En Grèce, un vaste scandale de détournement de fonds européens ébranle le gouvernement
Posté : 30 juillet 2025 08:08
Décidément...
En près de dix ans, au moins 290 millions d’euros de subventions auraient été détournés via un système rodé de fausses déclarations de propriétés agricoles, dans lequel auraient trempé plusieurs ex-ministres et des députés du parti de droite au pouvoir. Le Parlement discute des contours d’une commission d’enquête.
publié aujourd'hui à 5h21
Le Parlement grec débat depuis ce mardi 29 juillet d’un vaste scandale de détournement de fonds européens impliquant d’anciens ministres et d’actuels députés. Comme le stipule la Constitution, la Vouli doit décider de l’ouverture d’une enquête parlementaire et de ses contours. Sera ensuite éventuellement levée l’immunité des responsables et les pièces du dossier seront transmises à la justice pour une enquête pénale. Un moment charnière dans cette affaire qui déstabilise le gouvernement depuis les révélations du média en ligne Politico, en février, selon lesquelles des millions d’euros auraient été empochés par de supposés «agriculteurs» pour des terres qu’ils ne possèdent ni ne cultivent. L’Opekepe, l’agence en charge de distribuer les aides de la politique agricole commune, est au cœur du scandale : c’est elle qui répartit les trois milliards d’euros de subventions annuelles pour le petit pays du sud-est européen, septième plus grand bénéficiaire de la politique agricole communautaire.
A l’origine de l’affaire, un différend entre la Grèce et l’Union européenne autour de la définition du «pâturage», déterminant l’attribution de fonds européens à ce type de terrains. Le pays, qui compte environ 2,4 millions d’hectares de pâturages, avait protesté contre l’exclusion d’un million d’hectares par une description qui «ne correspondait pas à la réalité des terrains méditerranéens», selon un cadre du ministère grec de l’Agriculture. Athènes avait obtenu gain de cause auprès de Bruxelles, les pâturages comptant non seulement les prairies mais aussi les broussailles et les prairies faiblement boisées. La superficie éligible aux subventions avait ainsi presque doublé tout comme, dans un pays où le cadastre est défaillant, les possibilités de fraude…
«Etouffer l’affaire»
A compter de 2017, des personnes présentées comme de nouveaux agriculteurs déclarent être propriétaires ou locataires de pâturages éligibles à des aides européennes, dans la plupart des cas des terrains publics qui ne leur avaient pas été attribués. Le comble : ces pâturages étaient souvent situés loin de leur lieu de résidence, des habitants de Crète se trouvant ainsi jouir de surfaces en Thrace ou en Thessalie, dans le nord du pays ! C’est une lanceuse d’alerte au sein de l’Opekepe, Paraskevi Tycheropoulou, qui s’en rend compte lors d’un audit interne. «Ce qu’elle a découvert s’apparente à un véritable système de détournement de fonds», explique son avocat, Antonis Vagianos. Le stratagème aurait perduré jusqu’en 2024. Au total, au moins 290 millions d’euros auraient été détournés ; d’autres sources évoquent 60 à 70 millions d’euros annuels, pendant huit ans. Une fraude rendue possible grâce à «un circuit fermé, un réseau qui comptait des membres au sein de l’Opeke», selon l’avocat. Mais la lanceuse d’alerte gêne ; elle est placardisée. Dans l’agence, six directeurs défilent sur les cinq dernières années. «Ceux qui ont voulu tirer les choses au clair n’ont pas gardé leur poste très longtemps», ironise un ancien cadre. Pourquoi ? «Des ministres ont voulu étouffer l’affaire», soupire-t-il.
Sauf qu’entretemps, le parquet européen et l’Office européen de lutte antifraude sont saisis. Un proche du dossier décrypte : «Cette fraude indique clairement la façon dont le régime grec fonctionne et la façon dont les responsables politiques sont élus : des cadres politiques ont trouvé un système pour offrir un revenu supplémentaire à leurs électeurs…» Exagéré ? Il renvoie d’abord aux chiffres : entre 2017 et 2021, 155,7 millions d’euros ont été distribués et l’on note une augmentation de la part de la Crète dans l’obtention des fonds – l’île récolte 18,8 % des fonds en 2017, 53,7 % en 2019 et jusqu’à 67,1 % en 2020, année où débutent les vérifications. Il évoque ensuite des enregistrements téléphoniques qui ont fuité : «On va perdre tout ce qu’on avait. […] Cette Tycheropoulou, si je l’avais tuée, je serais libéré aujourd’hui», menace notamment un interlocuteur, qui s’avère être un éleveur et un cadre crétois du parti au pouvoir, Nouvelle Démocratie. Le 27 juin, quatre anciens ministres de l’Agriculture appartenant à ce parti de droite, qui avaient hérité d’autres portefeuilles à la faveur de remaniements, ont démissionné. Une quarantaine de députés de la majorité gouvernementale sont éclaboussés par le scandale. Mais ils sont de ceux qui décideront ce qu’examinera la commission parlementaire.
https://www.liberation.fr/international ... YH3GC2G2Y/
En près de dix ans, au moins 290 millions d’euros de subventions auraient été détournés via un système rodé de fausses déclarations de propriétés agricoles, dans lequel auraient trempé plusieurs ex-ministres et des députés du parti de droite au pouvoir. Le Parlement discute des contours d’une commission d’enquête.
publié aujourd'hui à 5h21
Le Parlement grec débat depuis ce mardi 29 juillet d’un vaste scandale de détournement de fonds européens impliquant d’anciens ministres et d’actuels députés. Comme le stipule la Constitution, la Vouli doit décider de l’ouverture d’une enquête parlementaire et de ses contours. Sera ensuite éventuellement levée l’immunité des responsables et les pièces du dossier seront transmises à la justice pour une enquête pénale. Un moment charnière dans cette affaire qui déstabilise le gouvernement depuis les révélations du média en ligne Politico, en février, selon lesquelles des millions d’euros auraient été empochés par de supposés «agriculteurs» pour des terres qu’ils ne possèdent ni ne cultivent. L’Opekepe, l’agence en charge de distribuer les aides de la politique agricole commune, est au cœur du scandale : c’est elle qui répartit les trois milliards d’euros de subventions annuelles pour le petit pays du sud-est européen, septième plus grand bénéficiaire de la politique agricole communautaire.
A l’origine de l’affaire, un différend entre la Grèce et l’Union européenne autour de la définition du «pâturage», déterminant l’attribution de fonds européens à ce type de terrains. Le pays, qui compte environ 2,4 millions d’hectares de pâturages, avait protesté contre l’exclusion d’un million d’hectares par une description qui «ne correspondait pas à la réalité des terrains méditerranéens», selon un cadre du ministère grec de l’Agriculture. Athènes avait obtenu gain de cause auprès de Bruxelles, les pâturages comptant non seulement les prairies mais aussi les broussailles et les prairies faiblement boisées. La superficie éligible aux subventions avait ainsi presque doublé tout comme, dans un pays où le cadastre est défaillant, les possibilités de fraude…
«Etouffer l’affaire»
A compter de 2017, des personnes présentées comme de nouveaux agriculteurs déclarent être propriétaires ou locataires de pâturages éligibles à des aides européennes, dans la plupart des cas des terrains publics qui ne leur avaient pas été attribués. Le comble : ces pâturages étaient souvent situés loin de leur lieu de résidence, des habitants de Crète se trouvant ainsi jouir de surfaces en Thrace ou en Thessalie, dans le nord du pays ! C’est une lanceuse d’alerte au sein de l’Opekepe, Paraskevi Tycheropoulou, qui s’en rend compte lors d’un audit interne. «Ce qu’elle a découvert s’apparente à un véritable système de détournement de fonds», explique son avocat, Antonis Vagianos. Le stratagème aurait perduré jusqu’en 2024. Au total, au moins 290 millions d’euros auraient été détournés ; d’autres sources évoquent 60 à 70 millions d’euros annuels, pendant huit ans. Une fraude rendue possible grâce à «un circuit fermé, un réseau qui comptait des membres au sein de l’Opeke», selon l’avocat. Mais la lanceuse d’alerte gêne ; elle est placardisée. Dans l’agence, six directeurs défilent sur les cinq dernières années. «Ceux qui ont voulu tirer les choses au clair n’ont pas gardé leur poste très longtemps», ironise un ancien cadre. Pourquoi ? «Des ministres ont voulu étouffer l’affaire», soupire-t-il.
Sauf qu’entretemps, le parquet européen et l’Office européen de lutte antifraude sont saisis. Un proche du dossier décrypte : «Cette fraude indique clairement la façon dont le régime grec fonctionne et la façon dont les responsables politiques sont élus : des cadres politiques ont trouvé un système pour offrir un revenu supplémentaire à leurs électeurs…» Exagéré ? Il renvoie d’abord aux chiffres : entre 2017 et 2021, 155,7 millions d’euros ont été distribués et l’on note une augmentation de la part de la Crète dans l’obtention des fonds – l’île récolte 18,8 % des fonds en 2017, 53,7 % en 2019 et jusqu’à 67,1 % en 2020, année où débutent les vérifications. Il évoque ensuite des enregistrements téléphoniques qui ont fuité : «On va perdre tout ce qu’on avait. […] Cette Tycheropoulou, si je l’avais tuée, je serais libéré aujourd’hui», menace notamment un interlocuteur, qui s’avère être un éleveur et un cadre crétois du parti au pouvoir, Nouvelle Démocratie. Le 27 juin, quatre anciens ministres de l’Agriculture appartenant à ce parti de droite, qui avaient hérité d’autres portefeuilles à la faveur de remaniements, ont démissionné. Une quarantaine de députés de la majorité gouvernementale sont éclaboussés par le scandale. Mais ils sont de ceux qui décideront ce qu’examinera la commission parlementaire.
https://www.liberation.fr/international ... YH3GC2G2Y/