Vers un « Etat de la Nouvelle-Calédonie », un succès magistral pour E.Valls
Posté : 12 juillet 2025 12:29
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Vu ce calendrier, tout reste à faire et il ne faut pas douter que certains états illibéraux d'Asie et d'Europe de l'est vont tenter de faire échouer ce plan.Le texte marque l’engagement de l’Etat français, des indépendantistes et des non-indépendantistes, vers un nouveau statut du territoire, « une solution pérenne ».
Les négociations sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie ont débouché à l’aube, samedi 12 juillet, après un dernier round de 24 heures ininterrompues à Bougival (Yvelines), dans un scénario digne du film de Sydney Pollack de 1969, On achève bien les chevaux, qui met en scène des danseurs concourant jusqu’à l’épuisement mortel pour tenter de sauver leur vie.
Travaillé depuis neuf jours, signé à l’arraché, « l’accord sur un Etat de la Nouvelle-Calédonie » énonce un « pari de la confiance ». Il marque l’engagement de l’Etat français, des indépendantistes et des non-indépendantistes, vers un nouveau statut du territoire, « une solution pérenne ». Un pacte de réformes économiques, incluant le secteur du nickel, est joint.
"« Il est convenu d’une organisation institutionnelle sui generis de “l’Etat de la Nouvelle-Calédonie” au sein de l’ensemble national, inscrit dans la Constitution de la République française. Il pourra être reconnu par la communauté internationale, dit le document. Le présent accord, dont les orientations seront inscrites dans la Constitution, fixe les conditions dans lesquelles est créée une nationalité calédonienne. Ainsi, les Calédoniens bénéficieront d’une double nationalité, française et calédonienne. »"
« Vrai compromis »
Le ministre des outre-mer, Manuel Valls, salue « un accord essentiel pour garantir les chances de la stabilité politique, reconstruire économiquement et socialement la Nouvelle-Calédonie ». C’est « un vrai compromis que nous devons aux délégations, qui ont toutes fait preuve de courage », indique-t-il au Monde. Manuel Valls a conduit les négociations depuis février, avant qu’elles ne s’arrêtent, en mai, sur le domaine de Deva, dans la commune de Bourail, en Nouvelle-Calédonie, et ne soient relancées, le 2 juillet, par le président de la République lors d’un sommet.
« Sans Deva et l’engagement du président, on n’aurait pas créé cette dynamique, ajoute le ministre. Nous étions – président, premier ministre, ministre – alignés. » Toutefois, Manuel Valls reste prudent : « Le plus difficile commence car les formations loyalistes et indépendantistes prennent des risques et il reste à convaincre sur place. » Samedi après-midi, à la demande d’Emmanuel Macron, le premier ministre, François Bayrou, devait réunir les principaux ministres concernés pour asseoir l’accord, qui fera l’objet d’une cérémonie solennelle ultérieurement. Le chef de l’Etat devait, lui, s’exprimer et recevoir les signataires.
Selon le texte, le Congrès de la Nouvelle-Calédonie, composé désormais de 56 membres (contre 54 actuellement), pourra, quand il le souhaite, adopter une résolution à la majorité des trois cinquièmes demandant que soient « transférées à la Nouvelle-Calédonie des compétences de nature régalienne » dans l’un des champs suivants : défense, monnaie, sécurité et ordre public, justice et contrôle de légalité.
Ces quatre compétences restent donc, pour l’heure, du domaine national, mais elles pourront être transférées dans le cadre d’un « projet conjoint de l’Etat et de la Nouvelle-Calédonie », « soumis à l’approbation des Calédoniens par voie de consultation » dès que le Congrès local le décidera. Un statut d’Etat membre de l’Organisation des Nations unies viendrait à ce moment-là. La compétence en matière de relations internationales sera, elle, immédiatement transférée. « Le droit à l’autodétermination demeure garanti par le droit international », précise le texte de l’accord.
Corps électoral élargi
Une loi organique spéciale définira les conditions de mise en œuvre de l’accord, « en particulier la répartition des compétences (…) celles-ci pouvant évoluer ». Et « une loi fondamentale adoptée par le Congrès de la Nouvelle-Calédonie consacrera sa capacité d’auto-organisation », loi que la Nouvelle-Calédonie « adoptera au cours de la mandature débutant en 2026 ». Cette Constitution décidera des signes identitaires du pays (son nom, son drapeau, etc.) et, précise l’accord, pourra comprendre « un code de la citoyenneté » et « une charte des valeurs » partagées par les habitants du Caillou : valeurs républicaines, kanak, océaniennes.
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Le calendrier espéré est le suivant : une révision de la Constitution française en septembre-octobre (à condition que le gouvernement Bayrou ne tombe pas) puis, en février 2026, une consultation des Néo-Calédoniens pour approuver l’accord politique. En mars-avril 2026, une loi organique spéciale devra être votée pour mettre en œuvre l’accord. En mars 2026 toujours, les municipales seront organisées sur le Caillou comme dans l’Hexagone.
Avant les provinciales, en mai-juin 2026. Pour ce scrutin crucial, déjà reporté, la question du corps électoral – si sensible qu’elle a provoqué l’insurrection violente de mai-juin 2024 – a été tranchée : il sera élargi à 12 000 personnes nées sur le territoire qui étaient privées de vote depuis le gel des listes en 2009, et aux électeurs justifiant de quinze années de résidence.
Toutes dernières heures
Les formations du centre de l’échiquier politique, Eveil océanien et Calédonie ensemble, ont joué un rôle de médiateurs capital dans toute la négociation. « Un nouvel espoir vient de naître, dans le prolongement de nos engagements », salue Philippe Gomès, chef de file du parti Calédonie ensemble. Les Loyalistes, de leur côté, ont poussé de nouvelles initiatives en milieu de semaine, tandis que le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) avançait aussi, avec Christian Tein, son président placé sous contrôle judiciaire, bien présent dans les coulisses. Les deux camps n’ont fait le pas décisif que dans les toutes dernières heures.
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Après d’interminables palabres, l’espoir est apparu dans la journée de vendredi. Le matin, une nouvelle version du projet d’une dizaine de pages, peaufinée depuis la veille, a été distribuée par les négociateurs de l’exécutif. La matinée s’est achevée sur une discussion portant sur le volet économique de l’accord, les Loyalistes demandant l’annulation de la dette de la Nouvelle-Calédonie. Mais dans la soirée, la délégation du FLNKS emmenée par Emmanuel Tjibaou a dû longuement consulter son bureau politique à Nouméa, et la tension s’est mise à monter.
Parce que le président Emmanuel Macron avait ouvert la séquence le 2 juillet, il était cohérent qu’il puisse la clore. Une réunion à l’Elysée, déjà évoquée jeudi dans les coulisses, était envisagée. A 23 h 41, l’Elysée a même envoyé une « note aux rédactions » invitant les photographes pour… 23 h 55. Avant d’annuler, quelques minutes plus tard, à 23 h 48. L’échec se profilait. Vers 1 heure du matin samedi, le FLNKS se réunissait avec Manuel Valls en bilatéral. A 4 heures, c’était l’impasse. Les négociateurs de l’Etat enfermaient alors une dernière fois dans la même salle, peu avant 6 heures, les protagonistes des six délégations, sans leurs collaborateurs. Avec succès.
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Signe de la fébrilité de cette dernière ligne droite, un post Facebook de la cheffe de file du Rassemblement-Les Républicains, Virginie Ruffenach, publié avant la fin de la séance, aussitôt retiré, et republié. Il salue « un accord, enfin trouvé », en ces termes : « Plus de référendum en ligne de mire, ouverture du corps électoral, rétablissement d’équilibres plus démocratiques au Congrès et chaque Calédonien conserve évidemment sa nationalité française fidèlement au résultat exprimé lors des trois référendums de 2018, 2020 et 2021. Nous avons dans cet accord maintenu l’essentiel pour les partisans de la France. »