Du «ni-ni» au «tout sauf LFI» : LR préfère le RN au front populaire
Posté : 24 juillet 2025 08:39
Bruno Retailleau enclenche cet été un revirement stratégique pour la droite française. En évoquant les prémices d’alliances avec l’extrême droite pour battre la gauche aux municipales 2026, il met en danger y compris son propre camp.
C’est la confirmation d’un tournant stratégique majeur des «républicains» français vers Marine Le Pen et Jordan Bardella. Une main tendue à l’extrême droite et ses représentants, camouflée dans deux interviews estivales de Bruno Retailleau. Celle du Figaro, publiée vendredi 18 juillet, est certes titrée sur l’Algérie, sujet sur lequel le ministre de l’Intérieur doit s’entretenir avec Emmanuel Macron, jeudi 24 juillet (lire ci-contre). Mais c’est un autre passage de cet entretien avec le quotidien conservateur qui devrait façonner les prochaines échéances électorales. Question posée au Vendéen : appelle-t-il «le socle commun à un cordon sanitaire pour faire barrage à LFI» ? Réponse : «Si l’on veut, en quelque sorte. LFI est la première et la pire menace politique aujourd’hui. Jour après jour, les insoumis franchissent toutes les limites de ce qui est acceptable.»
Du «ni-ni» au «tout sauf LFI» : la position est répétée par son numéro 2, François-Xavier Bellamy, trois jours plus tard dans le même journal pour être sûr qu’on comprenne bien : «La France insoumise est la première menace politique pour la vie démocratique de notre pays», martèle l’eurodéputé avant de rappeler que les municipales chez LR se «prépare[nt] sans accord national entre des appareils partisans, mais avec une priorité claire : partout où la gauche gouverne, nous devons tout faire pour la remplacer».
Comme l’UDF en 1998 ?
Retailleau enfonce le clou mercredi dans Valeurs actuelles : «Grenoble, Nantes, Lyon, Strasbourg, Tours… dans toutes ces municipalités emportées par l’alliance des gauches, il faut que la droite soit au cœur d’un bataillon de choc le plus élargi possible. Nous ne pourrons pas gagner seuls.» Comprenons bien : des alliances de circonstances avec l’extrême droite à l’échelle municipale ne seront, bientôt, plus taboues. Comme l’UDF avait, en 1998, accepté les voix de conseillers régionaux Front national pour faire élire des présidents de région.
Les premiers signes de ce tournant sont là. Exemple à Béziers : selon le Figaro, LR envisage ainsi de soutenir Robert Ménard, qui dirige cette commune de l’Hérault avec l’appui de l’extrême droite depuis 2014, et de l’inviter à son université d’été début septembre dans les Yvelines. Certes, l’ancien secrétaire général de Reporters sans frontières s’est montré, un temps, prêt à jouer «l’ouverture» au gouvernement et expliquait en mars 2024 qu’il ne «voterait plus» pour Le Pen en raison de ses positions sur l’Ukraine – ce qui lui a valu de se faire punir par le RN, dont le candidat a battu sa femme, députée sortante aux législatives anticipées. Mais soutenir Ménard et valider son parcours au sein de l’extrême droite française serait un pas de plus en direction l’union des droites, version Eric Zemmour.
«Ils votent déjà ensemble à l’Assemblée»
«Ses prises de position ne sont pas évidentes à classer», rappelle néanmoins une ministre. «On aime ou on n’aime pas Ménard, il a fait le job de maire, il faut être honnête», abonde de son côté Patrick Vignal, ancien député macroniste de l’Hérault pour qui soutenir Ménard serait même un geste... de barrage : «Il y a le feu sur Béziers, dit-il. Le débat à avoir au deuxième tour sera : vaut-il mieux garder Ménard avec ses défauts et qualités, ou faire advenir le député RN ?»
Au-delà des spécificités héraultaises, les municipales 2026, avec un épisode traditionnel de retraits ou fusions de liste d’entre deux tours, pourraient bien marquer le début d’une nouvelle ère de la droite française. «C’est cohérent. L’union des droites est en marche : ils votent déjà ensemble à l’Assemblée», fait valoir un ancien ministre macroniste pour qui, avec une telle stratégie à LR, «c’est certain», la fragile coalition actuelle «ne tiendra pas».
Mais c’est aussi un risque électoral pour la formation de Bruno Retailleau qui, malgré les apparences, reste faible comparée à un RN devenu puissant : 4,78 % pour Valérie Pécresse à la présidentielle de 2022, à peine plus de 5 % aux dernières législatives, soit 47 députés alors que le parti en avait sauvé 64 deux ans plus tôt (contre plus d’une centaine en 2017). Et encore... Ces parlementaires en place doivent leur survie politique en grande partie au bon vieux front républicain : celui de candidats de gauche (y compris LFI) qui ont accepté de se retirer pour barrer la route à l’extrême droite et celui d’électeurs (y compris de Jean-Luc Mélenchon) qui consentent toujours à se déplacer pour sauver la droite républicaine face aux héritiers de Jean-Marie Le Pen. Bruno Retailleau l’a, sans doute, déjà oublié.
https://www.liberation.fr/politique/du- ... SIJPLQOWI/
C’est la confirmation d’un tournant stratégique majeur des «républicains» français vers Marine Le Pen et Jordan Bardella. Une main tendue à l’extrême droite et ses représentants, camouflée dans deux interviews estivales de Bruno Retailleau. Celle du Figaro, publiée vendredi 18 juillet, est certes titrée sur l’Algérie, sujet sur lequel le ministre de l’Intérieur doit s’entretenir avec Emmanuel Macron, jeudi 24 juillet (lire ci-contre). Mais c’est un autre passage de cet entretien avec le quotidien conservateur qui devrait façonner les prochaines échéances électorales. Question posée au Vendéen : appelle-t-il «le socle commun à un cordon sanitaire pour faire barrage à LFI» ? Réponse : «Si l’on veut, en quelque sorte. LFI est la première et la pire menace politique aujourd’hui. Jour après jour, les insoumis franchissent toutes les limites de ce qui est acceptable.»
Du «ni-ni» au «tout sauf LFI» : la position est répétée par son numéro 2, François-Xavier Bellamy, trois jours plus tard dans le même journal pour être sûr qu’on comprenne bien : «La France insoumise est la première menace politique pour la vie démocratique de notre pays», martèle l’eurodéputé avant de rappeler que les municipales chez LR se «prépare[nt] sans accord national entre des appareils partisans, mais avec une priorité claire : partout où la gauche gouverne, nous devons tout faire pour la remplacer».
Comme l’UDF en 1998 ?
Retailleau enfonce le clou mercredi dans Valeurs actuelles : «Grenoble, Nantes, Lyon, Strasbourg, Tours… dans toutes ces municipalités emportées par l’alliance des gauches, il faut que la droite soit au cœur d’un bataillon de choc le plus élargi possible. Nous ne pourrons pas gagner seuls.» Comprenons bien : des alliances de circonstances avec l’extrême droite à l’échelle municipale ne seront, bientôt, plus taboues. Comme l’UDF avait, en 1998, accepté les voix de conseillers régionaux Front national pour faire élire des présidents de région.
Les premiers signes de ce tournant sont là. Exemple à Béziers : selon le Figaro, LR envisage ainsi de soutenir Robert Ménard, qui dirige cette commune de l’Hérault avec l’appui de l’extrême droite depuis 2014, et de l’inviter à son université d’été début septembre dans les Yvelines. Certes, l’ancien secrétaire général de Reporters sans frontières s’est montré, un temps, prêt à jouer «l’ouverture» au gouvernement et expliquait en mars 2024 qu’il ne «voterait plus» pour Le Pen en raison de ses positions sur l’Ukraine – ce qui lui a valu de se faire punir par le RN, dont le candidat a battu sa femme, députée sortante aux législatives anticipées. Mais soutenir Ménard et valider son parcours au sein de l’extrême droite française serait un pas de plus en direction l’union des droites, version Eric Zemmour.
«Ils votent déjà ensemble à l’Assemblée»
«Ses prises de position ne sont pas évidentes à classer», rappelle néanmoins une ministre. «On aime ou on n’aime pas Ménard, il a fait le job de maire, il faut être honnête», abonde de son côté Patrick Vignal, ancien député macroniste de l’Hérault pour qui soutenir Ménard serait même un geste... de barrage : «Il y a le feu sur Béziers, dit-il. Le débat à avoir au deuxième tour sera : vaut-il mieux garder Ménard avec ses défauts et qualités, ou faire advenir le député RN ?»
Au-delà des spécificités héraultaises, les municipales 2026, avec un épisode traditionnel de retraits ou fusions de liste d’entre deux tours, pourraient bien marquer le début d’une nouvelle ère de la droite française. «C’est cohérent. L’union des droites est en marche : ils votent déjà ensemble à l’Assemblée», fait valoir un ancien ministre macroniste pour qui, avec une telle stratégie à LR, «c’est certain», la fragile coalition actuelle «ne tiendra pas».
Mais c’est aussi un risque électoral pour la formation de Bruno Retailleau qui, malgré les apparences, reste faible comparée à un RN devenu puissant : 4,78 % pour Valérie Pécresse à la présidentielle de 2022, à peine plus de 5 % aux dernières législatives, soit 47 députés alors que le parti en avait sauvé 64 deux ans plus tôt (contre plus d’une centaine en 2017). Et encore... Ces parlementaires en place doivent leur survie politique en grande partie au bon vieux front républicain : celui de candidats de gauche (y compris LFI) qui ont accepté de se retirer pour barrer la route à l’extrême droite et celui d’électeurs (y compris de Jean-Luc Mélenchon) qui consentent toujours à se déplacer pour sauver la droite républicaine face aux héritiers de Jean-Marie Le Pen. Bruno Retailleau l’a, sans doute, déjà oublié.
https://www.liberation.fr/politique/du- ... SIJPLQOWI/