant de gauche pour revendiquer leurs agressions.»
Il poursuit : «La police devrait pouvoir les identifier il y a des caméras partout dans le centre.» A ce jour, il reste toutefois sans nouvelle. Selon les autres militants locaux, cette agression sent l’attaque de militants d’extrême droite à plein nez. «Notre local avait été recouvert de stickers nous menaçant de mort l’été dernier, nous glisse l’un d’eux. On pouvait y voir sur un modèle un fasciste frappant un antifasciste ; sur un autre, un fasciste tirant au fusil sur un antifasciste.»
Une violence inhérente à la mouvance d’extrême droite, dont les groupuscules se sont fait une spécialité. «Ne serait-ce qu’en les relevant dans la presse, on dénombre environ 300 faits de violences perpétrés par des militants d’extrême droite depuis 2017», recensait pour Libé l’historien spécialiste de la mouvance Nicolas Lebourg, qui mène des recherches sur le sujet dans le cadre du programme collectif Vioramil dédié aux violences politiques. «A côté de cette dynamique activiste, poursuit-il, il y en a une, terroriste, avec une quinzaine de tentatives d’attaques terroristes entre 2017 et 2024. Du côté de la justice, les chiffres sont aussi nets puisque au 1er juillet, il y avait 67 personnes écrouées pour des faits dits d’“ultradroite” dont 17 dans des affaires terroristes – alors qu’il n’y avait qu’une personne sous écrou terroriste d’ultradroite fin 2015.» Une explosion.
(1) Le prénom a été modifié à sa demande.
https://www.liberation.fr/politique/agr ... HF5G6BCC4/