Reconnaissance de l’Etat de Palestine : pourquoi Le Pen et Bardella reprennent inlassablement...
Posté : 25 juillet 2025 20:10
...les éléments de langage de l’extrême droite israélienne
Le RN a condamné la future reconnaissance de l’Etat palestinien, annoncée par Emmanuel Macron jeudi 24 juillet, renforçant son soutien inconditionnel à l’armée israélienne.
Totalement alignée, comme depuis près de deux ans, sur les positions du gouvernement israélien, Marine Le Pen en a logiquement repris les éléments de langage, après l’annonce de la reconnaissance de l’Etat de Palestine par la France, jeudi 24 juillet au soir. «Reconnaître aujourd’hui un Etat palestinien, c’est reconnaître un Etat Hamas et donc un Etat terroriste», a réagi ce vendredi 25 juillet au matin la fille de Jean-Marie Le Pen, sur X, en écho fidèle du Premier ministre hébreu qui a vu dans la décision d’Emmanuel Macron une «récompense à la terreur». Pour la cheffe de file de l’extrême droite française, il s’agit d’une «faute politique et morale», qui «légitime les massacreurs du 7 octobre» sans «aucune fidélité à l’histoire de la France». A son diapason, Jordan Bardella condamne une «décision précipitée, davantage motivée par des considérations politiques personnelles que par une sincère recherche de justice et de paix». Pour la forme, le président du Rassemblement national rappelle que la «solution à deux Etats est l’horizon à atteindre», à l’instar de sa N + 1 qui rappelle que «l’espoir» l’a toujours portée vers cette option.
Avec plus ou moins de zèle, la plupart des députés RN ont semblablement fustigé la décision de leur pays. L’élu de l’Aude, Frédéric Falcon, allant jusqu’à traiter le président de «supplétif du Hamas». Refusant de considérer que cette annonce a été transmise par lettre non pas au mouvement islamiste mais au président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. Et repoussant l’argument du ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, qui a estimé sur X que cette reconnaissance «donne tort à ce mouvement terroriste» puisque «le Hamas a toujours refusé la solution à deux Etats».
Eric Ciotti, l’allié venu de la droite, a lui aussi fustigé une «décision précipitée, prise pour de pures raisons électoralistes et indécente après les massacres du 7 octobre», et a considéré que «le chef de l’Etat n’a plus aucune légitimité pour engager la France sur un sujet aussi sensible». «C’est au Parlement de se prononcer», conclut de manière bien peu gaullienne celui qui était déjà député en 2014, au moment du vote d’une proposition de résolution portant sur la reconnaissance de la Palestine, adoptée par 339 voix contre 151. L’élu de Nice s’était alors prononcé contre, à l’image de l’immense majorité de son groupe UMP, dont le président, Christian Jacob, avait jugé, de façon plus gaullienne cette fois-ci, qu’un tel débat «n’est pas de la compétence de l’Assemblée nationale».
Le parti de Marine Le Pen laissait, à l’époque, entrevoir plus de débats sur le sujet. Députée du Vaucluse, Marion Maréchal avait d’abord annoncé qu’elle voterait pour, tandis que son unique collègue, Gilbert Collard, se déclarait contre, tout comme Aymeric Chauprade, alors monsieur Affaires étrangères du parti. Marine Le Pen, Louis Aliot et Florian Philippot, eux, poussaient en faveur du texte. Tout comme Jordan Bardella, alors jeune secrétaire départemental FN de Seine-Saint-Denis, qui publiait sur Twitter quelques semaines avant le vote une citation de son mentor, Philippot : «L’honneur de la France c’est de reconnaître un Etat palestinien. Tout vote en ce sens est une avancée.» Pour la paix des ménages, Maréchal comme Collard avaient fini par s’abstenir.
Abandon du discours d’équilibre
Pas mal d’eau a coulé sous les ponts depuis. Après l’échec de la présidentielle de 2017, Marine Le Pen a entamé une longue entreprise de normalisation qui l’a conduite à abandonner sa recherche d’une «troisième voie», autant économique (abandon de la sortie de l’euro, programme plus favorable aux grandes entreprises, moins-disant social) que géopolitique. Pour ce faire, la trois fois candidate a mis son antiaméricanisme en sourdine, tout comme son soutien à la Russie de Vladimir Poutine, et refermé la séquence de la politique arabe ouverte par son père en 1990 au moment de la première guerre du Golfe - à laquelle Jean-Marie Le Pen s’était opposé, nouant des relations avec Saddam Hussein, puis avec le régime syrien des Al-Assad, que sa fille continuera de soutenir tout au long de la guerre civile.
Concrètement, cela se traduit, sur la situation à Gaza, en un abandon de tout discours d’équilibre au profit d’un soutien inconditionnel aux opérations militaires israéliennes. En presque deux ans de guerre, et au bout d’un tout petit peu moins de 60 000 morts palestiniens, dont une majorité de civils, Marine Le Pen n’aura eu qu’un seul mot pour ces derniers, quand une église catholique de l’enclave a été bombardée, le 17 juillet, tuant deux fidèles. «Dans la lutte légitime que mène Israël dans l’éradication des islamistes du Hamas, la population civile ainsi que les minorités religieuses chrétiennes doivent être protégées à la lumière du droit international», pointait-elle timidement du doigt, consciente que la cause des chrétiens d’Orient est l’un des combats que l’extrême droite tente de s’approprier depuis longtemps, et que son absence de réaction aurait été mal perçue dans la mouvance. Jordan Bardella, lui, n’avait pas jugé utile de réagir au bombardement de l’église.
Si cet alignement répond évidemment à la stratégie de dédiabolisation du RN visant à faire oublier son passé antisémite, il replace, ironiquement, le parti dans la continuité de l’extrême droite la plus traditionnelle - et antisémite. «Ils veulent faire la dédiabolisation, mais ils sont en train de redevenir le Rebatet des années 1960», ironise un cadre, en référence à l’écrivain collaborationniste, devenu fan de l’armée israélienne pendant la guerre des Six Jours, sans rien renier de son antisémitisme. Quelques années plus tôt, Jean-Marie Le Pen avait découvert avec admiration le nationalisme de Tsahal, lors de la crise de Suez, en 1956, au cours de laquelle Israël s’était allié avec les deux puissances coloniales française et anglaise pour faire échec à un Etat arabe. L’Etat hébreu était alors vu comme la pointe avancée de l’Occident au milieu d’une région fortement attirée par l’influence soviétique.
«Du mauvais côté de l’histoire»
L’extrême droite identitaire regarde aujourd’hui le même Etat comme un avant-poste occidental cerné par des pays arabo-musulmans dont la civilisation serait intrinsèquement hostile aux Européens. Si Bardella et Le Pen prennent garde de ne pas reprendre exactement la même rhétorique que ce courant racialiste, c’est bien cette vision du monde qui transparaît dans leurs prises de position. Et que le jeune leader fait sienne dans son autobiographie, Ce que je cherche (Fayard).
Malgré cela, le refus obstiné d’émettre la moindre critique contre Israël a fini par créer le malaise au sein des rangs frontistes. «Le simple fait d’évoquer la situation là-bas est tabou», confie un collaborateur parlementaire. «On ne peut rien dire, car il faut montrer patte blanche, mais que vaut la dédiabolisation face à 40 000 personnes qui se font bombarder ?» se demande un autre assistant. Forcément, les prises de parole publiques sont rares. En dehors d’une tribune, début juillet, d’un journaliste de la très droitière Radio Courtoisie, qualifiant l’attitude de son camp de «faute morale», on recense plus récemment le long texte de Guilhem Carayon, vice-président de l’UDR (le parti de Ciotti), qui s’interroge : «Mourir de faim ou tomber sous les tirs : est-ce devenu le seul horizon des enfants palestiniens ?» «Israël avait, a, et aura toujours le droit de se défendre. Mais la France ne peut accepter que les limites posées par le droit international soient chaque jour franchies sous nos yeux», poursuit le même qui dit savoir que sa position «est minoritaire au sein de la droite française». «Mais je ne supporterai pas de dire un jour à mes enfants qu’on savait mais qu’on n’a rien dit», ajoute-t-il, faisant écho à cette autre crainte, partagée par un cadre frontiste : «On est pas mal de gens à se demander si on ne va pas être du mauvais côté de l’histoire.» Que l’un et l’autre se rassurent : ça ne serait pas la première fois.
https://www.liberation.fr/politique/ele ... MMARPRJ7A/
Belle bande d'hypocrites que le FN/RN...
Le RN a condamné la future reconnaissance de l’Etat palestinien, annoncée par Emmanuel Macron jeudi 24 juillet, renforçant son soutien inconditionnel à l’armée israélienne.
Totalement alignée, comme depuis près de deux ans, sur les positions du gouvernement israélien, Marine Le Pen en a logiquement repris les éléments de langage, après l’annonce de la reconnaissance de l’Etat de Palestine par la France, jeudi 24 juillet au soir. «Reconnaître aujourd’hui un Etat palestinien, c’est reconnaître un Etat Hamas et donc un Etat terroriste», a réagi ce vendredi 25 juillet au matin la fille de Jean-Marie Le Pen, sur X, en écho fidèle du Premier ministre hébreu qui a vu dans la décision d’Emmanuel Macron une «récompense à la terreur». Pour la cheffe de file de l’extrême droite française, il s’agit d’une «faute politique et morale», qui «légitime les massacreurs du 7 octobre» sans «aucune fidélité à l’histoire de la France». A son diapason, Jordan Bardella condamne une «décision précipitée, davantage motivée par des considérations politiques personnelles que par une sincère recherche de justice et de paix». Pour la forme, le président du Rassemblement national rappelle que la «solution à deux Etats est l’horizon à atteindre», à l’instar de sa N + 1 qui rappelle que «l’espoir» l’a toujours portée vers cette option.
Avec plus ou moins de zèle, la plupart des députés RN ont semblablement fustigé la décision de leur pays. L’élu de l’Aude, Frédéric Falcon, allant jusqu’à traiter le président de «supplétif du Hamas». Refusant de considérer que cette annonce a été transmise par lettre non pas au mouvement islamiste mais au président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. Et repoussant l’argument du ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, qui a estimé sur X que cette reconnaissance «donne tort à ce mouvement terroriste» puisque «le Hamas a toujours refusé la solution à deux Etats».
Eric Ciotti, l’allié venu de la droite, a lui aussi fustigé une «décision précipitée, prise pour de pures raisons électoralistes et indécente après les massacres du 7 octobre», et a considéré que «le chef de l’Etat n’a plus aucune légitimité pour engager la France sur un sujet aussi sensible». «C’est au Parlement de se prononcer», conclut de manière bien peu gaullienne celui qui était déjà député en 2014, au moment du vote d’une proposition de résolution portant sur la reconnaissance de la Palestine, adoptée par 339 voix contre 151. L’élu de Nice s’était alors prononcé contre, à l’image de l’immense majorité de son groupe UMP, dont le président, Christian Jacob, avait jugé, de façon plus gaullienne cette fois-ci, qu’un tel débat «n’est pas de la compétence de l’Assemblée nationale».
Le parti de Marine Le Pen laissait, à l’époque, entrevoir plus de débats sur le sujet. Députée du Vaucluse, Marion Maréchal avait d’abord annoncé qu’elle voterait pour, tandis que son unique collègue, Gilbert Collard, se déclarait contre, tout comme Aymeric Chauprade, alors monsieur Affaires étrangères du parti. Marine Le Pen, Louis Aliot et Florian Philippot, eux, poussaient en faveur du texte. Tout comme Jordan Bardella, alors jeune secrétaire départemental FN de Seine-Saint-Denis, qui publiait sur Twitter quelques semaines avant le vote une citation de son mentor, Philippot : «L’honneur de la France c’est de reconnaître un Etat palestinien. Tout vote en ce sens est une avancée.» Pour la paix des ménages, Maréchal comme Collard avaient fini par s’abstenir.
Abandon du discours d’équilibre
Pas mal d’eau a coulé sous les ponts depuis. Après l’échec de la présidentielle de 2017, Marine Le Pen a entamé une longue entreprise de normalisation qui l’a conduite à abandonner sa recherche d’une «troisième voie», autant économique (abandon de la sortie de l’euro, programme plus favorable aux grandes entreprises, moins-disant social) que géopolitique. Pour ce faire, la trois fois candidate a mis son antiaméricanisme en sourdine, tout comme son soutien à la Russie de Vladimir Poutine, et refermé la séquence de la politique arabe ouverte par son père en 1990 au moment de la première guerre du Golfe - à laquelle Jean-Marie Le Pen s’était opposé, nouant des relations avec Saddam Hussein, puis avec le régime syrien des Al-Assad, que sa fille continuera de soutenir tout au long de la guerre civile.
Concrètement, cela se traduit, sur la situation à Gaza, en un abandon de tout discours d’équilibre au profit d’un soutien inconditionnel aux opérations militaires israéliennes. En presque deux ans de guerre, et au bout d’un tout petit peu moins de 60 000 morts palestiniens, dont une majorité de civils, Marine Le Pen n’aura eu qu’un seul mot pour ces derniers, quand une église catholique de l’enclave a été bombardée, le 17 juillet, tuant deux fidèles. «Dans la lutte légitime que mène Israël dans l’éradication des islamistes du Hamas, la population civile ainsi que les minorités religieuses chrétiennes doivent être protégées à la lumière du droit international», pointait-elle timidement du doigt, consciente que la cause des chrétiens d’Orient est l’un des combats que l’extrême droite tente de s’approprier depuis longtemps, et que son absence de réaction aurait été mal perçue dans la mouvance. Jordan Bardella, lui, n’avait pas jugé utile de réagir au bombardement de l’église.
Si cet alignement répond évidemment à la stratégie de dédiabolisation du RN visant à faire oublier son passé antisémite, il replace, ironiquement, le parti dans la continuité de l’extrême droite la plus traditionnelle - et antisémite. «Ils veulent faire la dédiabolisation, mais ils sont en train de redevenir le Rebatet des années 1960», ironise un cadre, en référence à l’écrivain collaborationniste, devenu fan de l’armée israélienne pendant la guerre des Six Jours, sans rien renier de son antisémitisme. Quelques années plus tôt, Jean-Marie Le Pen avait découvert avec admiration le nationalisme de Tsahal, lors de la crise de Suez, en 1956, au cours de laquelle Israël s’était allié avec les deux puissances coloniales française et anglaise pour faire échec à un Etat arabe. L’Etat hébreu était alors vu comme la pointe avancée de l’Occident au milieu d’une région fortement attirée par l’influence soviétique.
«Du mauvais côté de l’histoire»
L’extrême droite identitaire regarde aujourd’hui le même Etat comme un avant-poste occidental cerné par des pays arabo-musulmans dont la civilisation serait intrinsèquement hostile aux Européens. Si Bardella et Le Pen prennent garde de ne pas reprendre exactement la même rhétorique que ce courant racialiste, c’est bien cette vision du monde qui transparaît dans leurs prises de position. Et que le jeune leader fait sienne dans son autobiographie, Ce que je cherche (Fayard).
Malgré cela, le refus obstiné d’émettre la moindre critique contre Israël a fini par créer le malaise au sein des rangs frontistes. «Le simple fait d’évoquer la situation là-bas est tabou», confie un collaborateur parlementaire. «On ne peut rien dire, car il faut montrer patte blanche, mais que vaut la dédiabolisation face à 40 000 personnes qui se font bombarder ?» se demande un autre assistant. Forcément, les prises de parole publiques sont rares. En dehors d’une tribune, début juillet, d’un journaliste de la très droitière Radio Courtoisie, qualifiant l’attitude de son camp de «faute morale», on recense plus récemment le long texte de Guilhem Carayon, vice-président de l’UDR (le parti de Ciotti), qui s’interroge : «Mourir de faim ou tomber sous les tirs : est-ce devenu le seul horizon des enfants palestiniens ?» «Israël avait, a, et aura toujours le droit de se défendre. Mais la France ne peut accepter que les limites posées par le droit international soient chaque jour franchies sous nos yeux», poursuit le même qui dit savoir que sa position «est minoritaire au sein de la droite française». «Mais je ne supporterai pas de dire un jour à mes enfants qu’on savait mais qu’on n’a rien dit», ajoute-t-il, faisant écho à cette autre crainte, partagée par un cadre frontiste : «On est pas mal de gens à se demander si on ne va pas être du mauvais côté de l’histoire.» Que l’un et l’autre se rassurent : ça ne serait pas la première fois.
https://www.liberation.fr/politique/ele ... MMARPRJ7A/
Belle bande d'hypocrites que le FN/RN...