À Toulon, des rockeurs en soutane revisitent Pink Floyd pour promouvoir l’idéologie anti-IVG
Posté : 28 août 2025 19:55
Lors d’un concert donné mardi 19 août dans le centre-ville, des paroissiens ont repris «The Wall» en changeant les paroles. Ils ont remplacé «no education» par «no contraception».
Pas de chance. Les membres de la paroisse de Saint-François de Paule semblaient un peu étonnés d’être contacté par Libération après leur concert organisé mardi 19 août sur le parvis de leur église, près du port de Toulon, en bas du cours Lafayette. Le groupe Soutanes of swing, composé de sept missionnaires de la miséricorde divine, société de catholiques traditionnels associée au diocèse de Fréjus-Toulon, y reprenait comme à son habitude des artistes emblématiques du rock : Dire Straits, Johnny Hallyday, et, ce soir-là, un morceau de Pink Floyd.
Dans une story publiée par une habitante sur son compte Instagram le jour même, on pouvait y voir une ambiance festive, alors que le groupe reprend Another Brick in the Wall, chanson mythique du groupe anglais dans laquelle les natifs de Londres expriment leur aversion pour le système éducatif et la pensée unique. «We don’t need no education. We don’t need no thought control. No dark sarcasm in the class rooms.» («On n’a pas besoin d’éducation. On n’a pas besoin de contrôle de la pensée. Pas de sarcasme dans les salles de classe»), entonnait à l’époque Roger Waters, l’un des chanteurs et bassiste de Pink Floyd. Un hymne libertaire, revisité par les rockeurs en soutanes : «We don’t need no contraception. We don’t need no birth control. No dark sarcasm in the white rooms.» («On n’a pas besoin de contraception. On n’a pas besoin de contrôle des naissances. Pas de sarcasme dans les salles blanches.») Cette dernière partie fait, selon la paroisse, référence à la contraception chimique et au contrôle médical des naissances.
«La contraception, c’est la pensée unique»
«C’est notre habitude de modifier les paroles, justifie l’abbé Hugues de Franclieu, paroissien et membre du groupe. Il y a un côté amusant et provocant à le faire. Ici, nous voulions faire un clin d’œil à Pink Floyd, car la contraception est aujourd’hui un sujet que l’on n’a presque pas le droit d’évoquer tellement il est tabou, tellement c’est la pensée unique. Mais le but du concert n’est pas de revendiquer la morale sexuelle de la Sainte Eglise.»
«C’est la première fois qu’il y a ce type de débordement à notre connaissance», réagit Isabelle Bonnefoy, directrice adjointe du cabinet de la maire de Toulon, Josée Massi, confirmant qu’une autorisation départementale a été délivrée pour le concert. «Il y a un climat pesant et certaines associations ont un peu peur de s’exprimer sur le sujet. Nous allons communiquer conjointement avec le Planning familial afin de rappeler l’importance de la contraception», précise Claudine Richard, présidente du Centre d’information des droits des femmes et figure féministe locale. Fin mai, la façade du Planning familial de Toulon était taguée de l’inscription «structure de mort». L’association a déposé plainte, sans avancée ni auteur présumé à ce jour.
L’abbé Jean-Raphaël Dubrule, supérieur de la communauté, trouve de son côté «assez réducteur de s’arrêter à cette musique, car elle n’est pas très représentative de l’esprit» du groupe et de la paroisse. Avant d’ajouter : «On peut simplement dire que ce n’est pas très futé, mais on ne peut pas faire tout, toujours parfaitement.» Le reste du répertoire des Soutanes of swing semble, en effet, plus tourné vers l’adoration à la vierge que vers la morale sexuelle. Mais cette prise de position artistique se tient dans un contexte varois particulier autour des communautés religieuses et de leurs convictions.
«Je ne me sens pas à l’aise dans toutes les églises de Toulon»
«C’est une Eglise très marquée à droite avec un discours fort contre l’institutionnalisation de l’IVG, réagit Marie Marchandise, ancienne vice-présidente de l’association catholique les Amis de Jéricho, qui accompagne les personnes vivant dans la rue ou en situation de grande précarité dans l’aire métropolitaine toulonnaise. Mais je ne pense pas que ce soit spécifique à Toulon puisque de nombreuses paroisses sont connotées traditionalistes dans le Var.»
Le diocèse de Fréjus-Toulon enchaîne en effet depuis des années les polémiques. Son ancien évêque, le très conservateur monseigneur Dominique Rey, a démissionné en janvier, après avoir été poussé vers la sortie par le pape François. Le Vatican lui reprochait une gestion financière douteuse, l’accueil de paroissien persona non grata ailleurs et une tendance trop prononcée pour le traditionalisme. Durant son épiscopat, une cinquantaine de communautés ont été créées ou accueillies dans le diocèse, faisant de ce dernier un «laboratoire» de diversification ecclésiastique. Nombre d’entre elles sont identifiées comme traditionalistes, célébrant notamment les messes en latin.
«Je ne me sens pas à l’aise dans toutes les églises de Toulon, confie Magali Brunel, membre du Parti socialiste et tête de liste de Toulon en commun, la coalition de gauche pour les prochaines élections municipales de mars 2026. Il y a un regain d’un discours ferme sur la laïcité et les valeurs de la République et un phénomène de défense, face à une soi-disant menace d’autres religions. En tant que catholique, je suis un peu désarmée par les discours tenus.» «Certaines communautés se rapprochent même des mouvements Tradwife venus des Etats-Unis», ajoute Marie Marchandise, qui a quitté ses fonctions de vice-présidente après des désaccords éthiques avec sa direction.
Le RN en soutien des cathos-tradis
A Toulon, la mairie pourrait même bientôt tenir table ouverte pour les tradis. Future candidate du RN pour les municipales des 15 et 22 mars 2026, la députée Laure Lavalette ne cache ni sa foi, ni ses valeurs traditionnelles, tournées vers la famille et la «protection de la vie». Elle avait notamment voté contre l’inscription de l’IVG dans la Constitution en novembre 2022. La perspective de son arrivée à l’hôtel de ville, vingt-cinq ans après le départ du Front national de la mairie, inquiète la gauche, notamment sur des financements accordés aux écoles privées ou d’autres associations catholiques. «Il y a une accointance de la droite pour ces sujets», déplore André De Ubeda, élu d’opposition PCF.
Le cabinet de la maire Josée Massi défend de son côté des financements «dans la loi», «Toulon en commun veut réduire ces financements et l’autre côté de l’échiquier politique [le Rassemblement national dans ce cas, ndlr] veut les augmenter, résume sa directrice adjointe de cabinet Isabelle Bonnefoy. Nous essayons de trouver un équilibre.» Le rendez-vous des élections municipales – qui devrait voir s’affronter ces trois blocs politiques – est pris.
https://www.liberation.fr/politique/nou ... ZI5LKYEFM/
Pas de chance. Les membres de la paroisse de Saint-François de Paule semblaient un peu étonnés d’être contacté par Libération après leur concert organisé mardi 19 août sur le parvis de leur église, près du port de Toulon, en bas du cours Lafayette. Le groupe Soutanes of swing, composé de sept missionnaires de la miséricorde divine, société de catholiques traditionnels associée au diocèse de Fréjus-Toulon, y reprenait comme à son habitude des artistes emblématiques du rock : Dire Straits, Johnny Hallyday, et, ce soir-là, un morceau de Pink Floyd.
Dans une story publiée par une habitante sur son compte Instagram le jour même, on pouvait y voir une ambiance festive, alors que le groupe reprend Another Brick in the Wall, chanson mythique du groupe anglais dans laquelle les natifs de Londres expriment leur aversion pour le système éducatif et la pensée unique. «We don’t need no education. We don’t need no thought control. No dark sarcasm in the class rooms.» («On n’a pas besoin d’éducation. On n’a pas besoin de contrôle de la pensée. Pas de sarcasme dans les salles de classe»), entonnait à l’époque Roger Waters, l’un des chanteurs et bassiste de Pink Floyd. Un hymne libertaire, revisité par les rockeurs en soutanes : «We don’t need no contraception. We don’t need no birth control. No dark sarcasm in the white rooms.» («On n’a pas besoin de contraception. On n’a pas besoin de contrôle des naissances. Pas de sarcasme dans les salles blanches.») Cette dernière partie fait, selon la paroisse, référence à la contraception chimique et au contrôle médical des naissances.
«La contraception, c’est la pensée unique»
«C’est notre habitude de modifier les paroles, justifie l’abbé Hugues de Franclieu, paroissien et membre du groupe. Il y a un côté amusant et provocant à le faire. Ici, nous voulions faire un clin d’œil à Pink Floyd, car la contraception est aujourd’hui un sujet que l’on n’a presque pas le droit d’évoquer tellement il est tabou, tellement c’est la pensée unique. Mais le but du concert n’est pas de revendiquer la morale sexuelle de la Sainte Eglise.»
«C’est la première fois qu’il y a ce type de débordement à notre connaissance», réagit Isabelle Bonnefoy, directrice adjointe du cabinet de la maire de Toulon, Josée Massi, confirmant qu’une autorisation départementale a été délivrée pour le concert. «Il y a un climat pesant et certaines associations ont un peu peur de s’exprimer sur le sujet. Nous allons communiquer conjointement avec le Planning familial afin de rappeler l’importance de la contraception», précise Claudine Richard, présidente du Centre d’information des droits des femmes et figure féministe locale. Fin mai, la façade du Planning familial de Toulon était taguée de l’inscription «structure de mort». L’association a déposé plainte, sans avancée ni auteur présumé à ce jour.
L’abbé Jean-Raphaël Dubrule, supérieur de la communauté, trouve de son côté «assez réducteur de s’arrêter à cette musique, car elle n’est pas très représentative de l’esprit» du groupe et de la paroisse. Avant d’ajouter : «On peut simplement dire que ce n’est pas très futé, mais on ne peut pas faire tout, toujours parfaitement.» Le reste du répertoire des Soutanes of swing semble, en effet, plus tourné vers l’adoration à la vierge que vers la morale sexuelle. Mais cette prise de position artistique se tient dans un contexte varois particulier autour des communautés religieuses et de leurs convictions.
«Je ne me sens pas à l’aise dans toutes les églises de Toulon»
«C’est une Eglise très marquée à droite avec un discours fort contre l’institutionnalisation de l’IVG, réagit Marie Marchandise, ancienne vice-présidente de l’association catholique les Amis de Jéricho, qui accompagne les personnes vivant dans la rue ou en situation de grande précarité dans l’aire métropolitaine toulonnaise. Mais je ne pense pas que ce soit spécifique à Toulon puisque de nombreuses paroisses sont connotées traditionalistes dans le Var.»
Le diocèse de Fréjus-Toulon enchaîne en effet depuis des années les polémiques. Son ancien évêque, le très conservateur monseigneur Dominique Rey, a démissionné en janvier, après avoir été poussé vers la sortie par le pape François. Le Vatican lui reprochait une gestion financière douteuse, l’accueil de paroissien persona non grata ailleurs et une tendance trop prononcée pour le traditionalisme. Durant son épiscopat, une cinquantaine de communautés ont été créées ou accueillies dans le diocèse, faisant de ce dernier un «laboratoire» de diversification ecclésiastique. Nombre d’entre elles sont identifiées comme traditionalistes, célébrant notamment les messes en latin.
«Je ne me sens pas à l’aise dans toutes les églises de Toulon, confie Magali Brunel, membre du Parti socialiste et tête de liste de Toulon en commun, la coalition de gauche pour les prochaines élections municipales de mars 2026. Il y a un regain d’un discours ferme sur la laïcité et les valeurs de la République et un phénomène de défense, face à une soi-disant menace d’autres religions. En tant que catholique, je suis un peu désarmée par les discours tenus.» «Certaines communautés se rapprochent même des mouvements Tradwife venus des Etats-Unis», ajoute Marie Marchandise, qui a quitté ses fonctions de vice-présidente après des désaccords éthiques avec sa direction.
Le RN en soutien des cathos-tradis
A Toulon, la mairie pourrait même bientôt tenir table ouverte pour les tradis. Future candidate du RN pour les municipales des 15 et 22 mars 2026, la députée Laure Lavalette ne cache ni sa foi, ni ses valeurs traditionnelles, tournées vers la famille et la «protection de la vie». Elle avait notamment voté contre l’inscription de l’IVG dans la Constitution en novembre 2022. La perspective de son arrivée à l’hôtel de ville, vingt-cinq ans après le départ du Front national de la mairie, inquiète la gauche, notamment sur des financements accordés aux écoles privées ou d’autres associations catholiques. «Il y a une accointance de la droite pour ces sujets», déplore André De Ubeda, élu d’opposition PCF.
Le cabinet de la maire Josée Massi défend de son côté des financements «dans la loi», «Toulon en commun veut réduire ces financements et l’autre côté de l’échiquier politique [le Rassemblement national dans ce cas, ndlr] veut les augmenter, résume sa directrice adjointe de cabinet Isabelle Bonnefoy. Nous essayons de trouver un équilibre.» Le rendez-vous des élections municipales – qui devrait voir s’affronter ces trois blocs politiques – est pris.
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