Qui seraient les gagnants et les perdants d’une suspension de la réforme des retraites ?
Posté : 13 octobre 2025 19:48
Avant de se prononcer sur une censure du gouvernement Lecornu II, le PS exige «une suspension immédiate et complète» de la réforme des retraites. Un gel immédiat figerait l’âge légal de départ à 62 ans et 9 mois au lieu de 64 ans, un statu quo favorable aux générations nées après 1964.
«C’est trop tard pour moi, mon sort est scellé», estime Valérie née en 1964. Depuis l’adoption de la réforme Borne, son âge légal de départ à la retraite est fixé à 63 ans (contre 64 ans à terme pour les générations futures). Une suspension dans l’état actuel des choses lui permettrait de partir à 62 ans et 9 mois, soit un trimestre plus tôt. Mais pas de quoi l’enthousiasmer, «préparer sa retraite ça s’anticipe au moins cinq ans avant, je ne vais pas tout bousculer pour trois mois».
Quoi qu’il arrive, cette cadre du secteur bancaire prévoit de raccrocher les gants en janvier 2028, à 64 ans, pour compenser un temps partiel à 80 % qu’elle a occupé pendant dix ans. «De toute manière toute suspension est hypothétique», balaie-t-elle. Hypothétique, tout l’est, tant qu’un texte de loi, définissant le cadre d’une suspension n’est pas voté.
Pour négocier sa non-censure du gouvernement Lecornu II, le Parti socialiste a fait de «la suspension immédiate et complète» de la réforme une exigence. «Nous demandons la suspension intégrale de la réforme des retraites. C’est-à-dire à la fois sur la mesure d’âge légal et sur l’accélération de la réforme Touraine [promulguée en 2014, et enclenchée en 2020, qui allonge progressivement la durée de cotisation, ndlr], a rappelé le chef de file des députés PS Boris Vallaud dans Libération. Le chef de l’Etat qui les a reçus vendredi, ne leur a, à ce stade, pas donné satisfaction. Il a certes fait un petit geste en suggérant un décalage dans le temps de l’âge de départ jusqu’à la présidentielle de 2027. Mais tout en maintenant la hausse de la durée de cotisation [quarante-trois ans de cotisation à partir de 2027 au lieu de 2035]. Insuffisant aux yeux des socialistes.
C’est l’ancienne Première ministre Elisabeth Borne elle-même qui avait pourtant relancé les débats. Pour sortir de l’impasse politique, elle a mis sur la table, mardi 7 octobre dans une interview au Parisien, une possible «suspension» de sa propre réforme des retraites adoptée au forceps par 49.3 au printemps 2023. Depuis le souvenir, encore vif, des calculs d’apothicaire a ressurgi pour les actifs proches de la retraite.
4,7 millions d’actifs concernés
Pour l’heure, la mise en œuvre de la réforme Borne s’étend jusqu’en 2032 : à chaque génération, l’âge légal est relevé de trois mois. Concrètement, les personnes nées après le 1er septembre 1961 pouvaient partir à 62 ans et 3 mois, la génération 1962 à 62 ans et 6 mois, puis celle née en 1963 à 62 ans et 9 mois et ainsi de suite jusqu’à la génération 1968 qui serait la première à partir au nouvel âge légal, 64 ans.
Une suspension au niveau actuel, comme le souhaite également la CFDT – la CGT demande toujours l’abrogation –, figerait l’âge légal de départ à 62 ans et 9 mois pour la génération née en 1963 mais aussi pour toutes celles à venir. Et ce, tant qu’une reprise de la montée en charge ne serait pas à nouveau votée. Les perdants d’un tel gel seraient donc les générations 1961, 1962 et 1963 pour qui le couperet du relèvement de l’âge légal a déjà été appliqué.
A l’inverse, les gagnants seraient les générations nées à partir de 1964, soit environ 4,7 millions d’actifs, selon les données de la Drees transmises au Figaro. Les personnes nées en 1964 pourraient partir trois mois plus tôt – une retraite dès l’automne 2026 au lieu d’attendre janvier 2027 –, celles de 1965, 6 mois plus tôt, celles de 1966, 9 mois plus tôt, celles de 1967, un an plus tôt. Les grands gagnants seraient donc la génération 1968 qui pourrait gagner 1 an et 3 mois.
Scénario à 63 ans
A moins que les règles du jeu soient à nouveau modifiées d’ici-là… Jean-Marie est né en 1970 et à l’heure actuelle, il peut partir à taux plein en juillet 2035 : «C’est dans dix ans ! Même si la suspension peut me faire gagner quelques mois, je ne peux pas me projeter sur quelque chose de stable alors que la présidentielle va rebattre les cartes…»
Autre scénario envisageable, celui sur lequel la Cour des comptes avait planché début 2025, peu avant l’ouverture du conclave des retraites. A savoir fixer l’âge d’ouverture des droits à 63 ans, pour un coût global de 13 milliards d’euros à l’horizon 2035 (5,8 milliards pour financer les pensions, et 7,2 milliards d’euros de pertes de recettes publiques hors cotisation retraites). Si un tel scénario était appliqué, la génération 1964 raterait le coche de la suspension qui profiterait aux générations nées à partir de 1965.
Concernant la durée de cotisation pour bénéficier d’une retraite à taux plein, la réforme Borne prévoit un passage progressif de 168 à 172 trimestres cotisés, soit 43 années de travail à partir de la génération 1965. Avec un gel en l’état, il faudrait cotiser 170 trimestres.
Le totem du recul progressif de l’âge légal de départ de 1962 à 1964 avait réuni jusqu’à 1,3 million, pour le ministère de l’Intérieur, contre 3,5 millions, pour la CGT, de personnes dans les rues. Une mobilisation d’une ampleur inédite. Et un débat jamais clôt depuis.
https://www.liberation.fr/economie/qui- ... 2QGECZCSM/
«C’est trop tard pour moi, mon sort est scellé», estime Valérie née en 1964. Depuis l’adoption de la réforme Borne, son âge légal de départ à la retraite est fixé à 63 ans (contre 64 ans à terme pour les générations futures). Une suspension dans l’état actuel des choses lui permettrait de partir à 62 ans et 9 mois, soit un trimestre plus tôt. Mais pas de quoi l’enthousiasmer, «préparer sa retraite ça s’anticipe au moins cinq ans avant, je ne vais pas tout bousculer pour trois mois».
Quoi qu’il arrive, cette cadre du secteur bancaire prévoit de raccrocher les gants en janvier 2028, à 64 ans, pour compenser un temps partiel à 80 % qu’elle a occupé pendant dix ans. «De toute manière toute suspension est hypothétique», balaie-t-elle. Hypothétique, tout l’est, tant qu’un texte de loi, définissant le cadre d’une suspension n’est pas voté.
Pour négocier sa non-censure du gouvernement Lecornu II, le Parti socialiste a fait de «la suspension immédiate et complète» de la réforme une exigence. «Nous demandons la suspension intégrale de la réforme des retraites. C’est-à-dire à la fois sur la mesure d’âge légal et sur l’accélération de la réforme Touraine [promulguée en 2014, et enclenchée en 2020, qui allonge progressivement la durée de cotisation, ndlr], a rappelé le chef de file des députés PS Boris Vallaud dans Libération. Le chef de l’Etat qui les a reçus vendredi, ne leur a, à ce stade, pas donné satisfaction. Il a certes fait un petit geste en suggérant un décalage dans le temps de l’âge de départ jusqu’à la présidentielle de 2027. Mais tout en maintenant la hausse de la durée de cotisation [quarante-trois ans de cotisation à partir de 2027 au lieu de 2035]. Insuffisant aux yeux des socialistes.
C’est l’ancienne Première ministre Elisabeth Borne elle-même qui avait pourtant relancé les débats. Pour sortir de l’impasse politique, elle a mis sur la table, mardi 7 octobre dans une interview au Parisien, une possible «suspension» de sa propre réforme des retraites adoptée au forceps par 49.3 au printemps 2023. Depuis le souvenir, encore vif, des calculs d’apothicaire a ressurgi pour les actifs proches de la retraite.
4,7 millions d’actifs concernés
Pour l’heure, la mise en œuvre de la réforme Borne s’étend jusqu’en 2032 : à chaque génération, l’âge légal est relevé de trois mois. Concrètement, les personnes nées après le 1er septembre 1961 pouvaient partir à 62 ans et 3 mois, la génération 1962 à 62 ans et 6 mois, puis celle née en 1963 à 62 ans et 9 mois et ainsi de suite jusqu’à la génération 1968 qui serait la première à partir au nouvel âge légal, 64 ans.
Une suspension au niveau actuel, comme le souhaite également la CFDT – la CGT demande toujours l’abrogation –, figerait l’âge légal de départ à 62 ans et 9 mois pour la génération née en 1963 mais aussi pour toutes celles à venir. Et ce, tant qu’une reprise de la montée en charge ne serait pas à nouveau votée. Les perdants d’un tel gel seraient donc les générations 1961, 1962 et 1963 pour qui le couperet du relèvement de l’âge légal a déjà été appliqué.
A l’inverse, les gagnants seraient les générations nées à partir de 1964, soit environ 4,7 millions d’actifs, selon les données de la Drees transmises au Figaro. Les personnes nées en 1964 pourraient partir trois mois plus tôt – une retraite dès l’automne 2026 au lieu d’attendre janvier 2027 –, celles de 1965, 6 mois plus tôt, celles de 1966, 9 mois plus tôt, celles de 1967, un an plus tôt. Les grands gagnants seraient donc la génération 1968 qui pourrait gagner 1 an et 3 mois.
Scénario à 63 ans
A moins que les règles du jeu soient à nouveau modifiées d’ici-là… Jean-Marie est né en 1970 et à l’heure actuelle, il peut partir à taux plein en juillet 2035 : «C’est dans dix ans ! Même si la suspension peut me faire gagner quelques mois, je ne peux pas me projeter sur quelque chose de stable alors que la présidentielle va rebattre les cartes…»
Autre scénario envisageable, celui sur lequel la Cour des comptes avait planché début 2025, peu avant l’ouverture du conclave des retraites. A savoir fixer l’âge d’ouverture des droits à 63 ans, pour un coût global de 13 milliards d’euros à l’horizon 2035 (5,8 milliards pour financer les pensions, et 7,2 milliards d’euros de pertes de recettes publiques hors cotisation retraites). Si un tel scénario était appliqué, la génération 1964 raterait le coche de la suspension qui profiterait aux générations nées à partir de 1965.
Concernant la durée de cotisation pour bénéficier d’une retraite à taux plein, la réforme Borne prévoit un passage progressif de 168 à 172 trimestres cotisés, soit 43 années de travail à partir de la génération 1965. Avec un gel en l’état, il faudrait cotiser 170 trimestres.
Le totem du recul progressif de l’âge légal de départ de 1962 à 1964 avait réuni jusqu’à 1,3 million, pour le ministère de l’Intérieur, contre 3,5 millions, pour la CGT, de personnes dans les rues. Une mobilisation d’une ampleur inédite. Et un débat jamais clôt depuis.
https://www.liberation.fr/economie/qui- ... 2QGECZCSM/