Non, «Libération» n’a pas utilisé une photo du Yémen datant de 2016 pour illustrer la famine à Gaza
Posté : 26 juillet 2025 08:29
Calomniez calomniez...
De nombreuses publications sur les réseaux sociaux accusent à tort notre journal d’avoir sorti de son contexte le cliché d’un enfant dénutri, dans un dossier de une consacré à la crise humanitaire imposée à l’enclave palestinienne.
Telle une copie rageusement corrigée, la une de Libération du jeudi 24 juillet, consacrée à la famine à Gaza, se retrouve barrée de lettres rouges. «Libé la honte» lit-on ainsi sur un visuel, massivement partagé sur les réseaux sociaux, visant à faire croire que la photo d’un très jeune enfant rachitique, placée en première page du journal, aurait été tirée de son contexte afin de tromper les lecteurs sur la réalité de la faim dans l’enclave palestinienne, coupée du monde par Israël.
La publication affirme que l’image aurait, en réalité, été prise au Yémen en 2016 par le photographe Abduljabbar Zeyad, pour l’agence Reuters, et qu’elle aurait déjà été publiée il y a de nombreuses années par le Guardian ou ABC News. Des accusations fausses : la photo de une provient bien d’un reportage réalisé, à Gaza, le 23 juillet 2025.
Même Grok s’y met
Ces allégations ont été signalées à Libération dès la matinée du jeudi 24 juillet. Le photojournaliste français Pierre Terdjman partage en story la capture d’écran du visuel censé dénoncer la manipulation, horodatée à 9h45. Il y dénonce alors la supercherie : «Pour plus de clarté, je vois ce post tourner depuis ce matin, cette photo est bien réelle.» Mais le montage continue de circuler : tweeté par un internaute à 11h56, partagé par un autre sur Facebook à 13h47, mais surtout par Bruno Benjamin, ancien président du Crif Marseille Provence, à 19h04. «Libération ou la faillite morale d’un journal devenu machine à désinformer. […] Mensonge par image. Manipulation par amalgame. Propagande par détournement», accuse-t-il. Son message est repartagé 2 000 fois et recueille plus de 3 000 likes.
Même Grok, l’intelligence artificielle de X, souvent sollicitée par des internautes pour vérifier des informations, et qui publie parfois des réponses antisémites, s’est plantée. Ce vendredi 25 juillet à 1h15 du matin, Grok répond à l’internaute qui l’a sollicité que la photo «est bien une reprise d’une image prise en septembre 2016» au Yémen et que «c’est une manipulation pour illustrer Gaza». En fin d’après-midi, interrogé par un internaute à la suite de la publication de notre article, Grok a publié une réponse différente, cette fois correcte : «Après vérification approfondie, je confirme que la photo de Libération est bien d’un enfant à Gaza en 2025.»
Une série bouleversante dans le camp de réfugiés Al-Shati
Comme à l’accoutumée à Libération, les crédits précisant la source de la photo utilisée en une figurent, en toutes lettres, à gauche de l’image. Ce cliché montre, de dos, un petit garçon âgé de 2 ans. Il s’appelle Yazan et a été photographié le mercredi 23 juillet dans le camp de réfugiés de Al-Shati, à Gaza, par Omar Al-Qattaa, pour l’AFP. La plateforme de l’Agence France-Presse met d’ailleurs à disposition de ses clients une longue série d’images bouleversantes issues de ce même reportage. Elles montrent l’enfant tantôt allongé sur un matelas, entouré de ses frères, tantôt sur les genoux ou dans les bras de sa mère. Une autre photo de cette même série, présente dans les pages intérieures de notre journal, montre cette femme, Naeema, 30 ans, tenir contre elle le petit corps décharné de son fils. Sur son profil Instagram, dès mercredi, le photojournaliste a publié plusieurs de ses clichés. Et ce vendredi, l’AFP a mis en ligne d’autres photos, de cette même famille, prises cette fois par Ali Jadallah, la veille, dans le camp d’Al-Shati, pour l’agence Anadolu.
Omar Al-Qattaa (dont le portrait figure d’ailleurs dans les pages intérieures du journal du 24 juillet) fait partie des derniers reporters présents à Gaza pour l’AFP. Habitant de l’enclave, il raconte avec quelques autres la guerre alors que la presse internationale ne peut y mettre les pieds. Dans un communiqué publié le 21 juillet, la société des journalistes de l’AFP a sonné l’alerte sur la situation de ses pigistes touchés eux aussi par le manque de nourriture et la crise humanitaire en cours. Dans ce contexte, Omar Al-Qatta, 35 ans, candidat au prix Pulitzer, livrait son témoignage et disait notamment manquer d’antalgiques pour soulager ses douleurs dorsales : «Je dois porter du matériel lourd, marcher des kilomètres […]. On ne peut plus se rendre sur les lieux de reportage, on n’a plus la force à cause de la faim.»
Une famine réellement photographiée en 2016 au Yémen
Du reste, le photographe à qui la photo est faussement attribuée, Abduljabbar Zeyad, existe bien. Collaborateur de l’agence Reuters, il a réalisé des séries photographiques sur la famine au Yémen, publiées en septembre et octobre 2016, notamment dans la ville d’Al-Hodeïda. Le Yémen était alors touché par une guerre depuis 2015, face à l’Arabie Saoudite et ses alliés, visant à déloger les Houthis. Ses photos ont été publiées dans différents médias américains.
«Dans le service d’urgences pédiatriques de l’hôpital Thawra, dans le port d’Al-Hodeïda, de minuscules patients, la peau sur les os, se tordent de douleur dans leurs lits. Les couloirs et salles d’attente sont bondés de parents venus chercher de l’aide pour leurs enfants affamés et mourants», décrit l’article de Reuters accompagnant ses photos. Sur l’une des images, un enfant est assis sur les genoux de sa mère à l’hôpital. En 2017 sur le site de Reuters, une autre de ses photos montre une mère tenir son enfant, squelettique, dans ses bras.
Mise à jour : ajout du correctif de Grok, le 25 juillet à 18h40.
https://www.liberation.fr/checknews/non ... 6ETDF4XL4/

De nombreuses publications sur les réseaux sociaux accusent à tort notre journal d’avoir sorti de son contexte le cliché d’un enfant dénutri, dans un dossier de une consacré à la crise humanitaire imposée à l’enclave palestinienne.
Telle une copie rageusement corrigée, la une de Libération du jeudi 24 juillet, consacrée à la famine à Gaza, se retrouve barrée de lettres rouges. «Libé la honte» lit-on ainsi sur un visuel, massivement partagé sur les réseaux sociaux, visant à faire croire que la photo d’un très jeune enfant rachitique, placée en première page du journal, aurait été tirée de son contexte afin de tromper les lecteurs sur la réalité de la faim dans l’enclave palestinienne, coupée du monde par Israël.
La publication affirme que l’image aurait, en réalité, été prise au Yémen en 2016 par le photographe Abduljabbar Zeyad, pour l’agence Reuters, et qu’elle aurait déjà été publiée il y a de nombreuses années par le Guardian ou ABC News. Des accusations fausses : la photo de une provient bien d’un reportage réalisé, à Gaza, le 23 juillet 2025.
Même Grok s’y met
Ces allégations ont été signalées à Libération dès la matinée du jeudi 24 juillet. Le photojournaliste français Pierre Terdjman partage en story la capture d’écran du visuel censé dénoncer la manipulation, horodatée à 9h45. Il y dénonce alors la supercherie : «Pour plus de clarté, je vois ce post tourner depuis ce matin, cette photo est bien réelle.» Mais le montage continue de circuler : tweeté par un internaute à 11h56, partagé par un autre sur Facebook à 13h47, mais surtout par Bruno Benjamin, ancien président du Crif Marseille Provence, à 19h04. «Libération ou la faillite morale d’un journal devenu machine à désinformer. […] Mensonge par image. Manipulation par amalgame. Propagande par détournement», accuse-t-il. Son message est repartagé 2 000 fois et recueille plus de 3 000 likes.
Même Grok, l’intelligence artificielle de X, souvent sollicitée par des internautes pour vérifier des informations, et qui publie parfois des réponses antisémites, s’est plantée. Ce vendredi 25 juillet à 1h15 du matin, Grok répond à l’internaute qui l’a sollicité que la photo «est bien une reprise d’une image prise en septembre 2016» au Yémen et que «c’est une manipulation pour illustrer Gaza». En fin d’après-midi, interrogé par un internaute à la suite de la publication de notre article, Grok a publié une réponse différente, cette fois correcte : «Après vérification approfondie, je confirme que la photo de Libération est bien d’un enfant à Gaza en 2025.»
Une série bouleversante dans le camp de réfugiés Al-Shati
Comme à l’accoutumée à Libération, les crédits précisant la source de la photo utilisée en une figurent, en toutes lettres, à gauche de l’image. Ce cliché montre, de dos, un petit garçon âgé de 2 ans. Il s’appelle Yazan et a été photographié le mercredi 23 juillet dans le camp de réfugiés de Al-Shati, à Gaza, par Omar Al-Qattaa, pour l’AFP. La plateforme de l’Agence France-Presse met d’ailleurs à disposition de ses clients une longue série d’images bouleversantes issues de ce même reportage. Elles montrent l’enfant tantôt allongé sur un matelas, entouré de ses frères, tantôt sur les genoux ou dans les bras de sa mère. Une autre photo de cette même série, présente dans les pages intérieures de notre journal, montre cette femme, Naeema, 30 ans, tenir contre elle le petit corps décharné de son fils. Sur son profil Instagram, dès mercredi, le photojournaliste a publié plusieurs de ses clichés. Et ce vendredi, l’AFP a mis en ligne d’autres photos, de cette même famille, prises cette fois par Ali Jadallah, la veille, dans le camp d’Al-Shati, pour l’agence Anadolu.
Omar Al-Qattaa (dont le portrait figure d’ailleurs dans les pages intérieures du journal du 24 juillet) fait partie des derniers reporters présents à Gaza pour l’AFP. Habitant de l’enclave, il raconte avec quelques autres la guerre alors que la presse internationale ne peut y mettre les pieds. Dans un communiqué publié le 21 juillet, la société des journalistes de l’AFP a sonné l’alerte sur la situation de ses pigistes touchés eux aussi par le manque de nourriture et la crise humanitaire en cours. Dans ce contexte, Omar Al-Qatta, 35 ans, candidat au prix Pulitzer, livrait son témoignage et disait notamment manquer d’antalgiques pour soulager ses douleurs dorsales : «Je dois porter du matériel lourd, marcher des kilomètres […]. On ne peut plus se rendre sur les lieux de reportage, on n’a plus la force à cause de la faim.»
Une famine réellement photographiée en 2016 au Yémen
Du reste, le photographe à qui la photo est faussement attribuée, Abduljabbar Zeyad, existe bien. Collaborateur de l’agence Reuters, il a réalisé des séries photographiques sur la famine au Yémen, publiées en septembre et octobre 2016, notamment dans la ville d’Al-Hodeïda. Le Yémen était alors touché par une guerre depuis 2015, face à l’Arabie Saoudite et ses alliés, visant à déloger les Houthis. Ses photos ont été publiées dans différents médias américains.
«Dans le service d’urgences pédiatriques de l’hôpital Thawra, dans le port d’Al-Hodeïda, de minuscules patients, la peau sur les os, se tordent de douleur dans leurs lits. Les couloirs et salles d’attente sont bondés de parents venus chercher de l’aide pour leurs enfants affamés et mourants», décrit l’article de Reuters accompagnant ses photos. Sur l’une des images, un enfant est assis sur les genoux de sa mère à l’hôpital. En 2017 sur le site de Reuters, une autre de ses photos montre une mère tenir son enfant, squelettique, dans ses bras.
Mise à jour : ajout du correctif de Grok, le 25 juillet à 18h40.
https://www.liberation.fr/checknews/non ... 6ETDF4XL4/
