A l’Assemblée, les petits pas de l’«union des droites»
Posté : 05 juillet 2025 23:06
Votes communs sur fond d’inimitiés : à l’Assemblée, les petits pas de l’«union des droites»
Les chefs se bouffent le nez, mais de facto il y a des convergences au sein des droites et cela va jusqu'à la droite de Renaissance (personne ne parle du Modem, tout le monde veut se les faire ...). Vivement 2027 qu'on renvoie les gauchistes à France Travail en attendant de les mettre au bagne.RÉCIT - Si leurs chefs de groupe ne s’entendent pas, la fragmentation de l’Hémicycle oblige les députés LR, RN, UDR et Horizons à s’unir de plus en plus souvent. Et à créer des liens entre parlementaires.
Une énorme clameur résonne dans l’Hémicycle, en ce début d’été. Le projet de loi de simplification de la vie économique vient d’être adopté d’une courte majorité par l’Assemblée nationale. Ce 18 juin, les députés RN et leurs alliés ciottistes applaudissent à l’annonce des résultats par la présidente du Palais Bourbon, Yaël Braun-Pivet. Les députés Les Républicains (LR) et le groupe Horizons d’Édouard Philippe, joignent les mains. Mais discrètement. Plus réservés encore, les députés de l’aile droite de Renaissance. Contrairement aux consignes de leur président de groupe, Gabriel Attal, ils ont voté en faveur du texte qui supprime notamment les contestées zones à faibles émissions (ZFE). Alors, on quitte l’Hémicycle sans trop en faire. « C’est l’union des droites anti-écolos en direct de l’Assemblée nationale », pianote sur son portable un macroniste, petit sourire dépité aux coins des lèvres.
Depuis le début de cette législature, à rebours du « bloc central » qui forme le socle gouvernemental, les alliances de circonstance se font et se défont au Palais Bourbon. Un jour, la gauche et le RN votent ensemble une nouvelle taxe pour les entreprises. Le lendemain, les macronistes se joignent à la gauche pour instaurer une « aide à mourir » . La semaine suivante, le camp présidentiel, la droite LR et le RN décident le durcissement du droit du sol à Mayotte. Mais il est une alliance, qui, ces dernières semaines, semble de plus en plus se dessiner dans les votes : celle des députés LR de Laurent Wauquiez, Horizons d’Édouard Philippe, Union des droites pour la République (UDR) d’Éric Ciotti, et Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen. « Sur beaucoup de textes, les convergences de fond se font de plus en plus facilement. On voit bien la soudure se faire entre une partie du socle commun et l’extrême droite », critique la parlementaire LFI, Claire Lejeune.
Accords idéologiques
« Sur la quasi-totalité des sujets, nous sommes d’accord. Sur le régalien, l’économie, l’écologie, les ZFE, les éoliennes, etc. Les votes montrent que la coalition législative était totalement absurde et ridicule. Les points de convergences entre nous sont beaucoup plus nombreux qu’avec les macronistes et la gauche », plaide Éric Ciotti, militant ouvertement pour l’union des droites. À l’Assemblée, ces convergences passent de moins en moins inaperçues.
La politique c’est s’élargir, pas se rétrécir
Un député de l’aile droite de Renaissance
Il y a une semaine, après l’adoption d’un amendement instaurant un moratoire sur les énergies renouvelables (retoqué par la suite au cours d’un vote solennel) grâce aux voix des LR, de l’UDR, et du RN, le groupe de Gabriel Attal a diffusé plusieurs visuels pour dénoncer cette alliance, les accusant de « saboter les renouvelables ». Ce qui n’a guère manqué d’en faire tousser quelques-uns en macronie : « La politique c’est s’élargir, pas se rétrécir. Ces visuels, c’est l’illustration d’une volonté d’affaiblir la coalition mais à la fin, le message qu’on envoie à nos électeurs communs avec LR est délétère », déplore un député de l’aile droite de Renaissance. Les LR, eux, n’en ont cure. « On se fout de ce que fait le RN. Quand on est d’accord avec eux, on assume de l’être. Il serait totalement absurde de nous opposer juste parce que le signataire d’un amendement ou d’une proposition de loi ne nous convient pas. C’est un jeu de dupes qui n’a aucun sens », défend-on, au sein du groupe Droite républicaine de Laurent Wauquiez. « Il nous arrive souvent d’avoir des convergences spontanées avec les députés Horizons sans pour autant échanger avec eux au préalable. »
Peu de dialogue et de véritables « haines »
Sur le plan humain, l’ambiance n’est toutefois pas à la franche camaraderie. Dans l’Hémicycle comme sur les réseaux sociaux, les échanges entre les députés des différents camps de la droite sont parfois à couteaux tirés, comme lors de la niche parlementaire ciottiste, où les nationalistes ont reproché aux LR leur désertion. « Les voix des LR n’ont pas pu vous manquer puisque vous n’avez pas été capables d’emmener le moindre de vos textes jusqu’au vote. Ce qu’il faut blâmer, c’est votre amateurisme », a répondu le patron des députés LR. Éric Ciotti a vite eu fait de lui rendre la pareille : alors que les députés (membres de la commission des lois) votaient la répartition des postes de la commission d’enquête sur les « liens » entre les mouvements politiques et les réseaux islamistes, voulue par Laurent Wauquiez, les ciottistes ne se sont guère précipités pour en favoriser l’issue.
Wauquiez se sert des gens quand il y a un intérêt et après, il s’en fiche !
L’entourage d’Éric Ciotti
LR espérait que le rôle du président revienne à un député UDR, intéressé qui plus est par la mission. Avant de se rétracter. « De toute façon, ni la gauche ni la macronie n’auraient voté pour nous, balaie l’entourage d’Éric Ciotti. On a voté pour cette commission car on respecte leur droit de tirage mais qu’ils se débrouillent, maintenant. Wauquiez se sert des gens quand il y a un intérêt et après, il s’en fiche ! » Côté RN, consignes ont été données en haut lieu pour faire voter Aymeric Caron, député LFI.
Le groupe de Marine Le Pen ne cache pas son antipathie profonde pour Les Républicains. En privé, elle ne rate jamais une occasion de dire tout le mal qu’elle pense de Laurent Wauquiez. Et ses stratèges ne peuvent s’empêcher de discréditer dès qu’ils le peuvent les députés LR. Quand les élus de Laurent Wauquiez décident finalement de s’abstenir lors du vote solennel de la loi Gremillet, après avoir œuvré avec le RN pour la modifier largement sur le nucléaire ou encore les éoliennes, Jean-Philippe Tanguy, président délégué du groupe RN se frotte les mains. « C’est parfait ! », s’esclaffe-t-il.
Remplacer LR, l’objectif final du RN
Car, au sein du parti nationaliste, on ne cache pas l’objectif final, qui est de remplacer une bonne fois pour toutes les Républicains, qu’ils siègent dans l’Hémicycle, ou non. Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau est l’autre cible privilégiée des troupes de Marine Le Pen, malgré la popularité du nouveau président de LR auprès des électeurs RN. La chef de file des députés nationalistes est d’ailleurs très étonnée que le « premier flic de France » réplique à chaque attaque frontale d’un de ses lieutenants, Jean-Philippe Tanguy.
En dépit de ces inimitiés et de ces coups tordus, en coulisses, quelques échanges commencent toutefois à se créer. Aux alentours du Palais Bourbon, il n’est pas rare de voir un député LR déjeuner avec un cadre ciottiste, ou un député Horizons s’esclaffer avec des parlementaires du RN. Un député LR admet : « Ceux qui pensent que Marine Le Pen n’est pas prête à gouverner se trompent. Elle n’est pas plus dangereuse pour le pays que tous ceux qui ont échoué à le redresser jusqu’à maintenant ». Avant de conclure : « Le RN est un parti républicain.