Un «racisme d’atmosphère» diffusé par des cheminées brunes
Posté : 07 juin 2025 08:00
Non, le racisme n’est pas une substance naturelle ni un virus qui se propagerait tout seul. Des artisans politiques et médiatiques le font prospérer à longueur de plateaux de chaînes d’info.
C’est l’islamologue Gilles Kepel qui avait inventé ce terme : «jihadisme d’atmosphère». C’était pour signifier que cette idéologie imprégnait désormais tous les pans de la société. Ce concept est largement contesté, notamment par son ancien élève Hugo Micheron, devenu lui-même chercheur spécialiste du jihadisme. Ce dernier n’est pas une substance qui flotte dans l’air et dont on pourrait se contaminer en prenant le métro au contact des autres, dit Micheron. Il y a des théoriciens et des propagateurs, il faut une action continue et proactive.
Il en va de même pour le racisme. Ces derniers jours, ceux qui dénoncent le racisme ambiant et déplorent sa propagation paraphrasent Kepel en parlant de «racisme d’atmosphère». Répondons donc comme Micheron : non, le racisme n’est pas dans l’atmosphère comme une substance naturelle ni un virus qui se propagerait seul. Il ne prospère que grâce aux artisans de cette propagation. Et les cheminées qui rejettent la fumée brune du racisme sont nombreuses, bien alimentées par le RN, une bonne partie de la droite et leurs puissants mécènes médiatiques.
CNews est l’une des principales cheminées mastodonte. Mais de multiples petites fumerolles sont crachotées, postillonnées à longueur de plateaux de chaînes d’info. Sur ces écrans, les élus RN et LR, mais aussi certains ministres, tentent de pallier leur impuissance de minoritaires par des discours insinuant que l’étranger, «le barbare», «le décivilisé» et non pas les ghettoïsés, les discriminés, sont la cause de tous les maux.
Retailleau plus proactif que Darmanin
Bien sûr, ils ne s’avouent pas racistes. Ils trouvent seulement «qu’il y en trop». Et après avoir institutionnalisé l’idée selon laquelle l’identité française a à voir avec l’origine en liant identité et immigration dans un seul ministère en 2007, les sarkozystes et fillonistes, Darmanin et Retailleau, sont maintenant en compétition pour capter les électeurs RN. Dans cette course, le ministre de l’Intérieur, plus proactif dans l’insinuation xénophobe, distance largement son collègue de la Justice.
Les élus RN, eux, vaporisateurs sournois, banalisent – sur les plateaux qu’ils occupent à la hauteur de ce qu’ils représentent au Parlement, c’est-à-dire à fortes doses – le racisme en détournant par exemple la laïcité. Pour bonne mesure, profitant également de la tragique actualité proche-orientale et de l’accroissement d’un antisémitisme d’amalgames dans certaines banlieues, les députés RN et LR et certains élus du bloc central, qualifient la moindre critique un peu radicale de l’action du gouvernement israélien d’«antisémite».
Fumet xénophobe
Interrogé sur l’existence d’un groupe Facebook intitulé «La France avec Jordan Bardella» dont plusieurs parlementaires RN sont membres et où sont partagés des propos racistes, antisémites et homophobes, Sébastien Chenu, vice-président du RN, a osé jeudi 5 juin sur France Info : «On peut adhérer à un groupe qui a un intitulé sans consentement actif, on peut s’abonner à des pages qui évoluent.» Puis de promettre : «Nos députés […] vont quitter ou ont quitté ce groupe.»
Présenté jeudi à la justice antiterroriste pour une mise en examen pour le meurtre d’Hichem Miraoui, Christophe B. a reconnu les faits mais a «contesté toute motivation raciste». Sans doute ne se sentait-il pas plus raciste que les acteurs respectables du débat général sur CNews ou sur ses réseaux sociaux que les algorithmes alimentent de ce fumet xénophobe. Le passage à l’acte n’est alors vécu que comme une transgression vis-à-vis de lois et de juges sans cesse dénigrés et stigmatisés.
https://www.liberation.fr/politique/un- ... VYDV2ZTQE/
C’est l’islamologue Gilles Kepel qui avait inventé ce terme : «jihadisme d’atmosphère». C’était pour signifier que cette idéologie imprégnait désormais tous les pans de la société. Ce concept est largement contesté, notamment par son ancien élève Hugo Micheron, devenu lui-même chercheur spécialiste du jihadisme. Ce dernier n’est pas une substance qui flotte dans l’air et dont on pourrait se contaminer en prenant le métro au contact des autres, dit Micheron. Il y a des théoriciens et des propagateurs, il faut une action continue et proactive.
Il en va de même pour le racisme. Ces derniers jours, ceux qui dénoncent le racisme ambiant et déplorent sa propagation paraphrasent Kepel en parlant de «racisme d’atmosphère». Répondons donc comme Micheron : non, le racisme n’est pas dans l’atmosphère comme une substance naturelle ni un virus qui se propagerait seul. Il ne prospère que grâce aux artisans de cette propagation. Et les cheminées qui rejettent la fumée brune du racisme sont nombreuses, bien alimentées par le RN, une bonne partie de la droite et leurs puissants mécènes médiatiques.
CNews est l’une des principales cheminées mastodonte. Mais de multiples petites fumerolles sont crachotées, postillonnées à longueur de plateaux de chaînes d’info. Sur ces écrans, les élus RN et LR, mais aussi certains ministres, tentent de pallier leur impuissance de minoritaires par des discours insinuant que l’étranger, «le barbare», «le décivilisé» et non pas les ghettoïsés, les discriminés, sont la cause de tous les maux.
Retailleau plus proactif que Darmanin
Bien sûr, ils ne s’avouent pas racistes. Ils trouvent seulement «qu’il y en trop». Et après avoir institutionnalisé l’idée selon laquelle l’identité française a à voir avec l’origine en liant identité et immigration dans un seul ministère en 2007, les sarkozystes et fillonistes, Darmanin et Retailleau, sont maintenant en compétition pour capter les électeurs RN. Dans cette course, le ministre de l’Intérieur, plus proactif dans l’insinuation xénophobe, distance largement son collègue de la Justice.
Les élus RN, eux, vaporisateurs sournois, banalisent – sur les plateaux qu’ils occupent à la hauteur de ce qu’ils représentent au Parlement, c’est-à-dire à fortes doses – le racisme en détournant par exemple la laïcité. Pour bonne mesure, profitant également de la tragique actualité proche-orientale et de l’accroissement d’un antisémitisme d’amalgames dans certaines banlieues, les députés RN et LR et certains élus du bloc central, qualifient la moindre critique un peu radicale de l’action du gouvernement israélien d’«antisémite».
Fumet xénophobe
Interrogé sur l’existence d’un groupe Facebook intitulé «La France avec Jordan Bardella» dont plusieurs parlementaires RN sont membres et où sont partagés des propos racistes, antisémites et homophobes, Sébastien Chenu, vice-président du RN, a osé jeudi 5 juin sur France Info : «On peut adhérer à un groupe qui a un intitulé sans consentement actif, on peut s’abonner à des pages qui évoluent.» Puis de promettre : «Nos députés […] vont quitter ou ont quitté ce groupe.»
Présenté jeudi à la justice antiterroriste pour une mise en examen pour le meurtre d’Hichem Miraoui, Christophe B. a reconnu les faits mais a «contesté toute motivation raciste». Sans doute ne se sentait-il pas plus raciste que les acteurs respectables du débat général sur CNews ou sur ses réseaux sociaux que les algorithmes alimentent de ce fumet xénophobe. Le passage à l’acte n’est alors vécu que comme une transgression vis-à-vis de lois et de juges sans cesse dénigrés et stigmatisés.
https://www.liberation.fr/politique/un- ... VYDV2ZTQE/